Intéroception : tout comme les humains, les singes peuvent percevoir les battements de leur propre cœur
Dans une nouvelle étude, des chercheurs ont découvert une nouvelle similitude avec les singes, en particulier les macaques rhésus, et les humains : la capacité de sentir l’état interne de leur corps en percevant les battements de leur cœur.
L’étude peut donc conduire à un nouveau modèle animal permettant de mieux comprendre les troubles mentaux tels que l’anxiété et la dépression.
En outre, l’étude conduit au développement d’un modèle animal, unique en son genre, d’intéroception, la capacité de percevoir l’état interne du corps, comme la perception de la respiration ou des joues qui rougissent.
Selon Elizabeth Bliss-Moreau, coauteure de l’étude à l’université de Californie à Davis (Etats-Unis), cette capacité d’autocontrôle des systèmes physiologiques, est présente dans tous les aspects de la vie humaine.
L’intéroception peut indiquer des problèmes qui nécessitent une attention particulière, et sa détérioration est associée à une moindre capacité à contrôler les émotions et à une vulnérabilité accrue aux maladies mentales telles que l’anxiété.
Les chercheurs de l’étude ont déclaré que ces résultats pourraient déboucher sur de nouvelles façons d’examiner les dysfonctionnements psychiatriques et neuropsychiatriques tels que la dépression, l’anxiété et la maladie d’Alzheimer.
Dans le cadre de la recherche (lien plus bas), les scientifiques ont suivi quatre singes rhésus assis devant un système de suivi oculaire infrarouge présentant des stimuli qui rebondissaient sur un écran et produisaient un son de manière synchrone ou asynchrone, ou plus rapide ou plus lente, avec les battements de cœur des singes.
A partir de l’étude : le dispositif expérimental. Les singes étaient maintenus dans un fauteuil pour primates non humains, devant un traceur oculaire à infrarouge, tout en regardant des tests alternés, synchronisés ou non avec leur rythme cardiaque (détecté par un électrocardiogramme à quatre dérivations sur leur poitrine). Les stimuli étaient présentés soit du côté gauche, soit du côté droit de l’écran, après un intervalle dynamique entre les essais consistant en une fixation centrale, une fixation latérale et une récompense en jus. (Charbonneau et col./ Proceedings of the National Academy of Sciences)
L’expérience a fonctionné parce que les bébés humains et les singes regardent plus longtemps les choses qu’ils trouvent inattendues ou surprenantes.
Les chercheurs ont découvert que les quatre singes passaient beaucoup de temps à chercher les stimuli présentés en décalage avec leurs battements de cœur par rapport aux stimuli synchronisés avec ceux-ci.
Cela signifie que les singes ont perçu les stimuli non synchronisés comme perturbants en fonction du rythme attendu de leurs battements cardiaques. Le résultat est cohérent avec de précédentes données concernant des bébés humains.
Selon les chercheurs, la mesure dans laquelle les quatre singes ont accordé une plus grande attention aux stimuli « désynchronisés » qu’aux stimuli synchronisés était très proche de la différence observée chez les bébés humains. Ces résultats indiquent que les singes ont un sens naturel des battements de leur cœur.
Toujours selon les chercheurs, les singes rhésus ont un sens intéroceptif semblable à celui des humains, qui a été découvert comme étant la clé des rencontres affectives humaines, du sens du soi et même de la conscience. L’intéroception est essentielle au contrôle des émotions et à la santé mentale chez les adultes, et pourtant on sait très peu de choses sur la façon dont elle se développe dans la petite enfance ou sur la façon dont elle est apparue au cours de l’évolution.
Dans de futures études, les chercheurs espèrent déterminer si certains singes sont meilleurs que d’autres lorsqu’il s’agit de détecter les battements de leur cœur et si la variation de cette capacité chez les primates se traduit par d’autres caractéristiques psychologiques.
Étant donné que les singes ont une durée de vie plus courte que les humains, les chercheurs espèrent étudier plus avant, à l’aide d’un modèle animal, comment l’intéroception se développe, quelles caractéristiques environnementales la façonnent et quels systèmes neuronaux la sous-tendent, en suivant les animaux tout au long de leur vie.
Pour la Dr Bliss-Moreau, si l’intéroception peut être mesurée, elle peut être suivie comme un biomarqueur comportemental de la progression d’une maladie.
L’étude publiée dans The Proceedings of the National Academy of Sciences : Rhesus monkeys have an interoceptive sense of their beating hearts et présentée sur le site de l’Université de Californie à Davis : Rhesus Monkeys Can Perceive Their Own Heartbeat.