Comment le plus grand primate de tous les temps s’est-il éteint
Le plus grand primate de notre arbre généalogique s’est éteint il y a des centaines de milliers d’années, et son existence est connue de l’humanité depuis moins d’un siècle. A présent, une équipe de chercheurs a examiné d’anciennes archives et a défini une période d’extinction plus précise pour notre énorme parent déchu, le Gigantopithecus blacki, et elle a mis en évidence quelques causes possibles de sa disparition.
Image d’entête : représentation artistique de la face du G. blacki. (Garcia/ Joannes-Boyau (Southern Cross University))
Ces grands singes disparus du sud de la Chine, qui mesuraient jusqu’à 3 mètres et pesaient jusqu’à 250 kg, ont longtemps intrigué les paléontologues. Nous savons que ces créatures massives ont existé grâce aux 2 000 dents et aux 4 mâchoires qu’elles ont laissées derrière elles, mais le moment et la manière dont elles se sont éteintes restent un mystère.
Jusqu’à aujourd’hui. Les résultats d’un vaste projet de datation mené par des chercheurs chinois, australiens et américains ont été publiés cette semaine (lien plus bas) et il semble désormais que ces créatures aient été victimes de changements environnementaux.
Selon le coauteur de la recherche, le professeur Yingqi Zhang, de l’Institut de paléontologie des vertébrés et de paléoanthropologie de l’Académie des sciences de Chine (IVPP) :
L’histoire du G. blacki est une énigme en paléontologie : comment une créature aussi puissante a-t-elle pu disparaître à une époque où d’autres primates s’adaptaient et survivaient ? La cause non résolue de sa disparition est devenue le Saint Graal de cette discipline.
Les orangs-outans, qui ressemblent beaucoup au Gigantopithecus blacki, font partie des primates qui ont prospéré.
L’IVPP recherche depuis plus de 10 ans des traces de G. blacki dans cette région, mais en l’absence de datations solides et d’une analyse environnementale cohérente, la cause de son extinction nous a échappé.
Représentation artistique d’un groupe de G. blacki. (Garcia/Joannes-Boyau (Southern Cross University))
Les chercheurs ont utilisé six techniques de datation différentes sur des échantillons provenant de 22 grottes, 11 contenant des traces de G. blacki et 11 n’en contenant pas, toutes situées dans la province de Guangxi , dans le sud de la Chine. Ils ont ainsi obtenu 157 datations différentes pour les échantillons de fossiles. Combinés à des analyses environnementales portant sur des éléments tels que le pollen, les sédiments des grottes et les isotopes présents dans les dents, les chercheurs ont pu dresser un tableau plus complet de l’existence et de l’extinction du G. blacki.
Ils ont découvert qu’il y a 2,3 millions d’années, le paysage était une mosaïque de forêts et d’herbes, offrant des conditions idéales pour des populations prospères de G. blacki, selon leur étude. Mais le singe s’est éteint plus tôt qu’on ne le pensait ̶ entre 295 000 et 215 000 ans ̶ au moment où l’environnement commençait à devenir plus variable. Les chercheurs pensent qu’il n’a pas pu s’adapter à l’évolution du paysage, ce qui a entraîné un déclin de sa population.
Selon Zhang :
L’ultime spécialiste qu’était le G. blacki, par rapport à des animaux plus agiles et adaptables comme les orangs-outans, a fini par causer sa perte. Face à la menace d’une sixième extinction de masse, il est urgent de comprendre pourquoi les espèces disparaissent.
L’étude des raisons des extinctions passées non résolues nous donne un bon point de départ pour comprendre la résilience des primates et le sort d’autres grands animaux, dans le passé et dans l’avenir.
L’étude publiée dans Nature : The demise of the giant ape Gigantopithecus blacki et présentée sur le site de l’Université Southern Cross : Giant ‘kings of apes’ once roamed southern China. We solved the mystery of their extinction.