Première image de l’orbite d’un électron dans un exciton
Des scientifiques viennent de mesurer expérimentalement la fonction d’onde d’un exciton, et ils en sont ravis, car ils attendaient cela depuis un siècle.
Un exciton est un état excité de la matière, créé lorsqu’un électron gagne de l’énergie et saute à un niveau d’énergie supérieur. L’électron chargé négativement laisse derrière lui un espace vide chargé positivement (un « trou d’électron« ), et les deux sont attirés l’un vers l’autre et commencent à se mettre en orbite l’un autour de l’autre, formant ensemble un exciton.
Les excitons ne sont techniquement pas des particules, mais des quasi-particules (presque). Ils sont formés par l’attraction électrostatique entre des électrons excités, chargés négativement, et des trous d’électron chargés positivement. Les trous sont des espaces laissés par les électrons excités et sont eux-mêmes un type de quasi-particule. (OIST)
Ces « quasi-particules » électriquement neutres sont d’une importance cruciale pour les semi-conducteurs, qui sont au cœur d’applications telles que les cellules solaires, les lasers et les LED.
Jusqu’à présent, les excitons étaient difficiles à détecter et à mesurer, car ils sont fragiles et fugaces, ne durant parfois que quelques millièmes de milliardième de seconde.
Mais maintenant, pour la première fois, des chercheurs du Collège doctoral de science et technologie d’Okinawa (OIST) au Japon ont imagé les orbites internes des particules dans un exciton.
Image d’entête : dans la physique de l’infiniment petit, d’étranges phénomènes quantiques s’appliquent. Les électrons agissent à la fois comme des particules et des ondes et il est donc impossible de connaître à la fois la position et la quantité de mouvement d’un électron. Au lieu de cela, le nuage de probabilité (distribution dans une région de l’espace de la probabilité de détecter une particule donnée) d’un exciton indique où l’électron a le plus de chances de se trouver autour du trou d’électron. L’équipe de recherche a généré une image du nuage de probabilité de l’exciton en mesurant la fonction d’onde. (OIST)
Selon Keshav Dani, auteur principal de l’étude (lien plus bas) :
Des scientifiques ont découvert les excitons il y a environ 90 ans. Mais jusqu’à très récemment, on ne pouvait généralement accéder qu’aux signatures optiques des excitons. Par exemple, la lumière émise par un exciton lorsqu’il s’éteint. Les autres aspects de leur nature, comme leur quantité de mouvement et la façon dont l’électron et le trou d’électron orbitent l’un autour de l’autre, ne pouvaient être décrits que théoriquement.
Puis l’année dernière, une technique a été découverte permettant de mesurer la quantité de mouvement des électrons au sein des excitons.
L’équipe de l’OIST a utilisé cette technique dans sa nouvelle étude. Après avoir généré des excitons en envoyant une impulsion laser sur un matériau supraconducteur à deux dimensions, les chercheurs ont utilisé des photons ultraviolets à haute énergie pour séparer à nouveau les particules et forcer les électrons à s’envoler, dans le vide d’un microscope électronique.
Le microscope a mesuré l’angle et l’énergie des électrons, ce qui a permis à l’équipe de reconstituer l’élan initial et donc de savoir où se trouvent les électrons par rapport au trou d’électron à charge positive de l’exciton.
L’instrument utilise une première impulsion de lumière de pompage pour exciter les électrons et générer des excitons. Elle est rapidement suivie d’une seconde impulsion de lumière qui utilise des photons ultraviolets extrêmes pour expulser les électrons des excitons hors du matériau et les envoyer dans le vide d’un microscope électronique. Le microscope électronique mesure ensuite l’énergie et l’angle avec lesquels les électrons ont quitté le matériau pour déterminer la quantité de mouvement de l’électron autour du trou dans l’exciton. (OIST)
Toujours selon Dani :
Cette technique présente certaines similitudes avec les expériences de collision de la physique des hautes énergies, dans lesquelles des particules sont entrechoquées avec d’intenses quantités d’énergie, ce qui les brise.
En mesurant les trajectoires des petites particules internes produites lors de la collision, les scientifiques peuvent commencer à reconstituer la structure interne des particules intactes d’origine. Ici, nous faisons quelque chose de similaire : nous utilisons des photons de lumière ultraviolette extrême pour briser les excitons et nous mesurons les trajectoires des électrons pour imaginer ce qu’il y a à l’intérieur.
L’expérience a dû être menée à basse température et à faible intensité, et il a fallu plusieurs jours pour acquérir une seule image, capturant la fonction d’onde de l’exciton. Celle-ci donne la probabilité de la localisation d’un électron autour du trou d’électron.
Selon Julien Madeo, coauteur de l’étude à l’OIST, il s’agit d’une avancée importante, ajoutant que :
Être capable de visualiser les orbites internes des particules lorsqu’elles forment des particules composites plus grandes pourrait nous permettre de comprendre, de mesurer et finalement de contrôler les particules composites de manière inédite. Cela pourrait nous permettre de créer de nouveaux états quantiques de la matière et des technologies basées sur ces concepts.
L’étude publiée dans Science : Directly visualizing the momentum-forbidden dark excitons and their dynamics in atomically thin semiconductors et présentée sur le site du Collège doctoral de science et technologie d’Okinawa : Scientists capture first ever image of an electron’s orbit within an exciton.