Des traces de fromage bleu et de bière découvertes dans des excréments bien conservés d’Européens de l’âge du fer
Des chercheurs qui étudiaient des matières fécales exceptionnellement bien conservées trouvées dans des mines de sel de l’âge du fer ont découvert la présence de champignons utilisés pour la fermentation des aliments. Ces résultats indiquent que les mineurs consommaient du fromage bleu (fromages à pâte persillée) et de la bière il y a environ 2 700 ans.
Image d’entête : excréments humains vieux de 2 600 ans provenant de la mine de sel de Hallstatt. (Anwora/ NHMW)
L’étude, publiée cette semaine (lien plus bas), porte sur plusieurs échantillons de paléofèces (ou coprolithe, excrément fossilisé) découverts dans un site autrichien classé au patrimoine mondial, les mines de sel de Hallstatt. Les conditions environnementales uniques des mines, à savoir des températures douces constantes et des concentrations élevées de sel, sont idéales pour la préservation des anciens excréments, ce qui permet aux chercheurs d’obtenir de précieuses informations sur le régime alimentaire et le microbiome intestinal des personnes de l’âge du fer.
Archéologues travaillant dans l’une des zones minières de l’âge du fer à l’intérieur de la montagne de sel de Hallstatt. (D. Brandner – NHMW)
Selon les chercheurs dans leur étude :
Des études moléculaires et microscopiques ont révélé que le régime alimentaire des mineurs était principalement composé de céréales, telles que les blés domestiques (épeautre et érable), l’orge, le millet commun et le millet à queue de renard. Ce régime riche en hydrates de carbone était complété par des protéines provenant de fèves et occasionnellement par des fruits, des noix ou des produits animaux.
Archéologue travaillant dans l’une des zones minières de l’âge du fer à l’intérieur de la montagne de sel de Hallstatt. (D. Brandner – NHMW)
Comme les mines de sel de Hallstatt ont été occupées de manière constante pendant plus de deux millénaires, les chercheurs ont l’occasion unique d’étudier les changements du microbiome intestinal dans les populations humaines sur de longues périodes. Dans le cas présent, ils ont découvert une cohérence remarquable dans le régime alimentaire des mineurs jusqu’au 18e siècle.
L’une des plus notables différences entre le régime des mineurs de l’âge du fer et celui de leurs homologues du XVIIIe siècle est sans doute la forme sous laquelle les céréales et les légumineuses étaient consommées. Selon les chercheurs, le régime des plus anciens mineurs consistait à manger ces céréales dans une sorte de bouillie ou de gruau, tandis que plus récemment, les mineurs consommaient des céréales transformées sous forme de pains et de biscuits.
Le résultat le plus surprenant de l’étude est la découverte d’ADN de champignons spécifiques dans les échantillons de paléofèces. L’ADN de Penicillium roqueforti et de Saccharomyces cerevisiae a été détecté, indiquant la consommation d’aliments et de boissons fermentés.
Le Penicillium roqueforti est particulièrement utilisé dans la création du fromage bleu et l’étude souligne qu’il s’agit de la plus ancienne preuve de la production de ce type de fromage en Europe. Saccharomyces cerevisiae est une levure utilisée pour fermenter l’alcool et, avec la présence de plusieurs céréales, les chercheurs supposent qu’elle était utilisée ici pour fabriquer de la bière.
SelonFrank Maixner, un des auteurs de la nouvelle étude :
L’analyse de l’ensemble du génome indique que les deux champignons étaient impliqués dans la fermentation des aliments et fournit la première preuve moléculaire de la consommation de fromage bleu et de bière pendant l’âge du fer en Europe. Les mineurs de Hallstatt semblent avoir appliqué intentionnellement des technologies de fermentation alimentaire avec des micro-organismes qui sont encore utilisés de nos jours dans l’industrie alimentaire.
L’étude enrichit les connaissances sur la production alimentaire du passé et suggère que les pratiques alimentaires d’il y a des milliers d’années étaient beaucoup plus évoluées qu’on ne le pensait. La nouvelle recherche démontre également que les techniques d’analyse du microbiome des paléofèces sont de plus en plus sophistiquées, ce qui permet d’obtenir des informations détaillées sur les microbes intestinaux de nos lointains ancêtres.
Pour Kerstin Kowarik, du Musée d’histoire naturelle de Vienne et coauteur de la nouvelle étude :
Ces résultats jettent un nouvel éclairage substantiel sur la vie des mineurs de sel préhistoriques de Hallstatt et permettent de comprendre les anciennes pratiques culinaires en général à un tout autre niveau. « Il est de plus en plus clair que non seulement les pratiques culinaires préhistoriques étaient sophistiquées, mais aussi que les aliments transformés complexes ainsi que la technique de la fermentation ont tenu un rôle prépondérant dans notre histoire alimentaire ancienne.
L’étude publiée dans Current Biology : Hallstatt miners consumed blue cheese and beer during the Iron Age and retained a non-Westernized gut microbiome until the Baroque period et présentée sur le site de l’Institute for Mummy Studies, Eurac Research : Beer and blue cheese already on the menu 2,700 years ago.