Une découverte accidentelle montre que les rares galaxies en forme de X pourraient se former plus simplement qu’on ne le pensait
Les galaxies ne sont pas seulement des spirales. Il existe des galaxies elliptiques ainsi que de rares galaxies en forme de X, ou ailées.
Cette semaine, une nouvelle modélisation en 3D donne un aperçu de la formation de ces objets astronomiques en forme de X, mais cela a failli ne pas se produire.
Image d’entête, à partir de l’étude : le rendu volumétrique d’une galaxie en forme de X simulée dans cette étude. (Aretaios Lalakos et col./ Astrophysical Journal Letters)
Lorsque les astronomes observent l’univers à l’aide de radiotélescopes, ils peuvent voir les deux jets relativistes de rayonnement qui s’échappent de part et d’autre des trous noirs supermassifs des galaxies elliptiques.
Mais occasionnellement, moins de 10 % du temps, les astronomes peuvent repérer les rares radiogalaxies en forme de X avec non pas deux, mais quatre jets de rayonnement s’étendant dans l’espace.
Ci-dessous, un exemple avec la radiogalaxie géante en X, PKS 2014-55, dont la formation a été décrite dans une précédente étude présentée par votre Guru ici.
(UP/ NRAO/ AUI/ NSF/ SARAO/ DES)
Ces mystérieux objets ont laissé les astronomes perplexes pendant des décennies.
Une nouvelle étude de l’université Northwestern aux États-Unis montre que leur formation pourrait être étonnamment simple. L’étude est la première à utiliser une simulation d’accrétion de galaxie à grande échelle pour suivre le mouvement du gaz s’étendant loin du trou noir supermassif.
Les astrophysiciens de Northwestern ont découvert qu’il suffisait de remplir des conditions simples pour « alimenter » leur trou noir supermassif afin de former les quatre jets observés dans les galaxies en forme de X.
Les chercheurs ont montré que la forme en X caractéristique résulte de l’interaction entre les jets du trou noir et le gaz tombant dans celui-ci. Au début de la simulation, les jets qui viennent de se former sont déviés par le gaz qui tombe dans le trou noir, ce qui a pour effet d’activer et de désactiver les radiations.
Toutefois, les jets finissent par vaincre le gaz et par se propulser le long d’un seul axe.
Comme pour l’image d’entête, le rendu volumique tridimensionnel de la densité illustre le développement naturel de la morphologie des jets en forme de X. L’afflux de gaz forme un flux d’accrétion (rouge vif) au sein duquel on assiste à la formation d’un disque d’accrétion (jaune) qui alimente le trou noir, lequel lance une paire de jets relativistes (bleu clair), qui se propagent verticalement et choquent le gaz ambiant (rouge foncé). Les anciennes cavités (bleu foncé), qui ont été gonflées par de précédents jets mal alignés, s’élèvent en flottant à un angle par rapport aux jets se propageant verticalement et forment la morphologie en X des jets. (Aretaios Lalakos/ Northwestern University)
Selon Aretaios Lalakos, responsable de l’étude et étudiant diplômé à l’université Northwestern :
Nous avons constaté que même avec des conditions initiales symétriques simples, le résultat peut être assez désordonné. Une explication populaire des radiogalaxies en forme de X est que deux galaxies entrent en collision, provoquant la fusion de leurs trous noirs supermassifs, ce qui change le spin du trou noir résiduel et la direction du jet.
Une autre idée est que la forme du jet est modifiée lorsqu’il interagit avec de grandes quantités de gaz enveloppant un trou noir supermassif isolé. Maintenant, nous avons révélé, pour la première fois, que les radiogalaxies en forme de X peuvent, en fait, être formées d’une manière beaucoup plus simple.
Lalakos n’avait pas l’intention de simuler une galaxie en forme de X. Son objectif était de déterminer la quantité de radiogalaxies qui se forment. Son objectif était de mesurer la quantité de masse attirée dans un trou noir à l’aide de données simples. Si Lalakos n’a pas vu au départ l’importance de la forme en X créée par sa simulation, son superviseur et coauteur de l’article, le professeur adjoint Sasha Tchekhovskoy, a réagi à cette découverte avec beaucoup d’enthousiasme :
C’est très important ! C’est une forme en X ! Il m’a dit que les astronomes avaient observé cela dans la vie réelle et ne savaient pas comment ils se formaient. Nous l’avons créé d’une manière que personne n’avait encore imaginée.
Là où les précédentes simulations avaient échoué, le modèle de Lalakos a créé organiquement la forme en X emblématique.
Selon Lalakos :
Dans ma simulation, j’ai essayé de ne rien supposer. Habituellement, les chercheurs placent un trou noir au milieu d’une grille de simulation et placent un grand disque gazeux déjà formé autour, puis ils peuvent ajouter du gaz ambiant à l’extérieur du disque. Dans cette étude, la simulation commence sans disque, mais un disque se forme rapidement lorsque le gaz en rotation se rapproche du trou noir. Ce disque alimente alors le trou noir et crée des jets. J’ai fait les hypothèses les plus simples possibles, si bien que le résultat fut une surprise. C’est la première fois que quelqu’un voit une morphologie en forme de X dans des simulations à partir de conditions initiales très simples.
Comme la forme en X n’est apparue qu’au début de la simulation, Lalakos pense que ces galaxies rares pourraient en fait être plus courantes dans l’univers, mais qu’elles ne survivent que peu de temps.
Toujours selon Lalakos :
Elles pourraient apparaître chaque fois que le trou noir reçoit de nouveaux gaz et recommence à manger. Il se peut donc qu’elles soient fréquentes, mais que nous n’ayons pas la chance de les voir, car elles ne survivent que tant que la puissance du jet est trop faible pour repousser le gaz.
Lalakos prévoit de réaliser d’autres simulations pour mieux comprendre la formation des galaxies en forme de X. Dans d’autres simulations, de très petits disques d’accrétion et des disques d’accrétion extrêmement grands n’ont pas conduit à la forme insaisissable du X.
Pour la majeure partie de l’univers, il est impossible de faire un zoom au centre et de voir ce qui se passe très près d’un trou noir. Dans la plupart des cas, nous nous appuyons sur des simulations pour comprendre ce qui se passe.
L’étude publiée dans Astrophysical Journal Letters : Bridging the Bondi and Event Horizon Scales: 3D GRMHD Simulations Reveal X-shaped Radio Galaxy Morphology et^présentée sur le site de l’université Northwestern : X-shaped radio galaxies might form more simply than expected.