Une très grosse étoile a disparu sans laisser de trace
Une étoile qui brillait avec 2,5 millions de fois la lumière de notre Soleil a disparu du ciel. Il est possible que l’étoile se soit effondrée en un trou noir sans déclencher au préalable une supernova, un événement rare, même dans le contexte de la mort des étoiles.
Image d’entête : représentation artistique de l’étoile variable lumineuse bleue aujourd’hui disparue. (ESO/ L. Calçada)
L’étoile errante est, ou était, située dans la galaxie naine Kinman dans la constellation du Verseau, à quelque 75 millions d’années-lumière de la Terre. À de si grandes distances qu’il n’est pas possible de voir clairement les étoiles individuellement. Cependant, les étoiles véritablement massives, comme celle qui se trouve au centre de la nouvelle étude, brillent si fort qu’elles laissent des traces de leur présence sous la forme d’une signature lumineuse, qui indique aux astronomes qu’elles sont là.
À l’avenir, les astronomes pourront étudier plus en détail les corps stellaires individuels qui se cachent dans des lointaines galaxies naines comme Kinman, grâce au futur Télescope géant européen de l’Observatoire européen austral (ESO), qui devrait être achevé en 2025.
Les étoiles variables lumineuses bleues sont énormes selon les normes de notre Soleil, et brillent d’une manière incroyablement éclatante. Cependant, aussi magnifiques soient-elles, elles sont également instables et sujettes à des explosions spectaculaires au cours desquelles elles perdent de la masse à un rythme très accéléré.
De 2001 à 2011, l’étoile a été observée par des astronomes cherchant à mieux comprendre le cycle de vie de ces énormes étoiles et leur éventuel destin. En 2019, une équipe internationale de scientifiques a cherché à poursuivre ces travaux en tournant le puissant objectif du Very Large Telescope (VLT) de l’ESO vers l’étoile variable. À leur grande surprise, la trace lumineuse de l’étoile avait disparu.
La disparition apparemment soudaine de l’étoile fut inhabituelle, car, selon les chercheurs, un corps stellaire aussi massif devrait exploser dans une supernova cataclysmique à la fin de son cycle de vie.
Pour Jose Groh, membre de l’équipe du Trinity College de Dublin, l’un des auteurs de la nouvelle étude :
Nous avons peut-être détecté l’une des étoiles les plus massives de l’Univers local qui disparaît doucement dans la nuit.
Leurs propres observations n’ayant révélé aucune trace de l’étoile, les chercheurs se sont tournés vers des données plus anciennes qui ont été recueillies en 2002 et 2009 par deux puissants spectromètres montés sur les quatre télescopes qui composent le VLT.
Les données archivées suggéraient que l’étoile avait peut-être subi une puissante explosion qui lui a fait perdre une énorme quantité de masse, et qui s’est terminée quelque temps après 2011.
Sur la base de leur analyse, l’équipe a avancé deux raisons potentielles pour expliquer la disparition de l’étoile et l’absence de supernova visible.
À la fin de l’explosion, l’étoile variable aurait pu se transformer en un corps stellaire moins brillant qui aurait été recouvert d’une épaisse couche de poussière composée de matière préalablement rejetée.
La deuxième explication avancée par l’équipe est plus spectaculaire : l’étoile aurait pu mettre fin à sa vie stellaire en s’effondrant tranquillement en un énorme trou noir. Si cette dernière explication est vraie, ce serait la première fois qu’une étoile aussi massive et extrêmement brillante aurait été détectée terminant sa vie de cette manière.
Cependant, les chercheurs ne peuvent pas exclure la possibilité que l’étoile soit devenue une supernova entre 1995 et 1998, période où aucune observation n’était disponible. Dans ce cas, la signature de l’étoile que les astronomes pensaient voir entre 2001 et 2011 aurait été le résultat d’une interaction entre les éjections de la supernova et le milieu circumstellaire dense.
D’autres observations seront nécessaires pour déterminer le sort de la mystérieuse étoile variable bleue lumineuse qui a autrefois éclairé la galaxie naine Kinman. L’étoile fantôme sera une cible de choix pour les astronomes qui utiliseront le Télescope géant européen lorsqu’il entrera en service.
L’étude publiée dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society : The possible disappearance of a massive star in the low-metallicity galaxy PHL 293B et présentée sur le site de l’ESO : Mystère cosmique : un télescope de l’ESO signale la disparition d’une étoile massive.