Les ancêtres des baleines bleues disposaient de dents étonnamment tranchantes
Aujourd’hui, les baleines à fanons (Mysticètes) alimentent leur corps massif en filtrant d’énormes volumes de petites proies de la mer à l’aide de fanons en forme de peigne dans leur gueule, un peu comme un filtre. Mais de nouvelles preuves basées sur l’analyse minutieuse d’un crâne de baleine de 34 millions d’années de l’Antarctique, la deuxième baleine à fanons la plus ancienne jamais trouvée, suggèrent que les premières baleines n’avaient, en fait, pas de fanons. Leurs gueules étaient plutôt munies de gencives et de dents bien développées, qu’ils utilisaient apparemment pour mordre de grosses proies.
Image d’entête : reconstitution réaliste de Llanocetus denticrenatus, une ancienne baleine. (Carl Buell)
Selon Felix Marx de L’Institut royal des sciences naturelles de Belgique :
Llanocetus denticrenatus est un ancien parent de nos géants modernes, comme les baleines à bosse et les rorquals bleus. Contrairement à eux, cependant, il avait des dents et il était probablement un redoutable prédateur.
Jusqu’à récemment, on pensait que l’alimentation par filtration émergea lorsque les baleines avaient encore des dents. Llanocetus montre que ce n’était pas le cas.
Comme les baleines modernes, les Llanocetus avaient des sillons distinctifs sur le palais, expliquent les chercheurs, qui contiennent habituellement des vaisseaux sanguins qui alimentent les fanons. Cependant, chez les Llanocetus, ces rainures se regroupent autour de cavités dentaires, où les fanons auraient été inutiles et risquaient d’être écrasés.
Moulage partiellement reconstitué du crâne de Llanocetus. (R Ewan Fordyce)
Selon Marx :
Au lieu d’un filtre, il semble que Llanocetus avait simplement de grosses gencives et, à en juger par la façon dont ses dents sont usées, il se nourrissait principalement en mordant de grosses proies. Même ainsi, il était énorme : avec une longueur totale de corps d’environ 8 mètres, il rivalise en taille avec certaines baleines vivantes.
Les résultats suggèrent que les grosses gencives de ces anciennes baleines sont progressivement devenues plus complexes au cours de l’évolution et, finalement, ont donné naissance aux fanons. Cette transition n’a probablement eu lieu qu’après que les dents aient été perdues et que les baleines sont passées de la morsure à la succion de petites proies, comme le font maintenant beaucoup de baleines et de dauphins. Marx et Fordyce suggèrent que les fanons sont probablement apparus comme un moyen plus efficace de garder de si petites proies à l’intérieur de la bouche.
Relations phylogénétiques du Llanocetus denticrenatus. (R. Ewan Fordyce et col./ Biology Cell)
Les tissus mous, y compris les fanons, se décomposent normalement, compliquant ainsi l’étude de leur évolution. Par conséquent, les chercheurs doivent s’appuyer sur des marques conservées sur les os, tels que des sillons ou des masses indiquant la position d’un muscle, ou des trous pour le passage de vaisseaux sanguins et de nerfs spécifiques.
Selon Fordyce :
Llanocetus présente une heureuse combinaison, où la forme des os, les petites caractéristiques suggérant le cours des tissus mous et l’usure dentaire se combinent pour raconter une histoire claire. Llanocetus est aussi extrêmement vieux et vécu au moment même où les Mysticètes (cétacés à fanons) sont apparus pour la première fois. En tant que tel, il offre une rare fenêtre sur la première phase de leur évolution.
Dans leur nouvelle étude, Fordyce et Marx ont découvert que le rostre large du Llanocetus avait des dents pointues, largement espacées avec une usure marquée, ce qui suggère qu’elles étaient utilisées pour mordre et cisailler les proies. Comme chez les Mysticètes (cétacés à fanons) vivants, le palais porte de nombreuses rainures qui ont été interprétées comme étant des traces de fanons. Cependant, les chercheurs ont montré que ces sillons convergeaient plutôt vers les cavités de dents osseuses, ce qui suggère un apport de sang vers des gencives bien développées, plutôt que des râteliers de fanons.
Images tirées de l’étude : appareil d’alimentation du Llanocetus denticrenatus. (A) Palais gauche présentant les alvéoles et les sillons palatins. (B) Dents du bas, présentant de l’abrasion et du frottement. (C) Dentition inférieure. (R. Ewan Fordyce et col./ Biology Cell)
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Les résultats, selon les chercheurs, montrent que l’évolution de l’alimentation par filtration n’a pas été aussi simple qu’on le pensait auparavant. Ils aimeraient maintenant savoir quand l’alimentation par filtration et les fanons ont évolué pour la première fois.
Selon Marx :
Llanocetus était à la fois un grand et féroce prédateur et n’avait probablement pas grand-chose en commun avec le comportement des baleines modernes.
L’étude publiée dans Current Biology : Gigantism Precedes Filter Feeding in Baleen Whale Evolution.