Un réacteur de fusion produit une quantité record d’énergie lors de sa dernière expérience
Des scientifiques ont établi un nouveau record mondial en matière d’énergie de fusion, en produisant 69 mégajoules au Joint European Torus (JET) au Royaume-Uni.
Image d’entête : installation de fusion nucléaire, à l’Intérieur du tokamak du JET avec plasma en surimpression. (UKAEA)
Cette « réalisation scientifique majeure » était la dernière expérience du laboratoire après 40 ans de recherche sur la fusion, un « chant du cygne approprié » selon le sous-secrétaire d’État au Nucléaire britannique, Andrew Bowie.
L’installation est un tokamak en forme de beignet, un type de réacteur de fusion qui piège un nuage de plasma ultra-chaud à l’intérieur d’un puissant champ magnétique.
Lors de son fonctionnement, l’installation JET a utilisé seulement 0,2 milligramme de combustible pour produire 69 mégajoules (12,5 mégawatts), ce qui est suffisant pour alimenter environ 12 000 foyers, mais seulement pendant 5 secondes. En revanche, le record n’a pas permis d’obtenir un bilan énergétique net positif, car il a fallu dépenser beaucoup plus d’énergie pour obtenir ces résultats. Comme le souligne l’Institut Max Planck pour la physique des plasmas (Allemagne), il est « physiquement impossible » d’obtenir un « gain d’énergie » avec « le JET et toutes les autres expériences actuelles de fusion magnétique dans le monde ».
Vue de l’intérieur du tokamak du Joint European Torus lors de l’impulsion n° 104522 du 3 octobre 2023, qui a établi un nouveau record d’énergie de fusion de 69 mégajoules. (United Kingdom Atomic Energy Authority/ EUROfusion)
Les réacteurs à fusion nucléaire imitent les processus qui alimentent les étoiles, y compris le Soleil. En brisant les atomes pour les lier ensemble, à l’inverse des réacteurs nucléaires, qui séparent les atomes, les scientifiques espèrent produire de grandes quantités d’énergie verte. Mais il a été incroyablement difficile de parvenir à ce que les réacteurs de fusion non seulement génèrent une énergie nette positive, mais aussi produisent de l’énergie à une échelle significative. Malgré plusieurs décennies de recherche, nous n’avons commencé à réaliser le premier objectif que récemment, et le second ne sera probablement pas atteint avant de nombreuses années.
Mais il y a des lueurs d’espoir. La nouvelle arrive la même semaine que la publication d’une série d’études confirmant que le National Ignition Facility (États-Unis) a réalisé un gain net d’énergie en 2022 en utilisant le réacteur alimenté par laser du Laboratoire national Lawrence Livermore (lien ci-dessous). La production était toutefois relativement minuscule, avec 2,5 mégajoules d’énergie, soit environ assez d’électricité pour faire bouillir une bouilloire.
La semaine dernière :
Les scientifiques attendent maintenant avec impatience l’achèvement du réacteur thermonucléaire expérimental international (ITER) en France, le successeur de l’installation JET, beaucoup plus grand et plus moderne. Les chercheurs espèrent produire des puissances allant jusqu’à 700 mégawatts à l’aide de ce réacteur de nouvelle génération.
Selon Tim Luce, chef adjoint du projet de construction d’ITER :
Il s’agit de ce que j’appelle habituellement l’échelle d’une centrale électrique. Elles se situent à l’extrémité inférieure de ce dont on a besoin pour une installation de production d’électricité. En outre, nous devons étendre l’échelle de temps à au moins 300 secondes pour la puissance et le gain de fusion élevés, mais peut-être jusqu’à une heure en termes de production d’énergie. Ce qu’a fait le JET est donc exactement un modèle réduit de ce que nous devons faire dans le cadre du projet ITER.
Les États-Unis et l’Europe ne sont pas les seuls à développer des réacteurs de fusion. L’année dernière, le « soleil artificiel » chinois, le tokamak supraconducteur expérimental avancé, aurait battu son propre record en maintenant le plasma à l’intérieur d’un tokamak pendant près de 7 minutes. L’expérience Korea Superconducting Tokamak Advanced Research (KSTAR) a également réussi à maintenir des températures supérieures à 100 millions de degrés Celsius, suffisantes pour fusionner des atomes, pendant 30 secondes en 2022.
Si le dernier record de l’installation JET constitue une étape importante vers la mise en place d’une forme d’énergie fiable et entièrement renouvelable, les scientifiques ont encore un long chemin à parcourir.
Tous les regards sont désormais tournés vers ITER. Les responsables espèrent que si tout se déroule comme prévu, ce qui est loin d’être évident compte tenu des incertitudes qui pèsent sur le projet, un prototype de centrale à fusion pourrait ouvrir ses portes d’ici à 2050.
Annoncée sur le site du consortium scientifique EUROfusion : JET Tokamak’s Latest Fusion Energy Record Shows Mastery of Fusion Processes et sur le site de l’Autorité britannique de l’énergie atomique : Fusion research facility JET’s final tritium experiments yield new energy record.