Les bourdons hébergent dans leur estomac des bactéries améliorant la mémoire
Une nouvelle et solide recherche publiée cette semaine (lien plus bas) démontre comment une espèce particulière de bactéries intestinales peut améliorer la mémoire à long terme chez les bourdons. L’étude a révélé qu’un métabolite bactérien pouvait améliorer la fonction cognitive des abeilles, offrant ainsi un aperçu convaincant de la relation entre le microbiome et le cerveau.
Les bourdons, comme les humains, hébergent des populations complexes de bactéries dans leur intestin. Et tout comme nous, ces populations bactériennes influencent leur santé globale. Toutefois, le microbiome intestinal de l’abeille est beaucoup plus petit et moins complexe que celui de l’humain, ce qui en fait un modèle utile pour étudier comment des bactéries spécifiques peuvent influencer la santé et le comportement.
Selon les chercheurs dans la nouvelle étude :
L’intestin postérieur des bourdons (iléon et rectum) présente la plus grande abondance de bactéries et il est dominé par cinq clades d’espèces bactériennes centrales (phylotypes Snodgrassella alvi, Gilliamella apicola, Lactobacillus Firm-4, Lactobacillus Firm-5 et des espèces de bifidobactéries). Chaque espèce bactérienne au sein de ce groupe central est considérée comme symbiotique et possède des fonctions métaboliques distinctes liées aux interactions mutualistes avec l’hôte, ainsi qu’à la formation de biofilms et à la dégradation des glucides.
Les chercheurs ont d’abord entrepris de mesurer les performances individuelles de mémoire chez un certain nombre de bourdons. Pour ce faire, ils ont mis au point un test de mémoire dans lequel des bourdons étaient lâchés dans un environnement clos contenant 10 fleurs artificielles de couleurs différentes. Cinq des couleurs signalaient des fleurs contenant une solution sucrée et les cinq autres couleurs étaient liées à une solution amère.
Les bourdons ont été entraînés à distinguer les fleurs sucrées des fleurs amères au cours de cinq courts déplacements pour butiner. Elles ont ensuite été confinées dans leur nid pendant 3 jours avant d’être relâchées. Leurs mouvements ont été suivis pour mesurer leur capacité à se souvenir des fleurs sucrées et des fleurs indésirables.
Image tirée de l’étude : a Configuration de l’arène de butinage avec des fleurs artificielles utilisées pour l’apprentissage des 10 couleurs. b Procédures de formation. Carrés gris : puces transparentes. Carrés colorés : puces colorées. (Li Li et col./ Nature Communications)
Les chercheurs ont ensuite échantillonné le microbiome intestinal des insectes afin de déterminer toute corrélation entre certaines espèces de bactéries intestinales et de meilleures performances de mémoire. Une espèce, connue sous le nom de Lactobacillus apis, s’est rapidement distinguée. Les bourdons ayant une plus grande quantité de cette bactérie dans leur intestin ont obtenu de bien meilleurs résultats au test de mémoire.
Pour déterminer si cette relation entre les bactéries et la mémoire était causale, les chercheurs ont nourri des groupes d’abeilles avec différentes bactéries. Un groupe a reçu des Lactobacillus apis, et deux autres groupes ont reçu des espèces communes de bactéries intestinales non liées à la cognition. Les bourdons qui ont consommé les suppléments de Lactobacillus apis ont présenté des améliorations significatives des performances de mémoire par rapport aux autres groupes.
Selon l’auteur principal de l’étude, Li Li :
Nos résultats suggèrent non seulement que la variation naturelle de la quantité d’une bactérie intestinale spécifique a un effet sur la mémoire, mais ils montrent également un lien de cause à effet : l’ajout de la même espèce bactérienne au régime alimentaire des abeilles peut améliorer leur mémoire.
Comment les bactéries peuvent-elles influencer la mémoire des abeilles ?
Les chercheurs ont découvert que les Lactobacillus apis joue un rôle dans une voie métabolique médiée par un groupe de molécules appelées glycérophospholipides. Plus cette bactérie particulière est présente dans l’intestin de l’abeille, plus on détecte de glycérophospholipides en circulation. Et lorsque les chercheurs ont administré directement aux bourdons un type particulier de glycérophospholipides, ils ont constaté le même niveau d’amélioration de la mémoire que celui observé lorsque les bourdons étaient nourris avec des Lactobacillus apis.
Chez l’humain, les glycérophospholipides sont un élément important de la santé des membranes neuronales. La supplémentation en glycérophospholipides chez l’humain a été proposée comme un moyen possible de maintenir l’intégrité structurelle cérébrale à mesure que nous vieillissons.
Selon les chercheurs dans leur étude :
On a constaté que la supplémentation en glycérophospholipides améliorait la fonction cognitive, réduisait les facteurs liés au déclin cognitif et était bénéfique pour la structure cérébrale chez l’homme, le rat et la souris. La dégradation des glycérophospholipides peut également produire des seconds messagers tels que le diacylglycérol et l’acide arachidonique, qui sont importants pour la plasticité synaptique et la cognition.
Les chercheurs émettent des hypothèses intéressantes sur les origines évolutives de cette amélioration de la mémoire par les bactéries chez les bourdons. Ils suggèrent que la bactérie pourrait augmenter sa propre forme physique en favorisant les capacités cognitives de son hôte, spéculant que :
Les bourdons ouvriers dotés de meilleures capacités cognitives devraient survivre plus longtemps et rapporter plus de nourriture à la colonie, augmentant ainsi le nombre de bactéries déposées dans le nid et aux compagnons de nidification. En conséquence, les bactéries ont alors plus de chances d’être prises en charge par les reines vierges dans les étapes ultérieures de la vie de la colonie, et augmentent leurs chances d’être transmises à la prochaine génération de bourdons.
La nouvelle étude offre en définitive l’une des descriptions les plus approfondies de la relation entre l’intestin et le cerveau, qui renforce la mémoire dans un organisme, publiées à ce jour. L’auteur correspondant de l’étude, Wei Zhao, indique également que les résultats pourraient être applicables aux humains :
Il est étonnant de découvrir les espèces bactériennes spécifiques qui améliorent la mémoire. Les résultats valident davantage notre conviction que nous pouvons améliorer nos capacités cognitives via la régulation du microbiote intestinal.
L’étude publiée dans Nature Communications : Gut microbiome drives individual memory variation in bumblebees et présentée sur le site de la Queen Mary University of London : Scientists discover gut bacteria that improve memory in bees.