L’anatomie de l’oreille interne révèle que les animaux à sang chaud ont évolué il y a 233 millions d’années
Une étude portant sur l’oreille interne des ancêtres des mammifères pourrait permettre de déterminer à quel moment ils ont évolué pour acquérir le sang chaud.
Image d’entête : un mammaliamorphe expirant de l’air chaud par une nuit glaciale, ce qui laisse supposer une endothermie (sang chaud). (Luzia Soares)
Pourquoi les reptiles ont-ils le sang froid et les mammifères le sang chaud ? Et quand ces caractéristiques sont-elles apparues ? Les ectothermes, qui comprennent les amphibiens, les reptiles, la plupart des poissons et les invertébrés, dépendent de sources de chaleur externes pour réguler leur température corporelle interne, tandis que les endothermes (principalement les oiseaux et les mammifères, bien que certains poissons aient cette capacité) ont des processus biologiques qui leur fournissent de la chaleur et régulent leur température corporelle.
La date exacte de l’évolution des mammifères vers la production de chaleur interne et la régulation de la température corporelle est « l’un des grands mystères de la paléontologie », selon Kenneth Angielczyk, paléobiologiste au Field Museum de Chicago (États-Unis), et l’un des auteurs d’une nouvelle étude qui explique comment les fossiles de la structure de l’oreille interne des ancêtres des mammifères pourraient fournir un indice déterminant.
Il n’y a peut-être pas de lien évident entre le sang chaud et la structure de l’oreille interne, mais selon Angielczyk :
Les canaux de notre oreille interne sont des capteurs qui donnent au cerveau des informations sur la position et les mouvements de la tête. Ils fonctionnent grâce à un fluide (endolymphe) qui s’agite lorsque nous bougeons la tête, ce qui est détecté par les cellules des canaux et l’information est transmise au cerveau pour être interprétée.
Les températures plus chaudes rendent le liquide endolymphatique plus fluide, ou moins visqueux. (Un fluide très visqueux est épais et ne s’écoule pas bien). Chez les mammifères modernes, les conduits auditifs sont plus petits et plus ronds, ce qui favorise la circulation de ce fluide moins visqueux. En revanche, les conduits auditifs des animaux à sang froid sont semi-circulaires et plus grands, ce qui convient mieux à un liquide endolymphatique moins liquide et plus visqueux.
Différences de taille entre l’oreille interne (en rouge) des mammaliamorphes à sang chaud (à gauche) et celle des ancêtres à sang froid (à droite). Les oreilles internes sont comparées pour des animaux de taille similaire. (Romain David et Ricardo Araújo/ Université du Witwatersrand)
Dans les archives fossiles, on constate une évolution soudaine (en termes géologiques) des conduits auditifs des animaux du groupe des mammaliaformes. Selon Angielczyk, il n’y aurait « aucun avantage évolutif pour les changements de taille et de forme des canaux s’il n’y avait pas de changements dans la température corporelle et la viscosité de l’endolymphe ».
Toujours selon Angielczyk :
Le groupe des mammaliamorphes comprend les mammifères, ainsi que certains parents éteints assez proches qui ne font pas partie des mammifères proprement dits, et il semble que les canaux de type mammalien (suggérant une endothermie) apparaissent assez brusquement à la fin du Trias, avec une augmentation indiquée de la température corporelle des échantillons de mammifères comprise entre 5°C et 9°C.
La période du Trias supérieur est caractérisée par une instabilité climatique et une période de changements environnementaux globaux, incluant des événements d’extinction et un réchauffement climatique. Bien que cette période marque l’extinction d’un certain nombre d’espèces, elle a également entraîné une diversification de la vie végétale et animale sur terre et dans les océans, y compris le développement de nombreux traits caractéristiques des mammifères actuels.
L’oreille interne osseuse d’un singe écureuil (en bleu) et les tissus mous qui la composent (en rouge). Les relations entre les structures osseuses et les tissus mous ont été étudiées pour déduire comment l’animal régulait sa température corporelle. (Romain David/ Université du Witwatersrand)
Contrairement à d’autres recherches dans ce domaine, comme les études sur la structure des tissus osseux et les ratios d’isotopes radioactifs, Angielczyk affirme que la forme et la taille des canaux auditifs constituent un indicateur assez direct de l’évolution de la température corporelle chez les mammifères, plutôt que des substituts ou des indicateurs indirects.
L’équipe de recherche prévoit d’élargir l’échantillon afin de mieux cerner le moment exact de la transition.
L’étude publiée dans Nature : Inner ear biomechanics reveals a Late Triassic origin for mammalian endothermy et présentée sur le site de l’Université du Witwatersrand : Mammals were not the first to be warm-blooded.