Une nouvelle étude nuance l’Apocalypse des insectes
La nouvelle d’une apocalypse des insectes est devenue un titre familier ces dernières années, les études successives faisant état d’une perte alarmante du nombre d’invertébrés.
Image d’entête : le nombre global d’insectes terrestres est en déclin. (Gabriele Rada)
Derniers exemples en date, parmi tant d’autres… :
Aussi cohérent que le message semble l’être, les résultats ne sont pas toujours concordants.
Une nouvelle étude menée par des écologistes du Centre allemand de recherche sur la biodiversité intégrée suggère que le déclin des populations mondiales ne serait pas aussi rapide que nous le pensions, et pourrait même s’améliorer dans certains domaines.
Les chercheurs ont effectué la plus grande évaluation (méta-analyse) de l’abondance des insectes dans le monde à ce jour, montrant que leur nombre a diminué de 25% au cours des 30 dernières années. L’accélération de cette baisse en Europe est ce qui a le plus surpris les scientifiques.
À partir des données de 166 enquêtes menées sur le long terme dans 1 676 sites, l’étude a dressé un tableau de l’état de santé des insectes. Si certaines espèces ont fait exception et se sont étendues, comme les insectes d’eau douce, ils ne représentent qu’un petit nombre parmi toutes les espèces.
A partir de l’étude : tendances du nombre local d’insectes terrestres et d’insectes d’eau douce. Les points violets indiquent que le nombre d’insectes a diminué, tandis que les points verts indiquent que le nombre d’insectes a augmenté. ( Roel van Klink et col./ Science/ AAAS).
Les chercheurs ont également averti que certains insectes restent très peu étudiés dans de nombreuses régions du monde, comme l’Amérique du Sud, l’Asie et l’Afrique. Il y a un manque de données sur ces régions et des activités telles que l’agriculture et la déforestation pourraient y réduire encore le nombre d’insectes.
Cette baisse du nombre d’insectes pourrait déjà avoir un impact important sur le monde dans son ensemble, met en garde la nouvelle étude. Les insectes sont les animaux les plus variés et les plus abondants et sont très importants pour tous les écosystèmes, car ils pollinisent les plantes et servent de nourriture aux autres animaux.
La précédente plus grande évaluation, basée sur 73 études, avait conduit les scientifiques à mettre en garde contre les « conséquences catastrophiques pour la survie de l’humanité » si les pertes d’insectes n’étaient pas stoppées. Le taux de déclin observé dans la nouvelle étude était plus du double de celui estimé précédemment. D’autres experts estiment que 50 % des insectes ont disparu au cours des 50 dernières années.
Selon Roel van Klink, du centre allemand de recherche sur la biodiversité intégrée de Leipzig, qui a dirigé les recherches :
Ces 24 % sont certainement une source de préoccupation. C’est un quart de moins que lorsque j’étais enfant. Une chose dont les gens devraient toujours se souvenir, c’est que nous dépendons vraiment des insectes pour notre alimentation.
Les pertes ont été les plus importantes dans l’Ouest américain, le Midwest et en Europe, notamment en Allemagne. Les tendances en Europe sont devenues plus négatives ces dernières années, avec les plus fortes baisses depuis 2005. Ailleurs, les données sont beaucoup plus rares, mais l’expansion des villes a probablement un effet négatif important.
L’étude montre que les pertes d’insectes sont principalement dues à la destruction des habitats, à l’utilisation de pesticides et à la pollution lumineuse. L’impact de la crise climatique n’est pas clair dans la recherche. Selon M. Van Klink, les changements de température et d’humidité pourraient nuire à certaines espèces tout en en stimulant d’autres, même au même endroit.
Le constat de la destruction des habitats a été repris dans d’autres travaux de recherche importants sur la biodiversité, notamment l’évaluation mondiale de la Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) de l’année dernière, qui a fait valoir qu’un million d’espèces animales et végétales sont désormais menacées d’extinction en raison de l’action humaine.
L’étude publiée dans Science : Meta-analysis reveals declines in terrestrial but increases in freshwater insect abundances et présentée sur le site du German Centre for Integrative Biodiversity Research : Insects: Largest study to date confirms declines on land, but finds recoveries in freshwater.