Une galaxie à la forme inhabituelle, tapie dans les tout premiers instants de l’univers
Des astronomes ont découvert une galaxie massive à disque rotatif qui s’est formée seulement 1,5 milliard d’années après le Big Bang, alors que l’Univers n’avait que 10 % de son âge actuel. C’est la preuve d’une sorte de formation galactique rapide jamais repérée auparavant et cela pourrait signifier que des galaxies comme la Voie lactée ont peut-être commencé à prendre forme bien plus tôt dans l’histoire de l’univers que nous le pensions.
La galaxie DLA0817g est la plus lointaine de ces galaxies jamais observées et elle remet en question les modèles traditionnels de formation des galaxies, écrivent Marcel Neeleman de l’Institut Max Planck d’astronomie en Allemagne et ses collègues dans leur nouvelle étude (lien plus bas).
Image d’entête : représentation artistique du disque Wolfe. (NRAO/ AUI/ NSF/ S Dagnello)
Surnommée le disque Wolfe (Wolfe Disc) en hommage à feu l’astrophysicien américain Arthur M Wolfe, on estime qu’il a une masse 72 milliards de fois supérieure à celle du Soleil, le disque tournant à environ 272 kilomètres par seconde.
Il a été observé pour la première fois en 2017 à l’aide du réseau ALMA (Atacama Large Millimeter/submillimeter Array) de l’Observatoire européen austral (ESO) au Chili.
Image radio ALMA du Wolfe Disk, observée lorsque l’univers n’avait que 10% de son âge actuel. (ALMA/ M. Neeleman/ NRAO/ AUI/ NSF/ S. Dagnello)
Selon Neeleman, de l’Institut Max Planck d’astronomie en Allemagne :
Alors que les études précédentes laissaient entrevoir l’existence de ces premières galaxies à disques riches en gaz en rotation, grâce à l’ALMA, nous avons maintenant la preuve non équivoque qu’elles existent…
Se basant sur les connaissances actuelles de la cosmologie, les galaxies sont censées être construites dans un ordre hiérarchique. On pense que des halos de matière noire se développent, attirant le gaz environnant et se fusionnant en structures plus grandes à partir desquelles les étoiles se forment, ce qui conduit à la croissance d’une galaxie.
La vision traditionnelle suggère que le gaz qui s’enflamme est chauffé, ce qui donne une structure sphérique qui ne peut soutenir la formation d’un disque que lorsque la région centrale se refroidit.
Cependant, la découverte de DLA0817g, lorsque l’Univers était encore très jeune, indique que d’autres processus de croissance ont dû dominer, selon Neeleman et ses collègues.
Selon les chercheurs dans leur étude :
L’existence d’une galaxie à disque froid aussi massive, soutenue par sa rotation, alors que l’Univers n’avait que 1,5 milliard d’années, favorise la formation par accrétion en mode froid ou par fusion, bien que sa grande vitesse de rotation et sa grande teneur en gaz froid restent difficiles à reproduire avec la plupart des simulations numériques.
Cependant, dans un commentaire accompagnant l’étude, Alfred Tiley de l’Université d’Australie occidentale souligne que cette découverte est basée sur une seule galaxie, et que des observations similaires sur un plus grand nombre de galaxies sont nécessaires pour déterminer si “l’accrétion en mode froid” était un mode commun de formation des galaxies.
L’équipe de Neeleman a découvert la galaxie en examinant la lumière d’un quasar plus éloigné. La lumière a été absorbée lorsqu’elle a traversé un réservoir massif de gaz hydrogène entourant la galaxie, qui s’est ensuite révélé.
Plutôt que de chercher la lumière directe de galaxies extrêmement brillantes, mais plus rares, les astronomes utilisent cette méthode “d’absorption » pour trouver des galaxies plus pâles et plus normales dans l’Univers primitif.
Selon Neeleman :
Le fait que nous ayons trouvé le disque Wolfe en utilisant cette méthode, nous indique qu’il appartient à la population normale des galaxies présentes aux premiers temps.
Lorsque nos dernières observations avec l’ALMA ont étonnamment montré qu’il est en rotation, nous avons réalisé que les galaxies précoces à disque en rotation ne sont pas aussi rares que nous le pensions et qu’elles devraient être beaucoup plus nombreuses.
L’équipe a également utilisé le Very Large Array (VLA) au Nouveau-Mexique et le télescope spatial Hubble de la NASA/ ESA pour en savoir plus sur la formation des étoiles dans le disque Wolfe.
Dans les longueurs d’onde radio, l’ALMA a observé les mouvements de la galaxie et la masse de gaz et de poussière atomiques tandis que le VLA a mesuré la quantité de masse moléculaire, le carburant de la formation des étoiles. En lumière UV, Hubble a observé des étoiles massives.
Le disque Wolfe vu avec ALMA (à droite, en rouge), VLA (à gauche, en vert) et le télescope spatial Hubble (tous deux, en bleu). L’image VLA est réalisée avec une résolution spatiale inférieure à celle de l’image ALMA, et semble donc plus grande et plus pixélisée. (ALMA/ M Neeleman/ NRAO/ AUI/ NSF/ S Dagnello/ NASA/ ESA Hubble)
Selon le coauteur de l’étude, J Xavier Prochaska, de l’université de Californie, aux États-Unis :
Le taux de formation d’étoiles dans le disque Wolfe est au moins 10 fois plus élevé que dans notre propre galaxie. Ce doit être l’une des galaxies à disque les plus productives du début de l’Univers.
L’étude publiée dans Nature : A cold, massive, rotating disk galaxy 1.5 billion years after the Big Bang et présentée sur le site du National Radio Astronomy Observatory : ALMA Discovers Massive Rotating Disk in Early Universe et sur le site du Max Planck Institute : They grow up so fast: New observations show that massive disk galaxies formed exceptionally early in cosmic history.