La mer Méditerranée est envahie par des plastiques venus d’ailleurs
Selon une nouvelle étude, presque tous les pays de la mer Méditerranée comptent au moins une aire marine protégée (AMP) dans laquelle plus de la moitié des macroplastiques proviennent d’un autre pays. Ces résultats montrent que la pollution plastique est un problème international et que nous avons besoin d’une collaboration internationale pour y remédier, affirment les chercheurs.
Image d’entête : pollution plastique le long du littoral méditerranéen. (Boris Horvat / AFP)
Lentement mais sûrement, la pollution plastique est devenue l’un des principaux problèmes environnementaux de notre époque, comparable à la crise climatique et à la surpêche. Alors que la plupart des recherches récentes se sont concentrées sur les microplastiques, cette nouvelle étude s’est intéressée à la manière dont les macroplastiques (morceaux de plastique de plus de 5 millimètres) affectent l’écosystème marin, car les organismes ingèrent ou s’empêtrent dans les déchets plastiques, avec des conséquences souvent dramatiques.
Les morceaux de plastique (surtout les petits) peuvent parcourir de très longues distances et finir loin de leur source d’origine. Ils arrivent sans être vus à de multiples sources, souvent éloignées, menaçant ainsi la faune et la flore et leurs habitats dans les zones marines. De précédentes études menées dans l’Arctique, le Pacifique et l’Atlantique ont montré que les AMP sont très affectées par la pollution plastique.
Dans la nouvelle étude, un groupe de chercheurs de Grèce, d’Italie et d’Australie s’est concentré sur la mer Méditerranée, l’une des régions les plus polluées au monde, qui se trouve également être un important point chaud de biodiversité. Elle est partagée par de nombreux pays d’Europe, d’Afrique et d’Asie, ce qui entraîne de grandes différences en termes de gouvernance, de politique et de culture, et rend difficile la mise en œuvre d’une réglementation commune des écosystèmes marins.
A partir de la recherche, les zones d’étude : aires marines protégées nationales (AMP nationales, orange), sites Natura 2000 (magenta) et habitats critiques pour les cétacés (HCC, jaune). (Yannis Hatzonikolakis et col./ Frontiers)
Selon un rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) datant de 2020, environ 229 000 tonnes de plastique se déversent chaque année dans la mer Méditerranée, soit l’équivalent de 500 conteneurs de transport maritime. Grosso modo, cela revient à déverser un conteneur et demi de plastique directement dans la mer. L’Égypte, l’Italie et la Turquie ont été identifiées comme les pays présentant les ”taux de fuite” de plastique les plus élevés dans la Méditerranée, principalement en raison de la mauvaise gestion des déchets et des grandes villes côtières.
Selon le Dr Yannis Hatzonikolkis, auteur principal de l’étude :
Notre étude montre que des sites spécifiques, importants pour la conservation de la biodiversité, concentrent des quantités élevées de plastique. « Bien que les aires marines protégées soient préservées par des restrictions contre d’autres menaces comme le tourisme, le plastique agit comme un ennemi « invisible ».
Les chercheurs ont réalisé une simulation sur trois ans (de 2016 à 2018) de la distribution des particules de plastique dans la mer Méditerranée. Ils ont utilisé un modèle de dérive des particules qui prend en compte les principaux processus de dispersion tels que les vents et les courants, en intégrant trois sources terrestres de particules de plastique : les rejets d’eaux usées, les rivières et les villes.
Les résultats montrent que les zones côtières sont les plus touchées, tant par les macroplastiques que par les microplastiques (morceaux de plastique de moins de 8 millimètres). Les AMP étant généralement plus proches des zones côtières, celles-ci ont accumulé davantage de déchets plastiques que les sites situés dans les eaux du large. La plupart des plastiques proviennent de sources terrestres, ce qui signifie que le problème doit être traité à la source.
La concentration moyenne de macroplastiques dans les eaux côtières était supérieure à 5 kilogrammes par kilomètre carré, tandis que les eaux du large en contenaient plus de 1,5 kg. Parallèlement, la concentration moyenne de microplastiques dans les eaux côtières était supérieure à 1,5 million de particules par kilomètre carré, et de 0,5 million de particules dans les eaux du large.
A partir de l’étude : distribution moyenne des micro (en haut) et macroplastiques (en bas) lors d’une série de modèles 2016-2018. La concentration de microplastiques (<5 mm) est la somme des six classes de taille de microplastiques considérées dans cette étude (50, 200, 350, 1 000, 2 000 μm). La concentration de macroplastiques (>5 mm) est la somme des cinq classes de taille/type considérées (0,5-2 cm, 2-20 cm, bouteilles sacs et mousse>20 cm). (Yannis Hatzonikolakis et col./ Frontiers)
Pour les chercheurs, qui suggèrent l’utilisation d’une installation de barrières flottantes et d’un dispositif de préfiltrage :
Le moyen le plus efficace de réduire la pollution plastique dans les zones protégées est de réduire les déchets marins à la source. Un plan de gestion incluant la réduction des déchets à la source peut parfois être mis en œuvre avec succès au niveau local.
L’étude publiée dans le journal Frontiers : Quantifying Transboundary Plastic Pollution in Marine Protected Areas Across the Mediterranean Sea.
