12 ans plus tard : une carte en 3D incroyablement détaillée des connexions cérébrales de la mouche des fruits
Bien que leur cerveau ne soit pas plus gros qu’une graine de pavot, les mouches des fruits (drosophile) sont des créatures très intelligentes, dotées d’une grande mémoire et de capacités de navigation.
Image d’entête : Illustration 3D des connexions cérébrales de la mouche des fruits. (Flyem/ Janelia Research Campus)
Aujourd’hui, après 12 ans et un investissement de 40 millions de dollars (36 m d’euros), des scientifiques ont annoncé qu’ils avaient terminé la cartographie d’une grande partie du connectome de la mouche, un schéma de connexion tridimensionnel du cerveau, comprenant 20 millions de synapses reliant 25 000 neurones.
Afin de cartographier les circuits du cerveau de la mouche à fruits, les chercheurs de Google et du Janelia Research Campus de l’Institut médical Howard Hughes aux Etats-Unis, travaillant ensemble dans le cadre du projet FlyEM, ont d’abord découpé le cerveau déjà minuscule de l’insecte en sections de seulement 20 microns d’épaisseur chacune. Après avoir cartographié chaque tranche, celles-ci ont été rattachées pour former un diagramme numérique complet en 3D couvrant des millions de synapses.
Ce fut un processus extrêmement lourd et délicat, car la moindre erreur d’imagerie pouvait provoquer des effets désastreux sur l’ensemble des données.
Le cerveau de la mouche des fruits n’a pas été cartographié dans son intégralité. Les chercheurs se sont concentrés sur l’hémicrâne, une région de la taille d’un acarien qui contrôle des fonctions comme l’apprentissage, la mémoire, l’odorat et la navigation.
L’hémicrâne de la mouche est ici représenté en bleu comme une sous-section du cerveau entier. Il contient des zones clés pour des fonctions telles que l’apprentissage, la navigation, l’odorat, la vision et autres. (FlyEM/ Janelia Research Campus)
Certains de ces circuits neuronaux sont très similaires aux nôtres, ce qui suggère qu’ils ont été transmis par un lointain ancêtre commun. En fait, c’est ce qui rend cette carte cérébrale en 3D si essentielle, elle peut désormais être utilisée comme un modèle que les chercheurs peuvent consulter afin de mieux comprendre les circuits du cerveau et l’origine de troubles psychiatriques. Les applications pour les neurosciences et la découverte de médicaments, par exemple, pourraient être immenses.
Selon Gerry Rubin, directeur exécutif du Janelia Research Campus de l’Institut médical Howard Hughes, les neuroscientifiques peuvent utiliser ce schéma pour naviguer dans le cerveau et ses fonctions comme une personne utiliserait Google Maps sur son téléphone pour se rendre à une destination.
Bien entendu, l’idéal serait que les chercheurs puissent travailler directement avec un connectome humain complet. Hélas, une telle tâche est aujourd’hui irréalisable, il a fallu un temps et des efforts considérables pour cartographier le cerveau d’une créature avec un million de fois moins d’électrons que nous.
Image au microscope électronique des neurones de la mouche à fruits. (FlyEM/ Janelia Research Campus)
La drosophile est la deuxième espèce à voir ses connexions neuronales cartographiées à un niveau de détail aussi élevé, après le nématode C. elegans, qui ne possède que 7 000 synapses reliant 302 neurones. Ailleurs, d’autres chercheurs cartographient le cerveau de mammifères, une section à la fois. Par exemple, un groupe de l’Institut Allen à Seattle a créé une carte similaire d’un millimètre cube du cerveau de souris.
D’autres projets connectome actuellement en cours dans le monde comprennent la cartographie des circuits cérébraux d’oiseaux chanteurs, impliqués dans l’apprentissage du chant, ainsi qu’une minuscule région du cerveau humain.
Le séquençage du premier génome humain a coûté des milliards de dollars en 2001, alors qu’il ne coûte plus que quelques centaines de dollars aujourd’hui.
Les chercheurs espèrent pouvoir un jour cartographier les 75 millions de neurones de la souris, un projet qui pourrait coûter au moins 500 millions de dollars. En attendant, le projet flyEM espère cartographier les connexions cérébrales complètes de la mouche des fruits dans les deux prochaines années.
L’étude en prépublication dans bioRxiv : A Connectome of the Adult Drosophila Central Brain et présentée sur le site du Janelia : Unveiling the Biggest and Most Detailed Map of the Fly Brain Yet et de Google : Releasing the Drosophila Hemibrain Connectome — The Largest Synapse-Resolution Map of Brain Connectivity.