Les scientifiques ne savent pas comment du méthane est présent sur la lune Encelade sans qu’il y ait de la vie
Quelque chose produit du méthane sur Encelade, la lune de Saturne. Une nouvelle étude a révélé que les niveaux de méthane détectés sur la lune glacée sont bien plus élevés que ce que peuvent expliquer les processus géochimiques connus, mais ils sont compatibles avec la présence de microbes.
Image d’entête : encelade photographiée par la sonde Cassini. (NASA/JPL-Caltech/SSI)
À première vue, la boule de glace géante qu’est Encelade ne semble pas être un endroit particulièrement prometteur pour trouver la vie. Mais sous cette coquille glaciale se trouve un océan souterrain visqueux, qui se manifeste en jaillissant à travers la glace dans des panaches d’eau géants. Lors de l’exploration de Saturne et de ses lunes, la sonde Cassini a plongé dans ces panaches et a détecté des quantités inhabituellement élevées de molécules comme le méthane, le dihydrogène et le dioxyde de carbone.
Ce GIF présente l’évolution de la luminosité des panaches de glace d’Encelade au cours d’une observation de 6,5 heures par Cassini. (NASA/JPL-Caltech/SSI)
(NASA/JPL-Caltech)
Cela suggère qu’au fond de la mer, là où l’océan rencontre le noyau rocheux d’Encelade, il y avait des cheminées hydrothermales. Et comme nous le savons sur Terre, cet environnement dynamique est un terrain de choix pour les microbes qui consomment le dihydrogène et le dioxyde de carbone produits à cet endroit et émettent à leur tour du méthane.
Ce graphique illustre comment les scientifiques de la mission Cassini pensent que l’eau interagit avec la roche au fond de l’océan de la lune glacée de Saturne, Encelade, produisant de l’hydrogène gazeux. (NASA / JPL-Caltech / Southwest Research Institute)
Cela signifie-t-il donc que des microbes extraterrestres vivent autour des cheminées hydrothermales du plancher océanique d’Encelade ? Ou bien les molécules détectées peuvent-elles toutes être expliquées par ces seuls processus géochimiques ? Pour le savoir, les chercheurs ont lancé des modèles afin de déterminer les scénarios les mieux adaptés aux observations.
L’équipe a modélisé les différentes conditions qui pourraient exister dans cet environnement sur Encelade et y a introduit des microbes hypothétiques producteurs de méthane, basés sur des souches connues sur Terre. Ils ont examiné si le cycle hydrothermal pouvait fournir suffisamment de dihydrogène pour que les microbes puissent le » consommer « , si la température leur convenait et, surtout, quels effets les microbes auraient sur leur environnement, notamment sur les concentrations dans les panaches. Les résultats de ces modèles ont ensuite été comparés à ce que Cassini a réellement détecté dans les panaches.
Selon Régis Ferrière, de l’Institut de Biologie de l’École Normale Supérieure (Université Paris Sciences et Lettres, France) et coauteur de l’étude :
En résumé, non seulement nous avons pu évaluer si les observations de Cassini sont compatibles avec un environnement habitable pour la vie, mais nous avons également pu faire des prédictions quantitatives sur les observations à attendre, si la méthanogénèse (par des microbes) se produit effectivement sur le plancher océanique d’Encelade.
Il est certain que les conditions semblent favorables à ce type de forme de vie, mais, chose plus intrigante, aucun élément de la chimie hydrothermale connue n’a pu expliquer les niveaux de méthane détectés dans les panaches. Ce n’est que lorsque des sources biologiques ont été ajoutées au modèle que les niveaux ont correspondu aux observations.
Toujours selon Ferrière :
Évidemment, nous ne concluons pas que la vie existe dans l’océan d’Encelade. Nous voulions plutôt comprendre quelle serait la probabilité que les cheminées hydrothermales d’Encelade soient habitables par des micro-organismes de type terrestre. D’après nos modèles, les données de Cassini indiquent que c’est très probable. Et la méthanogénèse biologique semble être compatible avec les données.
Bien sûr, ça pourrait ne pas être de la vie. Mais si ce n’est pas le cas, ce doit être un autre phénomène naturel que nous ne voyons pas ici sur Terre. Une solution suggérée par l’équipe est que la matière organique primordiale provenant du noyau d’Encelade pourrait se décomposer en méthane, dihydrogène et dioxyde de carbone par l’activité hydrothermale. Mais la probabilité que cela se produise dépend de la façon dont Encelade s’est formée.
Nous en apprendrons sans doute davantage au fur et à mesure que les astronomes continueront à étudier ce monde fascinant.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Bayesian analysis of Enceladus’s plume data to assess methanogenesis et présentée sur le site de l’Université d’Arizona : Methane in the Plumes of Saturn’s Moon Enceladus: Possible Signs of Life?