Les habitudes alimentaires de notre galaxie, révélées par des courants d’étoiles, mettent en lumière la matière noire
Des astronomes ont fait un pas de plus vers la découverte des propriétés de la matière noire qui enveloppe notre Voie lactée, grâce à une nouvelle carte de 12 courants d’étoiles en orbite dans notre halo galactique.
Dans une étude publiée cette semaine (lien plus bas), une équipe internationale de chercheurs a décrit la plus riche collection de courants stellaires jamais étudiée simultanément.
Image d’entête : représentation artistique de notre galaxie la Voie lactée entourée de dizaines de courants stellaires. Ces courants accompagnaient des galaxies satellites ou des amas globulaires qui sont maintenant déchiquetés par la gravité de notre galaxie. (James Josephides/ Collaboration S5)
Leur travail fait partie d’un programme dédié, le Southern Stellar Stream Spectroscopic Survey (S5), qui vise à sonder les secrets de ces courants : les restes déchiquetés de petites galaxies et d’amas d’étoiles voisins qui sont dépecés par notre propre Voie lactée.
La connaissance de ces courants d’étoiles est très importante pour les astronomes. Ils sont essentiels pour révéler la présence de la matière noire invisible qui maintient les étoiles sur leur orbite dans notre galaxie.
Selon le professeur Geraint F. Lewis de l’Université de Sydney (Australie), coauteur de l’étude :
Pensez à un arbre de Noël. Par une nuit sombre, nous voyons les lumières de Noël, mais pas l’arbre autour duquel elles sont enroulées. Mais la forme des lumières révèle la forme de l’arbre. C’est la même chose avec les flux stellaires : leurs orbites révèlent la matière noire.
Emplacement des étoiles dans la douzaine de courants, vu à travers le ciel. L’arrière-plan montre les étoiles de notre Voie lactée d’après la mission Gaia de l’Agence spatiale européenne. L’AAT étant un télescope de l’hémisphère sud, seuls les courants dans le ciel austral sont observés par S5. (Crédit : Ting Li/ Collaboration S5/ Agence spatiale européenne)
Mais les courants peuvent nous permettre de voir plus que la masse cachée de la Voie lactée. Ils peuvent également relater comment notre galaxie gloutonne a grandi pendant des milliards d’années en déchiquetant et en consommant des systèmes stellaires plus petits sur son chemin.
Selon le professeur Ting Li de l’université de Toronto, au Canada, et principal auteur de cette étude :
Au fur et à mesure que notre galaxie vieillit, elle grossit. Cette étude nous donne un aperçu des habitudes alimentaires de la Voie lactée, comme les types de petits systèmes stellaires qu’elle mange.
Cette vidéo suit un amas globulaire déchiqueté par un courant de marée pendant 8 milliards d’années. Les particules rouges montrent la matière noire d’une grande galaxie et les particules vertes montrent un amas globulaire en train de se disloquer. Les étoiles proches du progéniteur forment une forme caractéristique en « S » en raison de l’influence gravitationnelle de l’amas globulaire. (Crédit : Denis Erkal, Collaboration S5)
Les chercheurs utilisent leurs observations pour dresser un tableau de ce que notre galaxie a englouti au cours de sa croissance.
Selon le professeur Alex Ji de l’université de Chicago, coauteur de l’étude :
Les courants stellaires peuvent provenir soit de galaxies perturbées, soit d’amas d’étoiles. Ces deux types de courants apportent un éclairage différent sur la nature de la matière noire.
Selon Li, ces nouvelles observations sont essentielles pour déterminer comment notre Voie lactée a surgi de l’univers après le Big Bang.
Pour moi, c’est l’une des questions les plus intrigantes, une question sur nos origines ultimes. C’est la raison pour laquelle nous avons fondé le S5 et mis en place une collaboration internationale pour y répondre.
Li et son équipe sont le premier groupe de scientifiques à étudier une collection aussi riche de courants stellaires, en mesurant la vitesse des étoiles à l’aide du Télescope Anglo-Australien (AAT), un télescope optique de 4 mètres situé à Siding Spring en Australie.
Contrairement aux précédentes études qui se concentraient sur un seul courant à la fois, selon le coauteur, le professeur Daniel Zucker de l’université Macquarie :
S5 a pour but de mesurer autant de courants que possible, ce que nous pouvons faire très efficacement grâce aux capacités uniques de l’AAT.
Les observations de la mission spatiale européenne Gaia ont contribué de manière décisive au succès de S5.
Selon le Dr Sergey Koposov, lecteur en astronomie observationnelle à l’université d’Édimbourg en Écosse et coauteur de l’étude :
Gaia nous a fourni des mesures précises des positions et des mouvements des étoiles, essentielles pour identifier les membres des courants stellaires.
Ce ne sont que les premières étapes pour l’équipe, et Li pense que d’autres études sur les courants stellaires promettent d’approfondir nos connaissances de la galaxie qui nous abrite.
Selon Li :
Au cours de la prochaine décennie, il y aura beaucoup d’études consacrées aux courants stellaires. Nous sommes des pionniers et des éclaireurs dans ce voyage. Cela va être très excitant !
L’étude publiée dans Astrophysical Journal : S5: The Orbital and Chemical Properties of One Dozen Stellar Streams et présentée sur le site de l’Université de Chicago : Twelve for dinner: How the Milky Way ‘ate’ smaller star clusters and galaxies.
Argh… « Les habitudes alimentaires de notre galaxie, révéléS par des courants d’étoiles »…
Arfff… les risques du métier… Corrigée, Merci !