Le plus brillant des quasars illumine l’univers avec la puissance de 600 mille milliards de soleils
De notre point de vue, ici sur Terre, l’objet le plus brillant du ciel est sans conteste le Soleil. Mais cette étoile ordinaire n’est qu’une petite ampoule comparée aux quasars, des noyaux galactiques extrêmement lumineux qui brillent si intensément grâce à leur soif avide de matière à proximité. Récemment, les astronomes ont détecté le quasar le plus brillant jamais trouvé, resplendissant avec la lumière de presque 600 mille milliards (600 000 000 000 000) de soleils.
Image d’entête : représentation artistique du quasar J043947.08+163415.7, alimenté par un trou noir supermassif. Cet objet est de loin le quasar le plus brillant jamais découvert dans l’univers primitif. (ESA/Hubble, NASA, M. Kornmesser)
Le quasar, officiellement appelé J043947.08+163415.7, bat largement les précédents records de luminosité. Jusqu’à présent, le titre appartenait à un quasar brillant avec l’équivalent de 420 mille milliards de soleils, tandis que la galaxie la plus lumineuse trouvée à ce jour est « seulement » aussi lumineuse que 350 mille milliards de soleils.
Selon Xiaohui Fan, chercheur principal de l’étude :
Nous ne nous attendons pas à trouver beaucoup de quasars plus brillants que cela dans tout l’univers observable.
Alors comment les astronomes peuvent-ils rater quelque chose d’aussi brillant ? La raison est simple. Le quasar est presque à une distance d’un univers entier, à 12,8 milliards d’années-lumière. Il n’a été repéré que grâce à un étrange phénomène physique connu sous le nom de lentille gravitationnelle.
De puissantes forces gravitationnelles ont le pouvoir de courber littéralement la trajectoire de la lumière, selon la théorie de la relativité générale d’Einstein. Dans ce cas, la lumière du quasar est déformée par une galaxie à peu près à mi-chemin entre la Terre et le quasar, ce qui augmente sa luminosité de 50 fois. Elle divise également l’image, de sorte que le quasar peut être vu en trois endroits différents à la fois.
Exemple de l’effet d’une lentille gravitationnelle :
1- la lumière quitte une jeune galaxie en formation près de la bordure visible de l’univers.
2 – Une grande partie de la lumière passe à travers un objet massif tel qu’un grand regroupement de galaxies entouré de matière noire, directement dans la ligne de mire entre la Terre et la galaxie distante. La gravité de la matière noire agit comme une lentille, tordant la lumière arrivant.
3 – la plupart de la lumière est dispersée, mais une petite partie est concentrée et directement dirigée vers la Terre. Les observateurs verront plusieurs images déformées de la profonde galaxie.
La lumière du quasar J0439+1634, à quelque 12,8 milliards d’années-lumière de distance, passe à proximité d’une galaxie peu éclairée qui est à environ six milliards d’années-lumière de distance. La gravité de la galaxie du premier plan déforme l’espace autour d’elle, selon la théorie de la relativité générale d’Einstein, qui plie la lumière comme une lentille optique et magnifie l’image du quasar par un facteur 50, tout en divisant l’image du quasar en trois. (NASA/ ESA/ Xiaohui Fan/ UA)
Image du télescope spatial Hubble du quasar très éloigné (à droite) qui a été éclairci et divisé en 3 images par les effets du champ gravitationnel d’une galaxie en avant-plan (à gauche). (NASA/ ESA/ Xiaohui Fan/ UA)
Selon Feige Wang, membre de l’équipe :
Sans ce fort grossissement, il nous serait impossible de voir la galaxie. On peut même chercher du gaz autour du trou noir et ce que le trou noir peut influencer dans la galaxie.
Ce grossissement permet également aux astronomes d’observer de plus près cet objet lointain. Une grande partie de sa luminosité est due à l’échauffement de la poussière et du gaz qui tombe dans le trou noir supermassif au centre du quasar, mais il est aussi stimulé par la formation intense d’étoiles. L’équipe estime que la galaxie hôte produit jusqu’à 10 000 étoiles chaque année, ce qui donne à la Voie lactée l’air d’être une fainéante avec sa production d’une étoile par année.
Le fait que ce lumineux quasar ait été omis pendant si longtemps met également en lumière une faille potentielle dans la façon dont les astronomes recherchent ces objets. Les chercheurs précisent qu’en raison de leur distance, la plupart des quasars sont identifiés par leur couleur rouge, mais beaucoup peuvent être obscurcis par des galaxies entre nous et eux qui appauvrissent leur couleur pour finir par apparaitre plus bleus.
Selon Fan :
Nous pensons qu’il y a probablement 10 à 20 de ces objets que nous n’avons pas trouvés parce qu’ils auraient eu l’air flous et que les couleurs n’auraient pas assez décalés vers le rouge. Par extension, cela signifie que notre méthode classique de recherche de quasars pourrait ne plus fonctionner, et nous devons trouver une nouvelle approche de grandes données pour élargir notre recherche.
Le quasar a été identifié à l’origine par l’observatoire MMT, après que l’équipe l’ait mis en évidence comme un objet d’intérêt dans les données photométriques de l’étude britannique Infrared Telescope Hemisphere Survey, le télescope Pan-STARRS1 et dans les archives du télescope spatial américain WISE. Enfin, Hubble l’a confirmé comme étant un quasar à lentille, grâce à la vue plus claire qu’il offre depuis l’espace.
L’étude publiée dans The Astrophysical Journal Letters : Most Lensed Quasars at z > 6 are Missed by Current Surveys et présentée sur le site de l’université d’Arizona : 600 Trillion Suns Light up the Dawn of the Universe.