Animé ou inanimé : les araignées sauteuses disposent d’une capacité cognitive observée jusqu’alors uniquement chez les vertébrés
Les minuscules araignées sauteuses, avec leurs grands yeux magnifiques, semblent être capables de faire quelque chose qui n’a jamais été repéré chez les invertébrés : distinguer les objets animés des objets inanimés.
Lors d’une nouvelle expérience, des araignées sauteuses sauvages (Menemerus semilimbatus) se sont comportées différemment lorsqu’on leur a présenté des objets simulés des deux types, indiquant ainsi que les araignées étaient capables de les distinguer.
Cette recherche ne suggère pas seulement que cette capacité est plus répandue dans le règne animal que nous le supposions, elle démontre que le dispositif expérimental de l’équipe peut être utilisé pour tester de la même manière d’autres invertébrés.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Ces résultats démontrent clairement la capacité des araignées sauteuses à distinguer les signaux de mouvement biologiques.
La présence d’un système de détection des mouvements biologiques chez les araignées sauteuses approfondit les questions concernant les origines évolutives de cette stratégie de traitement visuel et ouvre la possibilité que de tels mécanismes puissent être répandus dans tout le règne animal.
Quand on y pense, il est logique que ces créatures soient capables de distinguer les choses vivantes des choses non vivantes. Il pourrait s’agir littéralement d’une question de vie ou de mort, que cela soit pour échapper à des prédateurs ou chasser des proies. Néanmoins, on ne sait pas si les petits invertébrés sont capables de faire la distinction entre le mouvement et le non-mouvement, ou entre les objets animés et inanimés.
Les araignées sauteuses semblaient être d’excellents candidats pour ces tests, en raison de leur vision exceptionnelle. Comme toutes les araignées, elles ont 8 yeux, mais ceux des araignées sauteuses comprennent deux grandes poches de couleur noire limpide sur le devant de leur petit visage, ce qui pourrait leur conférer une vision tétrachromatique des couleurs.
Deux des plus gros yeux d’une araignée sauteuse (Hasarius adansoni). (Yousef Al Habshi)
Une équipe de chercheurs dirigée par le biologiste Massimo De Agrò, anciennement de l’université de Harvard, a collecté 60 spécimens de M. semilimbatus, commune dans tout l’hémisphère nord. Ces araignées ont ensuite été soumises à un test de lumière ponctuelle spécialement conçu.
Voici comment cela fonctionne. Lorsqu’on leur présente 11 points en mouvement correspondant à la position des principales articulations du corps humain, les sujets du test peuvent reconnaître le modèle de mouvement comme appartenant à un humain. Ces 11 points, lorsqu’ils sont immobiles, ne transmettent pas la même signification, ce ne sont que 11 points.
De Agrò et son équipe ont conçu un affichage lumineux similaire basé sur les articulations d’une araignée. Ils ont également conçu d’autres affichages lumineux, dont une ellipse en mouvement, et des mouvements aléatoires confus qui ne ressemblent pas aux mouvements d’une créature vivante.
Pour montrer l’animation à l’araignée, l’équipe a maintenu son corps fixé sur place au-dessus d’un « tapis roulant » sphérique qui roulait sur un flux d’air comprimé. La façon dont l’araignée essayait de marcher sur le tapis roulant était considérée comme un indicateur de sa réaction aux animations lumineuses. Chacune des 60 araignées a ensuite été confrontée aux animations lumineuses et ses réactions ont été soigneusement enregistrées.
A partir de l’étude : (A) Représentation schématique de l’installation, moitié gauche. La ligne horizontale noire représente l’écran de l’ordinateur. La ligne colorée au-dessus représente la position du stimulus dans le temps (échelle de couleur). Le grand schéma de superposition à gauche représente un céphalothorax d’araignée sauteuse, vu de face. (B) Les courbes d’activité pour chaque stimulus différents. (Massimo De Agrò et Col./ PLOS Biology)
Il est intéressant de noter que les araignées sauteuses ont fait pivoter leur corps pour fixer de leurs grands yeux les animations les moins réalistes. L’effet était le plus prononcé avec l’écran lumineux aléatoire, qui bougeait le moins comme un organisme vivant.
L’équipe a compris que cela était lié au fonctionnement des yeux des araignées. Les yeux secondaires situés sur le côté de la tête n’ont peut-être pas l’acuité visuelle des deux grands yeux, mais ils donnent aux araignées une vision à presque 360 degrés. Si l’araignée repère avec ces yeux quelque chose qu’elle peut reconnaître, mais aussi quelque chose qu’elle ne reconnaît pas, elle donnera la priorité à la chose étrange, puisque la chose reconnaissable restera dans son champ de vision.
Selon De Agrò :
Les yeux secondaires regardent cet affichage ponctuel de mouvement biologique et ils peuvent déjà le comprendre, alors que l’autre mouvement aléatoire est bizarre et ils ne comprennent pas ce qu’il y a là.
L’équipe espère que son système pourra être utilisé pour appliquer son test à d’autres invertébrés, comme les insectes et les escargots, afin d’essayer d’en savoir plus sur l’évolution de cette capacité.
Les 60 araignées sont retournées à l’état sauvage, indemnes… mais peut-être un peu désorientées.
L’étude publiée dans PLOS Biology : Perception of biological motion by jumping spiders et présentée par l’Université d’Harvard via Eurekalert : A new spidey sense.