Gigantisme cinématographique : l’anxiété culturelle de notre société nourrit-elle Godzilla ?
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Alors que le prochain film faisant intervenir Godzilla sort bientôt au cinéma sous le titre de “Godzilla : King of the Monsters” (Godzilla 2 – Roi des Monstres) des chercheurs se sont demandés d’où venaient les variations de tailles du monstre, de ses débuts sur le grand écran en 1954, dans lequel il mesurait 50 mètres de haut à aujourd’hui, 35 films plus tard, atteignant actuellement 120 mètres de haut.
Image d’entête : taille des Godzilla de 1954 à 2019. (Noger Chen)
Après avoir déterminé que Godzilla avait évolué 30 fois plus vite que tout autre véritable organisme sur Terre, les chercheurs ont d’abord examiné et écarté plusieurs théories pour cette grosse poussée de croissance. Par exemple, certains cinéphiles pensent que Godzilla est un cératosauridé, un type de dinosaure qui crapahutait sur Terre pendant le jurassique. Selon les chercheurs, même si ces dinosaures ont évolué pour avoir des corps énormes, la poussée de croissance de Godzilla dépasse de loin la leur.
Toujours selon les chercheurs, la croissance du monstre est également beaucoup trop rapide pour provenir d’une dérive génétique, lorsque certaines variantes génétiques dans une petite population sont perdues aléatoirement, diminuant du même coup la diversité génétique. Même la sélection naturelle, par laquelle des organismes ayant des gènes avantageux survivent et transmettent ensuite ces gènes à leur progéniture, n’a pas pu expliquer la croissance rapide de Godzilla.
Ces théories mises de côtés, les chercheurs se sont demandé si ce n’était pas l’anxiété culturelle de notre société qui a musclé Godzilla plus vite qu’un athlète sous stéroïdes.
Pour les chercheurs, c’est l’histoire de l’apparition de Godzilla qui explique sa croissance accélérée. Le monstre a été créé, en partie, à cause des craintes de l’ère nucléaire après l’utilisation des premières bombes atomiques et à hydrogène dans les années 1940 et 1950. Dans le cas de Godzilla, dans le premier film, des essais de bombes à hydrogène ont décimé son écosystème des grands fonds marins, et Godzilla a pris sa revanche en détruisant Tokyo.
Pour tester l’idée que l’anxiété alimentait la croissance de Godzilla, les chercheurs ont utilisé les données sur les dépenses militaires américaines comme indicateur de l’anxiété collective de la nation. Ils ont trouvé une forte corrélation entre ces dépenses et la taille de Godzilla de 1954 à 2019, qui inclut des mesures de films japonais et américains.
(N. CARY/ SCIENCE)
Certes, la corrélation n’implique pas la causalité. Et il est possible qu’un autre facteur, comme l’appétence des gens pour les monstres gros et effrayants, ait poussé les cinéastes à faire grandir Godzilla, pour assurer le succès au box-office.
Mais si l’anxiété peut expliquer la poussée de croissance de Godzilla, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi les gens sont si anxieux, a déclaré Nathaniel J. Dominy et son collaborateur Ryan Calsbeek, professeurs agrégés de sciences biologiques au Dartmouth College (États-Unis). Pour les chercheurs dans leur étude, qu’il s’agisse de réagir à l’instabilité géopolitique, à une menace terroriste perçue ou simplement à la peur de » l’autre « , de nombreuses démocraties élisent des dirigeants nationalistes, renforcent leurs frontières et leur présence militaire dans le monde.
De plus, le changement climatique, qui devrait affecter l’élévation du niveau de la mer, la santé des populations et la sécurité de l’eau et de l’alimentation, peut faire grimper l’anxiété en tête de liste, selon les chercheurs.
Selo Dominy :
Godzilla est cette métaphore toujours utile pour tous les types de menaces existentielles que nous craignons en tant que culture collective, qu’il s’agisse de bombes nucléaires ou de changements climatiques.
Mais il y a de l’espoir, selon les chercheurs dans leur étude :
La quasi-invincibilité de Godzilla conduit presque toujours l’humanité à réaliser qu’elle doit travailler ensemble pour la vaincre (sauf, bien sûr, lorsque la créature devient un allié improbable, mais c’est une autre histoire).
Peut-être que la société peut apprendre des films de Godzilla que le temps est venu de coopérer, entre pays, entre disciplines et entre partis. C’est notre seul espoir d’atténuer les terribles menaces existentielles auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.
Les chercheurs ont estimé que leur recherche ne nécessitait pas de la publication d’une étude :
Tout cela n’est qu’une stupide conjecture, bien sûr, Godzilla est une entreprise commerciale, et les films répondent aux forces du marché. Pourtant, nous nous demandions quel agent de sélection naturelle pouvait agir si rapidement et avec une telle intensité ?
Mais les chercheurs présentent leurs travaux sur le site de la revue Science : Godzilla’s extraordinary growth over time mirrors an increase in Anthropocene angst et sur le site du Dartmouth College : Godzilla: Is He a Reflection of Modern Day Anxiety?
Il y a plus simple… La taille des immeubles à bien augmentée depuis les années 60 !
Godzilla aurait l’air d’un nain s’il avait gardé sa taille d’origine et cinématiquement parlant…