Découverte d’un nouvel organe chez la plante la plus étudiée au monde
Il y a toujours quelque chose de nouveau à découvrir, même si vous l’avez regardé des milliers de fois. Après des décennies de recherche, des scientifiques viennent de trouver une structure inconnue jusqu’alors, appelée « cantil« , chez l’Arabette des dames (Arabidopsis thaliana), qui est considérée comme l’un des organismes les plus étudiés en biologie à travers le temps.
Image d’entête : arabette des dames en train de fleurir sous un jour long. Un long et deux courts cantils, des porte-à-faux pour soutenir la tige porteuse des fleurs, sont visibles. (Timothy Gookin)
Il n’est pas nécessaire d’être biologiste pour savoir à quoi ressemble l’Arabette des dames. Cette plante robuste est un membre non commercial de la famille de la moutarde originaire d’Afrique, d’Asie et d’Europe, où elle pousse dans les sols sablonneux ou même dans les interstices du béton. Elle a été utilisée dans d’innombrables expériences au fil du temps, devenant un élément de base de la science parce qu’elle est peu coûteuse et produit de nombreuses graines. Elle a même été cultivée dans la station spatiale internationale (ISS) il y a quelques années.
La plante a été décrite scientifiquement pour la première fois dès le XVIe siècle, et continue d’être étudiée comme organisme modèle pour explorer la génétique et le développement des plantes depuis les années 1940. En 2015, les scientifiques avaient écrit plus de 54 000 études sur l’Arabidopsis, et depuis lors, environ 4 000 autres ont été publiés chaque année. Nous en savons beaucoup à son sujet, ou du moins nous le pensions.
Selon le biologiste des plantes Timothy Gookin, de l’université d’État de Pennsylvanie et auteur principal de la nouvelle étude :
J’ai observé les cantils pour la première fois en 2008. Au départ, je n’ai fait confiance à aucun des résultats. Je pensais qu’il devait s’agir d’un artefact de contamination génétique, peut-être combiné à une contamination environnementale de l’eau, du sol, des engrais ou même de l’air des bâtiments.
La structure découverte, nommée cantil de cantilever qui signifie porte-à-faux (pour soutenir la tige porteuse de fleurs), n’est pas cachée. Alors que la tige porteuse de la fleur pousse à partir de la tige principale de la plante, la structure en porte-à-faux se développe horizontalement à partir de la tige, maintenant la tige de la fleur plus loin. Il est difficile de le manquer s’il se forme, mais il est rare et ne se forme que dans un ensemble de conditions spécifiques.
Il s’avère que le cantil n’apparaît chez certaines plantes qu’après un retard de floraison au printemps, et uniquement si la lumière du jour est limitée. Les cantils donnent l’impression que les plantes ont les coudes pliés alors que celles qui n’ont pas cet organe ont l’air droites. Il a fallu aux chercheurs 12 ans d’enquête et l’examen de milliers de plantes pour faire cette découverte.
Toujours selon Gookin :
Cette étude a nécessité la croissance de 3 782 plantes jusqu’à leur pleine maturité et l’inspection manuelle de plus de 20 000 tiges porteuses de fleurs dans 34 lignées végétales uniques. J’ai finalement considéré les cantils comme un phénomène naturel après les avoir identifiés dans des plantes de type sauvage provenant de différentes sources, qui poussaient dans des lieux indépendants et dans des conditions diverses.
Gookin pense que la découverte des cantils fournit des indices importants pour comprendre la croissance conditionnelle des structures végétales en réponse à leur environnement. Les cantils pourraient représenter un lien ancestral fortement réprimé entre différents types d’architectures de plantes à fleurs. D’autres recherches suivront probablement pour mieux comprendre ce qui se passe.
L’étude publiée dans la revue Development : Cantil: a previously unreported organ in wild-type Arabidopsis regulated by FT, ERECTA and heterotrimeric G proteins.