La perte de biodiversité, alimentée par l’activité humaine, pourrait mettre des millions d’années à se rétablir
Selon les résultats d’une nouvelle étude, les écosystèmes d’eau douce de la Terre pourraient mettre des millions d’années à se remettre des dommages que leur a infligés l’humain. Cette recherche révèle également que les gastéropodes vivant dans ces environnements disparaissent à un rythme trois fois plus élevé que lors de l’extinction massive qui a anéanti les dinosaures.
Image d’entête : le lac Volvi (Grèce) s’assèche temporairement en raison de l’irrigation excessive pour l’agriculture associée au changement climatique, l’un des nombreux exemples d’un système d’eau douce soumis à l’impact de l’humain. (C. Albrecht (JLU))
Les nombreux écosystèmes de la Terre sont incroyablement complexes et remarquablement fragiles. L’expansion et l’industrialisation de la race humaine ont entraîné une destruction massive des habitats, l’introduction de la pollution et d’espèces invasives, ainsi qu’un changement régulier, mais spectaculaire du climat de notre planète.
Ces facteurs ont conduit à l’inscription d’innombrables animaux sur la liste des espèces menacées, tandis que d’autres ont été poussés à l’extinction complète. La situation est devenue si grave que de nombreux membres de la communauté scientifique affirment que nous sommes entrés dans une sixième extinction de masse.
Une nouvelle étude publiée cette semaine (lien plus bas), a cherché à estimer combien de temps il faudra aux écosystèmes d’eau douce de la Terre pour se remettre de leur situation actuelle, et compare la crise actuelle à celle de l’extinction massive du Crétacé-Paléogène qui a décimé la population de dinosaures.
L’équipe internationale de scientifiques à l’origine de cette étude, dirigée par des membres de l’université Justus-Liebig de Gießen (Allemagne), s’est concentrée sur les restes vivants et fossilisés d’espèces de gastéropodes d’eau douce qui ont peuplé l’Europe au cours des 200 derniers millions d’années.
Comprenant les escargots et les limaces, les gastéropodes qui font partie des groupes d’animaux les plus diversifiés vivant en eau douce. Ils possèdent également l’une des archives fossiles les mieux conservées, ce qui en fait un excellent groupe à observer lorsqu’on étudie l’extinction et la reconstitution des espèces.
Microcolpia parreyssii (Philippi, 1847), un escargot d’eau douce provenant d’une petite source thermale en Roumanie. L’espèce est signalée comme « en danger critique d’extinction » par la liste rouge de l’UICN, mais elle n’a pas été trouvée vivante au cours des dernières années et elle est probablement éteinte à l’état sauvage. (Thomas A. Neubauer)
L’équipe a utilisé les données issues d’un total de 3 387 spécimens vivants et fossiles pour estimer le taux d’émergence de nouvelles espèces au cours des 200 derniers millions d’années, une valeur connue sous le nom de spéciation, et le taux d’extinction.
Les chercheurs ont ensuite estimé le temps qu’il a fallu aux gastéropodes pour se remettre de l’extinction massive du Crétacé-Paléogène, qui a éliminé 76 % de toutes les espèces animales de la Terre il y a quelque 66 millions d’années.
Il a été découvert que l’impact d’un astéroïde qui a déclenché la chute des dinosaures a provoqué un taux élevé d’extinction au cours des 5,4 millions d’années qui ont suivi l’événement. En outre, selon les auteurs de l’étude, il a fallu attendre 6,9 millions d’années supplémentaires pour que l’équilibre entre spéciation et extinction se stabilise.
Fait inquiétant, les données ont également révélé que le taux d’extinction des espèces actuelles d’escargots d’eau douce en Europe est environ trois ordres de grandeur plus élevé que lors de l’extinction massive du Crétacé-Paléogène. Selon l’étude, un tiers des espèces d’eau douce actuelles devraient avoir disparu d’ici à 2120.
Selon le Dr Thomas A. Neubauer, auteur principal de la nouvelle étude :
Même si notre impact sur le biote mondial s’arrête aujourd’hui, le taux d’extinction restera probablement élevé pendant une période prolongée. Si l’on considère que la crise actuelle de la biodiversité progresse beaucoup plus rapidement que l’extinction massive survenue il y a 66 millions d’années, la période de récupération pourrait être encore plus longue. Malgré notre courte existence sur Terre, nous avons l’assurance que les effets de nos actions nous survivront des millions d’années.
L’étude publiée dans Communications Earth & Environment : Current extinction rate in European freshwater gastropods greatly exceeds that of the late Cretaceous mass extinction et présentée sur le site du Centre de biodiversité Naturalis : Biodiversity devastation: human-driven decline requires millions of years of recover.