La "dernière zone de glace" de l’Arctique fond rapidement
La fonte rapide et radicale, l’été dernier, de la zone censée être le dernier refuge de glace de l’Arctique a été attribuée à des conditions météorologiques inhabituelles et au changement climatique, les scientifiques suggérant que la « dernière zone de glace » (LIA pour Last Ice Area) est plus vulnérable que prévu.
image d’entête : un ours polaire perché sur un épais morceau de glace de mer au nord du Groenland en mars 2016. Ces morceaux de glace de mer plus épais et plus anciens ne protègent pas entièrement la grande région contre la perte de sa couverture de glace en été. (Kristin Laidre/ Université de Washington)
La LIA est une région située au nord du Groenland et de l’île d’Ellesmere, dans le territoire canadien du Nunavut, qui devrait abriter les derniers vestiges de la glace d’été de l’Arctique lorsque le changement climatique aura raison du reste de la glace permanente de la région polaire, vers 2040. Lorsque cela se produira, on pense que la région deviendra le dernier refuge pour la faune qui dépend de la glace de mer pour sa survie.
Situation de la dernière zone de glace. (National Geographic)
L’été 2020 a engendré une fonte sans précédent, et les scientifiques qui cherchent à expliquer le phénomène ont utilisé des images satellites et un modèle numérique qui tient compte des conditions environnementales dans la mer de Wandel en 2020 pour estimer les facteurs de la perte de glace.
Comme le détaille une nouvelle étude (lien plus bas), les simulations entreprises par Axel Schweiger et ses collègues de l’université de Washington (UW), aux États-Unis, suggèrent une tendance pluriannuelle à l’amincissement de la glace sous l’effet du réchauffement des températures, laissant la mer de Wandel avec un patchwork de zones de glace fine et épaisse, ce qui la rend particulièrement vulnérable à la fonte. Les vents extrêmes de l’été ont également favorisé le détachement et la fonte de la glace.
La concentration record de glace en 2020 fut surprenante car son épaisseur moyenne au début de l’été était proche de la normale.
Selon Schweiger :
Au cours de l’hiver et du printemps 2020, des plaques de glace plus anciennes et plus épaisses ont dérivé jusqu’ici, mais il y avait suffisamment de glace plus fine et plus récente qui a fondu pour exposer l’océan ouvert. Cela a amorcé un cycle d’absorption de l’énergie thermique pour faire fondre davantage de glace, malgré la présence de glace épaisse. Ainsi, les années où l’on reconstitue la couverture de glace dans cette région avec de la glace plus ancienne et plus épaisse, cela ne semble pas aider autant qu’on pourrait le penser.
Les chercheurs ont conclu que si les vents extrêmes furent le principal facteur de perte de glace en 2020, le changement climatique a contribué à l’amincissement de la glace, et donc à sa vulnérabilité aux événements extrêmes. Dans cette optique, ils ont averti que la LIA pourrait ne pas être aussi résiliente qu’on le pensait, menaçant la survie des espèces arctiques dans ce refuge glacé alors que la planète se réchauffe.
Toujours selon Schweiger :
On pense actuellement que cette zone pourrait être le dernier refuge pour les espèces dépendantes de la glace. Donc si, comme le montre notre étude, elle peut être plus vulnérable au changement climatique que ce que les gens ont supposé, c’est important.
Parmi les animaux à risque figurent les ours polaires, qui utilisent la glace pour chasser les phoques, et les morses qui s’alimentent sur les plates-formes de glace de mer.
Selon les chercheurs, il reste d’autres inconnues à explorer, notamment la manière dont l’augmentation des zones d’eau libre affectera les espèces dépendantes de la glace sur le long terme.
Selon la coauteure de l”étude, Kristin Laidre, responsable scientifique au laboratoire de physique appliquée de l’université de Washington :
Nous savons très peu de choses sur les mammifères marins de la dernière zone de glace. Nous n’avons presque aucune donnée historique ou actuelle, et la réalité est qu’il y a beaucoup plus de questions que de réponses sur l’avenir de ces populations.
L’étude publiée dans Communications Earth & Environment : Accelerated sea ice loss in the Wandel Sea points to a change in the Arctic’s Last Ice Area et présentée sur le site de l’Université de Washington : Last ice-covered parts of summertime Arctic Ocean vulnerable to climate change.