Si Uranus est si penchée, c’est parce qu’elle se serait pris une jeune planète dans la face
Selon les résultats d’une nouvelle étude, Uranus pourrait avoir survécu à une dramatique collision avec une protoplanète de 2 ou même 3 fois la taille de la Terre, il y a environ 4 milliards d’années. L’événement cataclysmique expliquerait un certain nombre de mystères entourant cette géante gazeuse, comme la raison de son inclinaison et la formation de ses lunes.
Image d’entête : une collision entre Uranus et un objet massif deux fois plus grand que la Terre aurait provoqué la rotation inhabituelle de la planète. (Jacob Kegerreis/ Université de Durham)
Uranus est sans doute l’une des planètes les plus sous-estimées de notre système solaire, et pour de bonnes raisons. C’est probablement la plus ennuyeuse à regarder, et, à cause de son nom, au moins d’une partie (un indice, ce n’est pas le Ur), elle fit l’objet d’innombrables mauvaises blagues. Ce dernier point n’a pas été aidé lorsque, récemment, l’analyse spectroscopique a confirmé que la géante gazeuse sentait l’œuf pourri.
Mais au-delà de sa terne face, Uranus a vraiment beaucoup à offrir. Par exemple, elle a son propre système d’anneaux et accueille une large famille de lunes fascinantes, dont beaucoup portent le nom de personnages shakespeariens.
Elle a aussi son lot de bizarrerie. Uranus est la seule planète de notre système solaire qui tourne sur son côté, elle est inclinée de près de 90 degrés par rapport aux autres planètes du système solaire.
Une image composite infrarouge des deux hémisphères d’Uranus, telle que capturée par le télescope Keck, Hawaii. La planète est inclinée de près de 90 degrés par rapport aux autres planètes du système solaire. (Lawrence Sromovsky/ Université du Wisconsin-Madison/ W.W. Keck Observatory)
Les astronomes pensent que la cause de cette inhabituelle orientation provient très probablement de la période de formation de notre système solaire. Ce dernier s’est formé il y a 4 milliards d’années dans une période extrêmement chaotique et violente. Pendant ce temps, on pense que l’évolution de planètes entières a été remodelée par des collisions cataclysmiques avec d’énormes impacts.
Ces collisions peuvent modifier fondamentalement les caractéristiques d’une planète. Par exemple, la théorie dominante sur la création de notre Lune implique une grosse collision entre notre planète et un corps de la taille de Mars connu sous le nom de Theïa.
Les débris résultant de cette collision se sont lentement fondus/ coalescés dans le satellite (pour les amateurs “des Marseillais dans les Ch’tis” ou inversement, satellite ici = Lune) que nous connaissons aujourd’hui et qui continue d’affecter notre planète, par exemple, en ralentissant sa rotation et en créant des marées avec son influence gravitationnelle.
Cette nouvelle étude cherchait à utiliser des simulations informatiques de pointe pour calculer les conséquences qu’une collision massive aurait sur l’évolution d’Uranus, pour engendrer la planète excentrique que les astronomes observent aujourd’hui. Certains des objectifs plus spécifiques de la recherche étaient de faire la lumière sur les raisons pour lesquelles Uranus tourne sur le côté, pourquoi son atmosphère est si étonnamment froide, et pourquoi ses nombreuses lunes orbitent sur l’inhabituel plan incliné de la géante gazeuse.
Selon le responsable de la recherche, Jacob Kegerreis, chercheur à l’Institut de cosmologie computationnelle de l’université de Durham (Royaume-Uni) :
Uranus tourne sur le côté, avec son axe pointant presque perpendiculairement à ceux de toutes les autres planètes du système solaire. Cela a certainement été causé par un impact géant, mais nous savons très peu de choses sur la façon dont cela s’est réellement produit et sur la façon dont un événement aussi violent a affecté la planète.
L’équipe a utilisé un puissant supercalculateur pour exécuter plus de 50 simulations différentes impliquant une proto-Uranus frappée par une série de 3 impacteurs qui étaient respectivement d’une, deux et trois fois la masse de la Terre.
L’une des simulations réalisée, montrant un moment angulaire élevé, un impact géant entre un objet massif et Uranus.
Les simulations ont révélé qu’Uranus a probablement été frappé par une jeune protoplanète qui avait au moins 2 fois la masse de la Terre et qui était composée en grande partie de roche et de glace, semblable à certains égards au noyau rocheux de la géante gazeuse elle-même.
La force de cette collision aurait été suffisante pour faire basculer la planète sur le côté. Les résultats des simulations suggèrent également que si l’impacteur avait très rapidement frappé Uranus, la géante gazeuse aurait été capable de retenir la majeure partie de son atmosphère, plus de 90 % dans certains scénarios, plutôt que de l’envoyer dans l’espace.
L’étude pourrait également aider à résoudre un vieux mystère concernant la température extrêmement basse, -216 °C, de l’atmosphère d’Uranus. Il est possible que les débris de l’impacteur aient pu former une mince coquille près de la couche de glace de la planète, ce qui aurait pour effet d’empêcher la chaleur du noyau de la planète de se transférer dans la haute atmosphère.
Image fortement traitée d’Uranus, conçue pour mettre en valeur l’atmosphère d’Uranus. (NASA/ JPL)
Les collisions informatiques ont également montré que l’impact entre Uranus jeune et une protoplanète aurait pu projeter d’importantes quantités de roches et de glace en orbite, qui se seraient installées autour du plan incliné. A partir de ces débris, les lunes de la géante gazeuse pourraient avoir coalescé, ou l’influence de la matière pourrait avoir modifié l’orbite des lunes existantes, en les alignant.
Les débris de l’impact pourraient également expliquer la nature inhabituelle du champ magnétique en dehors de l’axe d’Uranus, qui, selon l’étude, pourrait être déformé par des morceaux de glace fondue inégalement distribués et des morceaux de roche déposés à l’intérieur de la planète au cours de l’impact.
Cette recherche ne fait qu’enrichir d’information les astronomes sur notre propre système solaire. Uranus partage de nombreuses caractéristiques avec les mondes extraterrestres (exoplanète) fréquemment découverts par les observatoires orbitaux tels que le télescope spatial Kepler de la NASA. Les astronomes peuvent utiliser les informations tirées de cette étude et les appliquer pour mieux comprendre l’atmosphère et l’histoire de ces mondes lointains.
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal : Consequences of Giant Impacts on Early Uranus for Rotation, Internal Structure, Debris, and Atmospheric Erosion et présentée sur le site de l’université de Durham : Cataclysmic collision shaped Uranus’ evolution.