Il y a bien longtemps, Andromède a mangé une grande sœur de notre galaxie
Des chercheurs de l’université du Michigan (UoM) rapportent que la galaxie d’Andromède (ou M31) a frappé et dévoré une de ses sœurs il y a environ 2 milliards d’années. Bien que sa victime ait été presque complètement déchiquetée, l’équipe a reconstitué les preuves de la collision à partir de la mince auréole d’étoiles qui sépare Andromède de son énigmatique compagne, Meiser 32 (M32).
Image d’entête : la galaxie d’Andromède, avec les galaxies satellites M32 (centre gauche) et M110 (en bas à droite). (S. Ozime)
Cette découverte nous aide à mieux comprendre l’évolution de galaxies comme la Voie lactée et leur comportement lors de grandes fusions.
Notre galaxie et notre plus proche voisine, Andromède, sont les deux plus grands membres d’un groupe connu sous le nom de Groupe Local (de galaxies). Cette famille élargie comprend 54 galaxies différentes, dont la plupart sont des galaxies naines servant de satellites pour leurs plus grandes cousines, toutes en orbite autour d’un point situé à peu près entre Andromède et la Voie lactée.
Cela peut sembler idyllique, mais les chercheurs ont découvert qu’au moins un membre de ce groupe a trouvé la mort aux mains d’Andromède. Cette galaxie, baptisée M32p, était le troisième plus grand membre du groupe local, une distinction qui revient maintenant à la galaxie du Triangle.
L’équipe a commencé ses recherches en utilisant des données relatives au halo d’étoiles autour d’Andromède. Il ne s’agit pas d’une caractéristique unique, de nombreuses galaxies abritent des groupes d’étoiles brillantes autour de leur masse, les derniers vestiges de galaxies plus petites qu’elles ont absorbés au fil du temps. Comme Andromède est si grande et riche en matière, elle fait plus du double en diamètre de la Voie lactée et en nombre d’étoiles, les chercheurs s’attendaient à ce quelle ait consommé des centaines de galaxies plus petites ce qui, selon eux, rendrait impossible l’étude d’un seul repas de ce genre.
Comparaison de taille entre M32p et la M32 d’aujourd’hui. (Rchard D’Souza. Image de M64 : NOAO/ AURA/ NSF)
Cependant, les simulations informatiques de l’équipe ont révélé que bien qu’Andromède ait mangé de nombreuses galaxies compagnes, la plupart des étoiles du halo extérieur proviennent d’une seule grande galaxie. En reconstituant les preuves pour les comparer dans le temps, l’équipe a découvert que M32p aurait été massive, probablement la troisième plus grandes du groupe local, après Andromède et la Voie lactée. L’article ajoute que M32p était au moins 20 fois plus grand que toute autre galaxie avec laquelle la Voie lactée a fusionné.
Les étoiles d’Andromède sont très riches en métal et très jeunes. En général, plus la galaxie est grande, plus les étoiles sont riches en métal. Les chercheurs suspectaient que, puisque les étoiles dans le halo d’Andromède étaient très riches en métal, cela devait provenir d’une grande galaxie riche de ses mêmes éléments.
Un halo riche en métal suffisamment grand pour englober une galaxie telle qu’Andromède ne pourrait s’être formé qu’à travers une seule grande fusion, ajoutent-ils, notant qu’il n’y a pas beaucoup de galaxies plus petites dans l’Univers pour atteindre la masse du halo.
Comme dans le monde des affaires, les galaxies se développent également par le biais de fusions et d’acquisitions. Pour qu’une grande entreprise puisse croître à un rythme très rapide, il faudrait qu’elle fasse l’acquisition d’une grande entreprise similaire. Ce fut le cas avec Andromède.
Les résultats remettent en question nos modèles sur la façon dont la fusion entre deux galaxies massives se déroule. Jusqu’à présent, les astronomes croyaient qu’un tel événement aplatirait le disque d’une galaxie spirale en une galaxie elliptique, mais le disque d’Andromède s’est manifestement faufilé à travers un disque encore très spiralé. Certains effets de cette collision sont encore visibles, selon D’Souza. Parmi eux, l’épaisseur du disque d’Andromède et les vitesses plus élevées auxquelles ses étoiles voyagent, 90 km/s contre environ 30 km/s dans la Voie lactée.
Ce graphique montre comment la galaxie d’Andromède a déchiqueté la grande galaxie M32p, laissant au final un noyau galactique dénudé connu sous le nom de M32, ainsi qu’un halo géant d’étoiles d’âge intermédiaire riches en métal.
(R. D’Souza/ M31 : Wei-Hao Wang/ halo stellaire de M32 : AAS/IOP)
Cependant, le fait qu’Andromède ait pu conserver sa forme spiralée après cette collision fut très surprenant. Il se pourrait que l’angle particulier de la collision entre les deux galaxies ait donné à Andromède sa forme en spirale, mais les chercheurs précisent que davantage de simulations informatiques doivent être réalisées pour voir quel ensemble d’orbites aide à préserver le disque.
Le moment de la fusion coïncide avec une intense explosion de formation d’étoiles dans Andromède, il y a deux milliards d’années. Toute cette activité suggère également que M32p devait être riche en gaz pour fournir suffisamment de blocs de construction (aux étoiles).
Enfin, les résultats indiquent que la mystérieuse, compacte et très dense galaxie satellite M32 d’Andromède (celle d’aujourd’hui) est le dernier reste de la galaxie autrefois puissante, le noyau nu. Cette donnée pourrait aider à expliquer pourquoi nous voyons si peu de galaxies semblables à M32 parcourant l’univers.
Selon Eric Bell, coauteur de l’étude et professeur d’astronomie à l’UoM :
M32 est un drôle de personnage. Bien qu’elle ressemble à un exemple compact d’une vieille galaxie elliptique, elle a en fait beaucoup de jeunes étoiles. C’est l’une des galaxies les plus compactes de l’univers. Il n’y a pas d’autre galaxie comme elle.
Et ajoute D’Souza :
Les galaxies comme M32 sont très rares dans l’Univers. Le terme utilisé pour les désigner dans la littérature est “galaxie elliptique compacte”, et elles sont parmi les galaxies les plus rares de l’Univers. Nous en connaissons une douzaine dans l’Univers proche, et nous avons déduit que plus loin (là où nous ne pouvons pas les déceler), le nombre est tout aussi bas.
Dans le cadre de l’étude, l’équipe a également constaté que le scénario de fusion pourrait contribuer à expliquer la rareté des objets de type M32. Il semble que le secret n’est pas seulement dans le processus de fusion lui-même, mais aussi dans la composition particulière des galaxies impliquées. Pour D’Souza : « Ce dont on a vraiment besoin, c’est d’une galaxie avec une haute densité de surface centrale d’étoiles comparable à M32 « . Cela semble être assez rare, l’équipe n’a identifié que 8 progéniteurs potentiels pour des objets de type M32.
Selon les chercheurs, leur étude pourrait modifier nos connaissances actuelles sur l’évolution des galaxies. De constater que le disque d’Andromède a survécu à un impact avec une galaxie massive s’oppose à nos modèles actuels, ce qui suggère que de telles grandes interactions détruiraient les disques et formeraient une galaxie elliptique.
Cela allait si fondamentalement à contre-courant des connaissances actuelles sur la formation des galaxies que, auparavant, il n’avait même pas été envisagé la possibilité que ce scénario se soit un jour produit.
Eric Bell de conclure :
Les astronomes étudient le groupe local , la Voie lactée, Andromède et leurs compagnes, depuis si longtemps. C’était choquant de réaliser que la Voie lactée avait une grande sœur et que nous n’en avons jamais entendu parler.
De telles méthodes d’investigation peuvent également être appliquées à d’autres galaxies, explique l’équipe, pour nous aider à comprendre l’histoire de la fusion d’autres galaxies en dehors d’Andromède.
L’étude publiée dans la revue Nature Astronomy : The Andromeda galaxy’s most important merger about 2 billion years ago as M32’s likely progenitor et présentée sur le site de l’université du Michigan : The Milky Way’s long-lost sibling finally found.