Comment l’expansion de l’univers pourrait avoir empêché la matière noire de prendre le dessus ?
La matière noire est une composante essentielle de l’univers, mais comment la quantité exacte de matière noire nécessaire à la cohésion de l’univers a-t-elle pu être obtenue ? Des physiciens ont proposé un nouveau mécanisme selon lequel les particules de matière noire au début de l’univers ont converti la matière ordinaire en matière noire de manière exponentielle, avant d’être ralenties par l’expansion de l’univers.
Image d’entête : la répartition de la matière noire au centre de l’amas géant de galaxies Abell 1689, qui contient environ 1 000 galaxies et des milliards d’étoiles, imagée par le télescope spatial Hubble. Les concentrations de matière noire sont teintée en bleu. (NASA/ ESA et D. Coe (NASA JPL/Caltech and STScI))
Les physiciens estiment que les particules de matière noire sont 5 fois plus nombreuses que la matière ordinaire et que la matière noire joue un rôle essentiel dans la structure à grande échelle du cosmos. Non seulement son influence gravitationnelle est à l’origine de la formation des étoiles et des galaxies, mais elle maintient encore aujourd’hui la cohésion des galaxies et des amas. Sans cette densité spécifique de matière noire, l’univers aurait évolué de manière très différente.
Comment en est-on arrivé à cette densité de matière noire ? Pour cette nouvelle étude, une équipe de chercheurs a proposé un nouveau mécanisme qui, selon eux, est relativement simple et peut être testé grâce à de futures observations.
De nombreux modèles suggèrent que la matière noire est née d’un « bain thermique », le plasma primordial de particules de matière régulière dans l’univers primitif. À partir de là, la nouvelle hypothèse de l’équipe suit ce que l’on appelle un “modèle de congélation”. En gros, l’idée est qu’il n’y avait pas beaucoup de matière noire au départ, mais que le bain thermique de particules régulières a créé des particules de matière noire au fil du temps, jusqu’à atteindre la densité que nous observons aujourd’hui.
Mais le modèle de l’équipe ajoute un nouveau point à l’histoire : les particules de matière noire peuvent convertir les particules ordinaires en davantage de matière noire. Cette nouvelle matière noire peut ensuite faire passer davantage de matière ordinaire du côté obscur, ce qui entraîne une croissance exponentielle de la matière noire.
Bien sûr, ce modèle conduirait à terme à un univers dominé par cette dernière, mais il existe un curieux mécanisme d’autolimitation déjà intégré à notre compréhension du cosmos : l’expansion. Les niveaux de matière noire peuvent croître très rapidement dans l’univers primitif parce que la matière ordinaire était extrêmement dense à l’époque, mais au fur et à mesure que l’univers s’étend et que la matière se répand, il y a moins de carburant pour le processus et celui-ci ralentit.
Les chercheurs ont montré que le modèle permet d’expliquer la densité actuelle de la matière noire et qu’il peut fonctionner avec une gamme de masses de particules. Il permet également de combler les lacunes d’autres modèles qui, par ailleurs, fonctionnent bien pour expliquer les observations.
Il est important de noter que l’idée peut être testée. L’équipe affirme que ce mécanisme laisserait une empreinte spécifique sur le fond diffus cosmologique, qui pourrait être repérée (ou exclue) par de futures observations.
La carte ci-dessous présente la plus ancienne lumière dans notre univers, comme elle a été détectée avec la plus grande précision par la mission Planck. La lumière antique, appelée le fond diffus cosmologique, a été imprimée sur le ciel quand l’univers avait 370 000 ans. Elle montre les minuscules fluctuations de température qui correspondent aux régions aux densités légèrement différentes, représentant les graines de toute la future structure : les étoiles et les galaxies d’aujourd’hui. (ESA/ Planck)
L’étude publiée dans Physical Review Letters : Dark Matter from Exponential Growth et présentée dans APS Physics : Exponentially Growing Dark Matter.