Skunk : à l’origine de l’odeur de moufette du cannabis
Une nouvelle étude, réalisée par des chercheurs d’une société américaine de production de cannabis (ABSTRAX), offre l’une des analyses les plus complètes jamais menées sur les origines chimiques de l’odeur unique de « mouffette » (Skunk, en anglais, qui est également le surnom et une variété de cannabis) du cannabis. L’étude révèle qu’une famille entièrement nouvelle de composés organosulfurés est à l’origine de cette nouvelle odeur et que ces molécules sont chimiquement similaires aux composés aromatiques présents dans l’ail.
Alors qu’une grande partie de la recherche actuelle sur le cannabis se concentre sur la compréhension des effets des cannabinoïdes tels que le tétrahydrocannabinol (THC) ou le cannabidiol (CBD), il existe de nombreuses autres molécules dans cette plante profondément complexe. Cette nouvelle recherche s’est concentrée spécifiquement sur la compréhension de la source chimique de la forte et unique odeur du cannabis.
Des centaines de composés aromatiques différents peuvent être trouvés dans le cannabis. Beaucoup d’entre eux appartiennent à une classe de composés connus sous le nom de terpènes, qui sont responsables de nombreuses odeurs de plantes caractéristiques, comme le pin ou la lavande. L’hypothèse selon laquelle les terpènes sont responsables de la « mauvaise odeur » emblématique du cannabis a déjà été avancée, mais les difficultés d’analyse de tous les composés aromatiques potentiels de cette plante ont limité la réalisation d’études solides.
Selon les chercheurs dans leur étude récemment publiée (lien plus bas) :
Pour remédier à ce problème, nous avons utilisé un système de Chromatographie en phase gazeuse intégrale bidimensionnelle complet et personnalisé, doté de trois détecteurs fonctionnant simultanément : un spectromètre de masse à temps de vol (TOF-MS), un détecteur à ionisation de flamme (FID) et un détecteur de soufre à chimiluminescence (SCD).
Les nouvelles recherches se sont particulièrement concentrées sur les molécules connues sous le nom de composés sulfurés volatils (VSC pour volatile sulfur compounds). Ces composés sont fortement liés à d’autres odeurs végétales prononcées, comme le houblon et l’ail. On sait également que les émanations emblématiques des mouffettes contiennent un certain nombre de composés sulfurés volatils puissants. Étant donné que l’arôme piquant du cannabis est officieusement appelé « skunk », il semblait raisonnable de chercher à savoir quels VSC de la plante pouvaient être liés à cette odeur très spécifique.
Image tirée de l’étude, résumant la découverte de composés sulfurés volatils (VSC) donnant l’odeur de moufette au cannabis. (Iain W. H. Oswald et col./ ACS Omega)
Selon l’auteur principal de la nouvelle étude, Iain Oswald :
La combinaison de plusieurs détecteurs, en tandem avec la 2DGC pour analyser le cannabis, nous a donné les outils nécessaires pour analyser les données et identifier les tendances entre certains composés et les arômes de divers cultivars de cannabis. Nos données établissent de manière concluante un lien entre cette nouvelle famille de VSC dans le cannabis et son arôme piquant.
La nouvelle étude détaille plusieurs VSC qui n’ont jamais été identifiées auparavant dans la nature. L’analyse de certaines souches de cannabis particulièrement odorantes a révélé des liens directs entre des concentrations plus élevées de VSC et des odeurs de « mouffette ».
Selon l’un des coauteurs de l’étude, Josh Del Rosso :
Cela fait des années que je soupçonne qu’il nous manque quelque chose dans notre compréhension de cette plante. Bien que les terpènes aient été désignés comme la principale source de l’odeur piquante du cannabis, nous savons maintenant que c’est cette nouvelle classe de VSC.
L’une des conclusions intéressantes de l’étude est la similitude chimique entre les composés sulfurés volatils (VSC) du cannabis récemment découverts et certains de ceux que l’on trouve dans l’ail. De précédentes recherches ont établi un lien entre certains avantages pour la santé observés dans l’ail et ces VSC spécifiques. Il est donc intéressant d’émettre l’hypothèse que ces VSC de cannabis nouvellement découvertes pourraient avoir des avantages médicinaux.
A partir de l’étude : un aperçu des similitudes moléculaires entre ces composés du cannabis récemment découverts et ceux présents dans l’ail. (Iain W. H. Oswald et col./ ACS Omega)
Toujours selon Del Rosso :
J’espère que nos résultats serviront de tremplin pour aider d’autres chercheurs à déterminer si ces composés confèrent au cannabis des propriétés médicinales encore plus nombreuses que nous ne l’avions imaginé.
La recherche a démontré que, bien que ces VSC soient très volatiles, ils peuvent rester très présents dans certains extraits s’ils sont traités correctement. Et l’analyse de certains extraits de cannabis a révélé que les composés sulfurés volatils peuvent encore être trouvés dans ces formulations à des concentrations diverses.
Un autre aspect de l’étude a permis de mesurer les concentrations de VSC tout au long du cycle de croissance de la plante et après la récolte. Les niveaux les plus élevés de VSC ont été détectés à la fin du cycle de croissance de la plante, ils ont rapidement commencé à baisser lorsque la plante séchée a été stockée.
L’étude cumulée offre des preuves solides des origines chimiques de l’odeur forte et unique du cannabis. Elle indique également de nouvelles pistes de recherche convaincantes sur les avantages médicinaux possibles de ces composés nouvellement découverts.
L’étude publiée dans ACS Omega : Identification of a New Family of Prenylated Volatile Sulfur Compounds in Cannabis Revealed by Comprehensive Two-Dimensional Gas Chromatography et présentée sur le site de la société ABSTRAX : ABSTRAX Pins the Exact Origin of Cannabis’ Distinctive Skunk-Like Aroma in Scientific Peer-Reviewed Study.