Fumée tertiaire : sur les toxines liées au tabagisme que transportent les fumeurs sur leurs corps et leurs vêtements
Une nouvelle étude offre la démonstration la plus complète en situation réelle sur la manière dont les composés organiques volatils (COV) peuvent se propager dans les espaces intérieurs à partir des vêtements et du corps des fumeurs de cigarettes. Souvent appelée « fumée tertiaire » (third hand smoke en anglais) les chercheurs ont suivi les fluctuations des COV liés au tabac dans un cinéma non-fumeur pendant 4 jours, mais les risques pour la santé liés à ce type d’exposition ne sont toujours pas clairs.
Des décennies de recherche ont permis d’explorer assez rigoureusement les effets sur la santé de l’exposition première et secondaire (tabagisme passif)à la fumée de cigarette. Au cours des 15 dernières années, une nouvelle forme d’exposition aux toxines liées à la cigarette, appelée fumée tertiaire, a été caractérisée par les scientifiques. La fumée tertiaire désigne les toxines qui peuvent être émises, ou « dégagées », par le corps ou les vêtements des fumeurs de cigarettes.
Des méthodes de surveillance environnementale de plus en plus sophistiquées ont permis aux scientifiques de détecter ces COV liés au tabagisme de manière plus détaillée que jamais auparavant. Et cette nouvelle étude, une collaboration entre l’université Yale (Etats-Unis) et l’Institut Max Planck de chimie (Allemagne), est la première étude environnementale à montrer comment les niveaux de ces COV peuvent augmenter et diminuer dans un environnement intérieur non-fumeur.
L’étude fait la chronique de 4 jours de mesures en temps réel de l’air dans un cinéma allemand bien ventilé. Un spectromètre de masse à haute résolution a été installé dans le conduit de ventilation d’un cinéma, permettant de suivre la montée et la descente de 35 COV particuliers précédemment associés à la fumée de tabac.
Tout au long de la période d’étude, les chercheurs ont détecté des pics de COV liés au tabac, dont le 2,5-diméthylfurane, le 2-méthylfurane et l’acétonitrile, coïncidant avec les heures d’arrivée et de départ des spectateurs. Bien que ces pics temporels de COV environnementaux puissent être interprétés comme étant simplement liés à des groupes généraux de personnes entrant et sortant d’un espace intérieur et apportant des toxines sur leurs vêtements depuis l’extérieur, la recherche a révélé des différences majeures dans les volumes de COV selon le contenu du film et le moment de la journée.
Les pics de COV liés au tabac étaient significativement plus élevés lors des séances nocturnes tardives et des projections de films classés R (interdit au moins de 17 ans non accompagné), par rapport aux volumes plus faibles détectés avec des tailles d’audience similaires lors des premières projections classées G (tout public). Ainsi, bien que l’étude n’ait pas permis de déterminer précisément le nombre de fumeurs lors d’une séance particulière, les chercheurs sont convaincus que ce point de données implique que l’augmentation observée des COV pourrait être liée à la fumée tertiaire.
Selon Drew Gentner, un auteur de la nouvelle étude :
Nous avions une installation vraiment géniale où nous prélevions commodément des échantillons dans le conduit d’évacuation d’air juste après que l’air ait quitté le cinéma, nous avons donc pu mesurer la composition chimique moyenne de l’air dans le cinéma sans déranger les occupants. Nous ne nous attendions pas à ce que le dégagement de produits chimiques provenant de la fumée de tabac résiduelle sur les personnes soit une source aussi importante de produits chimiques réactifs dans la salle.
Les recherches montrent de manière exhaustive que les COV tels que le benzène, l’acroléine, le formaldéhyde et la nicotine peuvent être libérés par les vêtements et le corps des fumeurs dans un environnement intérieur. Mais l’étude ne fait aucune déclaration sur les risques sanitaires liés au volume de COV détecté.
Des experts qui ne sont pas associés à cette nouvelle étude suggèrent que la recherche n’est pas préoccupante, notant que les niveaux de COV détectés étaient si faibles qu’il est peu probable qu’ils entraînent des risques significatifs pour la santé.
Les chercheurs affirment que les quantités de COV détectées dans l’étude n’étaient pas pour autant négligeables. En fait, l’étude indique clairement dans son résumé que les émissions de COV détectées sont équivalentes à plusieurs cigarettes de fumée secondaire (passive).
Ces émissions de COV ont exposé les occupants à l’équivalent de 1 à 10 cigarettes de fumée secondaire, y compris de multiples polluants atmosphériques dangereux (par exemple, le benzène et le formaldéhyde) à des concentrations de l’ordre de quelques parties par milliard.
L’étude publiée dans Science Advances : Human transport of thirdhand tobacco smoke: A prominent source of hazardous air pollutants into indoor nonsmoking environments et présentée sur le site de l’université Yale : Third-hand smoke is no joke, can convey hazardous chemicals.