Des "tornades quantiques" marquent la transition entre la physique classique et la physique quantique
L‘univers est régi par deux ensembles de lois physiques apparemment incompatibles : la physique classique à laquelle nous sommes habitués à notre échelle et le monde effrayant de la physique quantique à l’échelle atomique. Les physiciens du Massachusetts Institute of Technology (MIT/ Etats-Unis) ont observé le moment où les atomes passent de l’une à l’autre, en formant d’intrigantes « tornades quantiques » (quantum tornadoes).
Image d’entête : tout comme les phénomènes météorologiques sur Terre, la rotation d’un fluide de particules quantiques a conduit à la formation de « cristaux quantiques » tourbillonnants. (MIT)
Des choses qui semblent impossibles à notre perception quotidienne du monde sont parfaitement possibles en physique quantique. Les particules peuvent, par exemple, exister à plusieurs endroits à la fois, traverser des obstacles ou partager instantanément des informations sur de grandes distances.
Ces phénomènes étranges, et bien d’autres, peuvent apparaître lorsque les particules interagissent entre elles, mais, malheureusement, le monde dominant de la physique classique peut interférer et rendre difficile l’étude de ces fragiles interactions. L’un des moyens d’amplifier les effets quantiques consiste à refroidir les atomes jusqu’à une fraction au-dessus du zéro absolu, créant ainsi un état de la matière appelé condensat de Bose-Einstein qui peut présenter des propriétés quantiques à une échelle plus grande et visible.
C’est ce qu’a fait l’équipe du MIT pour la nouvelle étude, afin d’étudier ce que l’on appelle un fluide de Hall quantique (quantum Hall fluid). Cet étrange type de matière est constitué de nuages d’électrons piégés dans des champs magnétiques, qui commencent à interagir entre eux de manière inhabituelle pour produire des effets quantiques. Au lieu d’électrons, qui sont trop difficiles à voir clairement dans ce système, les chercheurs ont fabriqué un condensat de Bose-Einstein à partir d’environ un million d’atomes de sodium ultrafroids.
Selon Martin Zwierlein, auteur correspondant de l’étude :
Nous nous sommes dit : faisons en sorte que ces atomes froids se comportent comme des électrons dans un champ magnétique, mais que nous puissions contrôler précisément. Nous pourrons alors visualiser ce que font les atomes individuellement, et voir s’ils obéissent à la même physique quantique.
L’équipe a placé ce nuage d’atomes dans un piège électromagnétique, puis les a fait tourner à 100 rotations par seconde. Le nuage s’est étiré en une longue aiguille de plus en plus fine, et c’est à ce moment-là que les atomes ont adopté un comportement quantique.
La structure de l’aiguille a d’abord commencé à se plier d’avant en arrière comme un serpent en mouvement, puis elle s’est brisée en segments. Toujours en rotation, ces segments ont formé un étrange motif cristallin que l’équipe a décrit comme une série de tornades quantiques. Ce comportement est entièrement régi par les interactions entre les atomes et pourrait avoir des implications fascinantes pour la mécanique quantique et classique.
Toujours selon Zwierlein :
Cette évolution est liée à l’idée de la façon dont un papillon en Chine peut engendrer une tempête ici, en raison des instabilités qui déclenchent des turbulences. Ici, nous avons une météo quantique : le fluide, du seul fait de ses instabilités quantiques, se fragmente en cette structure cristalline de petits nuages et tourbillons. Et c’est une percée que de pouvoir observer directement ces effets quantiques.
L’étude publiée dans Nature : Crystallization of bosonic quantum Hall states in a rotating quantum gas et présentée sur le site du Massachusetts Institute of Technology : Physicists watch as ultracold atoms form a crystal of quantum tornadoes.