Un endroit sur Terre où il y a de l’eau, mais (finalement) pas de vie
Là où il y a de l’eau, il y a de la vie… De nouvelles preuves suggèrent clairement le contraire, ou du moins identifient de nouveaux paramètres sur les endroits où la vie et l’eau peuvent (ou non) être capables de coexister.
Image d’entête : un chercheur du Diversity, Ecology and Evolution of Microbes sur le site géologique de Dallol. (DEEM/ CNRS/ Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay/ AgroParisTech)
Pour trouver ces limites, les scientifiques se sont rendus dans l’un des environnements les plus extrêmes et les plus inhospitaliers de la Terre : les sources géothermiques de Dallol, dans le désert du Danakil en Éthiopie.
Ce monde aquatique brulant et salé est généralement considéré comme l’endroit habité le plus chaud de la planète, mais il est unique pour toutes sortes de raisons qui vont au-delà de la simple chaleur étouffante.
Le paysage de Dallol est ponctué de lacs cratérisés d’eau hyperacide et hypersalée colorée dans une palette vibrante de verts, jaunes, oranges, et marrons.
De loin, cela a l’air joli, mais ne vous approchez pas trop, les piscines chauffées produisent une saumure toxique, saturée de gaz, grâce à un volcan qui couve sous la surface.
(DEEM/ CNRS/ Université Paris-Sud, Université Paris-Saclay/ AgroParisTech)
En raison de l’environnement extrême de Dallol, la région a longtemps fasciné les scientifiques. Une expédition de recherche rendue publique en 2016 s’est efforcée de trouver ce qui, si tant est qu’il y en ait une, pourrait habiter dans un environnement aussi peu accueillant.
Selon Felipe Gómez, chef d’expédition du Centro de Astro de Astrobiologia d’Espagne, à l’époque :
C’est un endroit étonnant, mais hostile… la vapeur de chlore a brûlé nos voies respiratoires.
Tout microorganisme vivant ici sera un microbe extrêmophile d’un intérêt majeur pour les astrobiologistes.
Un documentaire a été réalisé sur cette expédition :
Les résultats de cette enquête ont été publiés il y a quelques mois seulement, et l’équipe a rapporté ce qu’elle estime être la première preuve de vie dans les sources chaudes et acides : des « micro-organismes ultra-petits » ne mesurant que quelques nanomètres.
Aujourd’hui, une nouvelle étude menée par une équipe distincte de scientifiques conteste la découverte apparente de ces archéobactéries, ou du moins la pertinence de la découverte.
Jodie Belilla, microbiologiste à l’université Paris-Sud en France, à tweeté en juin, alors qu’elle présentait les premiers résultats de leur analyse :
Nous réfutons la récente revendication de la vie dans les étangs hydrothermaux polyextrêmes de Dallol.
Les chercheurs se sont alors demandé : “y a-t-il de la vie dans les piscines hyperacides + hypersalines de Dallol ?”
Nous disons non, en nous basant sur des techniques moléculaires et microscopiques, bien que nous trouvions beaucoup de contaminants en suspension dans l’air et d’origine humaine.
Dans leurs conclusions, qui ont été publiées cette semaine, l’équipe a utilisé diverses méthodes d’analyse pour étudier un large éventail d’échantillons prélevés dans quatre zones du complexe géothermique de Dallol lors de trois expéditions sur le terrain entre 2016 et 2018.
Bien qu’ils aient aussi détecté des preuves de vie archaïque et des traces de ce qui pourrait être des séquences de gènes bactériens, l’équipe affirme que la majorité des occurrences étaient probablement des leurres.
Selon les chercheurs dans leur étude :
La plupart d’entre eux étaient liés à des kits de biologie moléculaire bien connus et à des contaminants de laboratoire, tandis que d’autres étaient des bactéries d’origine humaine probablement introduites lors de visites quotidiennes intensives à distance et touristiques sur le site.
Selon l’équipe, les résultats suggèrent fortement qu’une vie microbienne active et naturelle n’est pas présente dans le système des étangs et lacs de Dallol.
Selon les chercheurs :
Nous identifions deux barrières physico-chimiques majeures qui empêchent la vie de prospérer en présence d’eau liquide sur Terre et, potentiellement, ailleurs, bien que la présence d’eau liquide à la surface d’une planète soit un critère d’habitabilité largement accepté.
L’une de ces barrières est la saumure dominée par le magnésium, qui incite les cellules à se décomposer par un processus connu sous le nom de chaotropicité ; l’autre est un certain niveau toxique de combinaison hyperacide-hypersaline intense, suggérant que » les adaptations moléculaires à des pH très bas et des extrêmes élevés en sel sont incompatibles au-delà de ces limites « .
Bien entendu, l’absence de preuve n’est pas une preuve d’absence. Ce n’est pas parce qu’un échantillonnage approfondi du sauna salé de Dallol n’a pas révélé de formes de vie plus complexes que les microfossiles qu’il n’en existe aucune preuve.
Mais jusqu’à ce que des analyses plus robustes puissent indiquer le contraire de manière convaincante, Belilla et ses collaborateurs restent assurés que les coins les plus inhospitaliers de Dallol sont incapables de peupler.
Les chercheurs de conclure :
La présence à grande échelle de biomorphes abiotiques, principalement riches en silicium, imitant la forme et la taille simples de cellules ultra-petites dans les milieux influencés par les sources hydrothermales de Dallol renforce la nature équivoque des « microfossiles » morphologiques et exige la combinaison de plusieurs biosignatures avant de prétendre à la présence de vie sur la Terre et au-delà.
L’étude publiée dans Nature Ecology & Evolution : Hyperdiverse archaea near life limits at the polyextreme geothermal Dallol area.