Des bactériophages viennent à bout de l’infection résistante aux antibiotiques d’un patient au bout de 798 jours
Les bactéries résistantes aux antibiotiques constituent une menace très préoccupante et grandissante. Des chercheurs de l’hôpital Erasmus, en Belgique, s’efforcent de recruter des virus dans notre lutte contre elles.
Image d’entête : représentation de bactériophages attaquant une bactérie. (SCi/ AP)
Les chercheurs rapportent avoir soigné une femme adulte infectée par des bactéries résistantes aux médicaments, en utilisant une combinaison d’antibiotiques et de bactériophages (virus tueurs de bactéries). Ces expériences sont le fruit de plusieurs décennies de recherche sur l’utilisation des bactériophages chez l’humain. Les résultats sont encourageants et pourraient ouvrir la voie à un rôle bien établi de ces virus dans le traitement des bactéries résistantes aux médicaments.
La patiente avait été gravement blessée par la détonation d’une bombe lors des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles. Elle a souffert de multiples blessures, dont une à la jambe, qui l’a endommagée jusqu’à l’os. Après une intervention chirurgicale visant à retirer une partie des tissus, elle a développé une infection bactérienne à la jambe. La bactérie responsable était Klebsiella pneumoniae, connue pour être résistante aux antibiotiques. Elle crée également des biofilms qui isolent physiquement les zones touchées des antibiotiques.
Les médecins ont tenté d’éliminer les infections, sans succès, pendant plusieurs années. N’ayant pas d’autre choix, l’équipe médicale a suggéré une thérapie par bactériophages, qu’elle a réalisée avec l’aide de chercheurs de l’Institut George Eliava de Tbilissi.
La thérapie par bactériophages n’est pas utilisée en médecine aujourd’hui, car la sécurité de l’utilisation de tels virus pour traiter des êtres humains dont le système immunitaire est déjà affaibli suscite toujours des inquiétudes, et de nombreuses inconnues subsistent quant au moment et à la manière de les utiliser au mieux.
Les cliniciens à l’origine de l’étude de cas (lien plus bas) de ce patient expliquent que la plupart des traitements à base de phages développés par les pays occidentaux sont des « cocktails » généralisés qui ne tiennent pas compte de la bataille évolutive entre les bactéries et les phages qui les rend souvent si spécifiques les uns des autres. Ils ajoutent :
Dans des essais contrôlés randomisés récents, ces cocktails de phages statiques ont donné des résultats décevants, qui contrastent avec ceux d’un nombre croissant d’études de cas utilisant des phages comme thérapie d’appoint, ou des phages préadaptés (ou même fabriqués) qui sont plus efficaces contre les bactéries infectantes.
Pour utiliser un bactériophage dans ce rôle, il faut en trouver un qui s’attaque à la souche exacte de la bactérie responsable de l’infection. Les chercheurs ont effectué des recherches et des tests approfondis et ils ont fini par trouver un virus approprié dans un échantillon d’eau d’égout. Celui-ci a ensuite été isolé et cultivé en laboratoire, puis mélangé à une solution liquide et appliqué directement sur le site de l’infection. Dans le même temps, le patient a été soumis à un régime antibactérien lourd.
Bien qu’il ait fallu trois années de traitement, le patient est aujourd’hui débarrassé de l’infection et peut à nouveau marcher.
L’équipe note que ses résultats montrent que de telles approches peuvent être des options de traitement efficaces lorsque d’autres voies échouent. Cependant, ils expliquent également qu’une meilleure façon de trouver les bactériophages appropriés doit être développée avant que ces interventions ne deviennent viables dans un sens pratique. Il faut tout simplement trop de temps et d’efforts pour effectuer cette recherche de la même manière que l’équipe l’a fait ici pour que les hôpitaux puissent de manière réaliste le faire pour plusieurs patients. Il n’y a actuellement aucune garantie qu’un virus approprié sera trouvé même si une telle recherche est effectuée.
L’étude publiée dans Nature Communications : Combination of pre-adapted bacteriophage therapy and antibiotics for treatment of fracture-related infection due to pandrug-resistant Klebsiella pneumoniae.