Deux autres mammifères viennent s’ajouter à la petite liste de ceux qui traversent la ménopause

La plupart des humains ayant des ovaires passent par la ménopause. Mais ce n’est pas le cas de la plupart des animaux, et leurs organes reproducteurs durent à peu près aussi longtemps qu’eux. Nous sommes un cas particulier. Les baleines aussi.

Image d’entête : un beluga. (CC0 Public Domain)

Les bélugas et les narvals sont le dernier ajout connu au rang des mammifères ménopausés, selon l’étude récente d’un groupe de scientifiques. Cela porte à cinq le nombre total d’espèces : ces deux baleines, plus les épaulards, les globicéphales, les globicéphales à nageoires courtes et nous.

Dans la perspective brute et évolutive de la vie, que la survie et la reproduction sont les principaux objectifs de l’existence, selon Sam Ellis, qui étudie le comportement animal à l’université d’Exeter en Grande-Bretagne :

Il est très étrange de ne pas continuer à se reproduire.

C’est pourquoi Ellis et ses collègues chercheurs sont partis à la recherche d’autres créatures qui possèdent ce trait biologique inhabituel.

Aucun autre primate non humain ne traverse la ménopause. Nos plus proches parents primates peuvent tomber enceintes essentiellement jusqu’à la toute fin, car leurs organes reproducteurs ralentissent en synchronisme avec le reste de leur corps. Les chimpanzés sont ainsi viables du point de vue de la reproduction pendant la plus grande partie de leur durée de vie. Des recherches sur les chimpanzés captifs indiquent que les chimpanzés femelles passent par la ménopause dans les dernières années de leur vie.

Les femmes passent habituellement par la ménopause entre 45 et 55 ans et peuvent vivre des décennies supplémentaires.

Les auteurs de la nouvelle étude, des universités d’Exeter et de York (Angleterre), en collaboration avec le Center for Whale Research, se sont concentrés sur les baleines à dents. Ils savaient que les épaulards traversent aussi la ménopause, en se basant sur quatre décennies de recherche. Les chercheurs ont passé au peigne fin les données anatomiques de 16 espèces de baleines apparentées. D’autres chercheurs avaient recueilli des descriptions anatomiques de baleines mortes, échouées, qui avaient été disséquées. À partir d’éléments comme les dents, les scientifiques peuvent déterminer l’âge des baleines.

Narval. (National Geographic)

L’analyse des ovaires de baleine indique les taux de reproduction des animaux. Chaque fois qu’une baleine relâche un œuf, l’ovulation laisse une petite cicatrice permanente dans l’ovaire et selon Ellis :

Si vous avez ceci pour toute une population, vous pouvez commencer à obtenir la relation entre l’activité dans l’ovaire et l’âge.

Cette relation a révélé que les bélugas et les narvals cessent d’ovuler bien avant la fin de leur vie de 60 à 70 ans. D’autres baleines à dents, comme les cachalots, sont demeurées fertiles.

La ménopause a deux exigences évolutives, toujours selon  Ellis :

Vous devez vivre longtemps, et vous devez cesser de vous reproduire à la fin de votre vie.

Les grands-mères pourraient être la réponse à la ménopause. Les travaux anthropologiques de la fin des années 1980 et des années 1990 ont montré que la ménopause est commune aux humains du monde entier, y compris les tribus de chasseurs-cueilleurs modernes.

Kristen Hawkes, anthropologue à l’université de l’Utah, fut l’un des artisans de cette recherche et de ce que l’on appelle « l’hypothèse de la grand-mère« . Dans cette hypothèse, une femme plus âgée aide les enfants de ses enfants à s’épanouir. Après la ménopause, lorsqu’elle ne peut plus avoir d’enfants, elle consacre son temps et ses connaissances accumulées pour aider ses descendants. Hawkes parie sur l’évolution de l’augmentation de la longévité de notre lignée due aux effets de grand-mère.

Il est difficile d’étudier le comportement des narvals et des bélugas dans leur habitat naturel dans les mers froides et éloignées du Nord. Chez les bélugas, la période de soins maternels au cours des premières années est bien documentée. Au-delà de cela, la structure sociale n’est pas bien connue. Une étude récente sur les orques a révélé que les mères d’épaulards partagent le saumon avec « leurs fils adultes plus grands ». Ces fils adultes s’accouplent ailleurs, et ainsi l’aide que les mères plus âgées donnent à leurs grands fils se traduit par plus de petits-enfants qui ne rivalisent pas avec la descendance de la tribu orque de grand-mère.

Ce nouveau travail suggère que la ménopause a évolué 3 fois de façon indépendante chez les baleines à dents : une fois chez les épaulards, une fois chez les globicéphales à nageoires courtes et une fois chez l’ancêtre commun des narvals et des bélugas.

Ellis soupçonne que les structures sociales de ces espèces de baleines peuvent être similaires. Mais aucune étude sur les bélugas n’a la perspective multigénérationnelle nécessaire  » pour montrer que les femelles post-productrices contribuent au succès de leurs petits-enfants “.

Les humains  » sont très loin de l’état ancestral dans lequel nous avons évolué « , selon Ellis, loin des pressions de sélection imposées aux premiers humains. Mais ces baleines vivent dans des environnements et des groupes similaires à ceux de leurs ancêtres il y a des millions d’années, dit-il.

Si nous comprenons les circonstances qui ont mené à la ménopause des baleines, nous pouvons peut-être mieux la comprendre pour nous-mêmes.

L’étude publiée dans la revue Scientific Reports : Analyses of ovarian activity reveal repeated evolution of post-reproductive lifespans in toothed whales et présentée sur le site de l’université d’Exeter : Beluga whales and narwhals go through menopause.