Les abeilles asiatiques "crient" comme des mammifères lorsqu’elles sont attaquées par des frelons géants
Les abeilles domestiques orientales ou asiatiques (Apis cerana), de plus en plus reconnues comme des créatures remarquablement intelligentes, sont connues pour émettre divers sons qui semblent transmettre certains messages, notamment des « sifflements » et des « signaux d’arrêt ». Mais les sons récemment découverts, révélés cette semaine dans une étude (lien plus bas) par une équipe de chercheurs du Wellesley College (États-Unis), sont différents des autres enregistrements sonores des abeilles. Il s’agit d’un signal d’alarme unique qui semble avertir les autres abeilles d’une attaque de frelons géants (Vespa soror).
Image d’entête : des frelons géants attaquent une ruche d’abeilles domestiques au Vietnam. (Heather Mattila/ Wellesley College)
En Asie, les attaques de frelons géants peuvent anéantir des colonies entières. Un système d’alerte précoce permettant aux abeilles de se défendre est donc crucial.
Le nouveau son, qu’ils ont appelé le « anti-predator pipe » (cornemuse anti-prédateur), est un signal de détresse si distinctif et familier qu’il a donné des frissons à la chercheuse principale Heather Mattila lorsqu’elle l’a entendu pour la première fois.
A partir de l’étude : les bourdonnements d’alertes des abeilles lors d’une attaque des frelons géants. (Heather R. Mattila et Col./ PLoS One)
Selon Mattila :
Les cornemuses ont des traits communs avec de nombreux avertissements de mammifères, si bien qu’en tant que mammifère, en les entendant, il y a quelque chose qui est immédiatement reconnaissable comme un signal de danger. Cela ressemble à une sensation universelle.
Les sons sont émis à un rythme effréné lorsque les frelons se trouvent à l’extérieur de la ruche, et les signaux sont forts et irréguliers, changeant souvent de fréquence de façon abrupte. Ils sont similaires, selon les chercheurs, aux cris d’alarme, aux cris de peur et aux appels de panique des primates, des oiseaux et des suricates.
Les chercheurs notent qu’au signal de la cornemuse anti-prédateur, les abeilles se rassemblent en grand nombre vers l’entrée et commencent à prendre des mesures défensives, notamment en répandant des excréments d’animaux autour de l’entrée de la colonie pour repousser les frelons (première utilisation documentée d’outils par les abeilles) et en formant des pelotes d’abeilles kamikazes pour tuer collectivement les frelons qui les attaquent.
Une butineuse appliquant des excréments sur le devant de la ruche. (Heather R. Mattila et Col./ PLoS One)
Mattila et son équipe ont étudié les interactions entre les abeilles domestiques asiatiques et leurs adversaires, les frelons géants, pendant plus de 7 ans, en réalisant des enregistrements audio et vidéo. Leurs observations ont montré que les ruches attaquées étaient 8 fois plus bavardes que les ruches en période de calme relatif.
Selon les chercheurs dans leur étude :
Les abeilles communiquent constamment entre elles, dans les bons comme dans les mauvais moments, mais l’échange de signaux anti-prédateurs est particulièrement important dans les moments difficiles, lorsqu’il est impératif de rallier les ouvrières pour défendre la colonie.
Selon Gard Otis, collègue de Mattila et professeur émérite à l’École des sciences de l’environnement du Collège agricole de l’Ontario de l’Université de Guelph au Canada:
Cette recherche montre à quel point les signaux produits par les abeilles de ruche asiatiques peuvent être étonnamment complexes. Nous avons l’impression que nous n’avons fait qu’effleurer la surface pour comprendre leur communication. Il y a encore beaucoup de choses à apprendre.
L’étude publiée dans Royal Society Open Science : Giant hornet (Vespa soror) attacks trigger frenetic antipredator signalling in honeybee (Apis cerana) colonies et présentée sur le site du Wellesley College : How Bees Tell Murder Hornets to Buzz Off.