Les dinosaures ont dû faire face à un changement climatique toxique d’origine volcanique avant le cataclysmique astéroïde
Même avant que l’astéroïde Chicxulub n’atteigne la Terre, il y a 66 millions d’années, les dinosaures et d’autres formes de vie étaient déjà aux prises avec des niveaux toxiques de mercure, selon une nouvelle étude.
Les nouvelles preuves sont très convaincantes dans un débat « long et amer » sur la façon dont les dinosaures sont morts il y a bien des années. Alors que certains scientifiques estiment que leur disparition est uniquement dû au fameux astéroïde qui s’est jeté sur notre planète, d’autres soutiennent qu’il y a autre chose.
De violentes éruptions volcaniques ont commencé au moins des dizaines de milliers d’années avant l’impact de l’astéroïde, et on pense que la lave a pu exacerber l’impact de l’événement cataclysmique qui a exterminé les trois quarts de la vie sur Terre.
En examinant d’anciens bivalves fossilisés du monde entier, les scientifiques ont maintenant attribué une augmentation mondiale du mercure et du dioxyde de carbone à une série de longues éruptions qui ont formé l’élément maintenant connu sous le nom de trapps du Deccan. Ces événements ont duré près d’un million d’années et ont formé une grande partie de l’Inde occidentale pendant l’extinction massive du Crétacé et du Paléogène.
Un spécimen fossile de l’huître éteinte Agerostrea ungulata, une huître unique et ornementée, extraite de la région de Fezzan en Libye et trouvée dans certaines régions d’Afrique, d’Asie, d’Europe et du Moyen-Orient. Ce spécimen est vieux de 66 à 72 millions d’années. (Kyle Meyer/ University of California Museum of Paleontology)
Selon Kyle Meyer, spécialiste de l’environnement, qui a mené la recherche à l’université du Michigan :
Pour la première fois, nous pouvons donner un aperçu des impacts climatiques et environnementaux distincts du volcanisme des trapps du Deccan en analysant un seul matériau.
Le mercure est un produit chimique toxique à l’état de traces, et les éruptions volcaniques en sont le plus grand producteur ici sur Terre. Lorsque cet élément se retrouve dans l’océan, il devient très réactif avec la matière organique et il est facilement absorbé par le phytoplancton, que les mollusques mangent ensuite.
A partir de l’étude : modèle du cycle des émissions de mercure volcanique. (Meyer et coll./ Nature Communications)
Utilisant leur coquille comme indicateur de la qualité et de la température de l’eau, les scientifiques pensent maintenant que les éruptions des trapps du Deccan ont eu des impacts climatiques et écologiques profonds, durables et globaux.
Selon la géochimiste Sierra Petersen de l’université du Michigan :
Des anomalies de mercure avaient été documentées dans les sédiments, mais jamais auparavant dans les coquillages.
Avoir la capacité de reconstruire à la fois le climat et un indicateur de volcanisme dans les mêmes matériaux nous aide à contourner beaucoup de problèmes liés à la datation relative.
Les données sur les sédiments, par exemple, sont limitées parce qu’elles n’ont pas encore établi de lien entre les émissions de mercure et les changements climatiques mondiaux, c’est exactement ce que la nouvelle étude a permis de faire.
En prélevant des coquilles fossilisées en Antarctique, en Alabama, en Alaska, en Californie, dans l’État de Washington, en Argentine, en Inde, en Égypte, en Libye et en Suède, les chercheurs ont mesuré les concentrations de dioxyde de carbone et de mercure sur plusieurs périodes, dont le Crétacé supérieur, le Pléistocène et le monde moderne.
La conservation des fossiles de mollusques du Crétacé de l’île de Seymour est excellente, les coquilles conservant le matériel nacré original comme dans ces deux spécimens d’Eselaevitrigonia regina. (Sierra V. Petersen/ Université du Michigan)
Comme pour les résultats précédents, leurs conclusions indiquent qu’un réchauffement brutal s’est produit environ 250 000 ans avant cette extinction massive. De plus, cela coïncide avec une poussée de mercure il y a entre 68 et 70 millions d’années, lorsque l’activité volcanique était si intense qu’elle a créé un tapis de lave de 100 mètres d’épaisseur.
Les chercheurs disent que c’est « très suggestif que ce forçage climatique ait été provoqué par l’émission de CO2 volcanique », et d’ailleurs, cette période correspond à une diminution de la richesse en espèces et à l’extinction groupée des foraminifères (protozoaires).
En comparant ces anciennes données à un site pollué au mercure aux États-Unis, où le poisson ne peut plus être consommé, les chercheurs ont été choqués par ces similitudes.
Pour Meyer, qui travaille maintenant à l’université d’État de Portland :
Il était incroyablement surprenant de constater que les mêmes échantillons où les températures marines montraient un signal de réchauffement abrupt présentaient également les concentrations de mercure les plus élevées, et que ces concentrations étaient d’une ampleur similaire à celle d’un site de contamination au mercure industriel moderne.
Il est encore trop tôt pour affirmer avec certitude si ces niveaux de mercure ont empoisonné les dinosaures, mais en tant que preuve de concept, l’étude est très utile.
D’autres analyses sur la vie marine seront nécessaires pour confirmer les résultats, mais il semble certainement que celle fossilisée puisse fournir des informations uniques sur les extinctions massives et les changements climatiques du passé.
L’étude publiée dans Nature Communications : Biogenic carbonate mercury and marine temperature records reveal global influence of Late Cretaceous Deccan Traps et présentée sur le site de l’université du Michigan : Two in one: Fossil shells reveal both global mercury contamination and warming when dinosaurs perished.