Un étrange ADN "Borg" pourrait avoir assimilé des microbes pendant des milliards d’années
Il semble que toute résistance soit futile, du moins lorsqu’il s’agit de microbes capturés et assimilés dans d’autres organismes par des transports génétiques, désormais surnommés « Borgs », d’après de célèbres méchants de Star Trek.
Les Borgs sont une espèce fictive qui terrorise les écrans de télévision depuis la fin des années 80. Dans les séries Star Trek, ils conquièrent et intègrent à leur propre compte la « spécificité biologique » des adversaires vaincus.
Image d’entête : Illustration numérique inspirée par les archées mangeuses de méthane et les Borgs qui les assimilent (Jenny Nuss/ Berkeley Lab)
Ces propriétés d’assimilation ont inspiré la dénomination des « paquets » d’ADN spécialisés qui existent dans les microbes Methanopereden, de minuscules archées (un domaine de vie distinct des bactéries unicellulaires et des eucaryotes multicellulaires), qui décomposent le méthane présent dans les sols, les eaux souterraines et l’atmosphère pour alimenter leur métabolisme.
Les Borgs semblent être associés à des micro-organismes unicellulaires connus sous le nom d’archées, comme le montre cette image de microscopie électronique à balayage. (Eye of Science/ SPL/ Nature)
En étudiant la structure d’un échantillon de Methanopereden prélevé dans une zone humide californienne, le Dr Jill Banfield, originaire d’Australie, et son équipe du Lawrence Berkeley National Laboratory, aux États-Unis, ont découvert que ces microbes contenaient un nouveau type d’éléments extra-chromosomiques (ECE), qui sont des paquets d’ADN permettant le transfert de gènes entre les archées, les bactéries et les virus.
Ce processus de transfert de gènes permet aux organismes d’assimiler des caractéristiques génétiques bénéfiques qui peuvent être transmises à leur progéniture lors de la division cellulaire. C’est un phénomène courant chez les organismes unicellulaires, mais une étude plus poussée des échantillons de Methanopereden a permis de découvrir 19 nouveaux ECE, qui, selon les chercheurs, contiennent les gènes de microbes entièrement différents consommés par ces archées.
Mais c’est la façon dont ces ECE assimilent l’information génétique d’autres organismes dans leur archée hôte qui a incité l’équipe de Banfield à leur donner le nom des méchants interstellaires.
Les ECE Borg ont peut-être existé aux côtés de Methanopereden tout au long de leur existence, transportant des informations génétiques pour leur conférer des avantages compétitifs. En particulier, il semble que ces Borgs améliorent la capacité de leurs cellules hôtes à convertir le méthane en énergie, un processus appelé chimiosynthèse.
L’information génétique distincte assimilée par les Borgs code probablement pour des variantes uniques des protéines que les Methanopereden produisent habituellement dans le cadre de leur fonctionnement normal. Ces protéines variantes pourraient potentiellement conférer à la cellule des « propriétés biophysiques et biochimiques distinctes ».
Selon Banfield :
Il existe des preuves que différents types de Borgs coexistent parfois dans la même cellule hôte Methanopereden. Cela ouvre la possibilité que les Borgs puissent propager des gènes à travers les lignées.
L’équipe de recherche étudie maintenant comment les Borgs affectent les processus biologiques et géologiques, et analyse d’autres données pour voir si ces structures existent chez d’autres organismes unicellulaires.
Certains cherchent également à comprendre comment l’abondance des Borgs et d’autres mangeurs de méthane influence les changements saisonniers de gaz carbonique dans les écosystèmes.
Les chercheurs suggèrent que des spécimens modifiés et cultivés de ce microbe pourraient contribuer à lutter contre le changement climatique en absorbant les émissions de carbone, tant les propriétés de consommation de méthane du Methanopereden Borg sont grandes.
Selon le Dr Kenneth Williams, coauteur de l’étude :
Imaginez une cellule unique capable de consommer du méthane. Maintenant, vous ajoutez des éléments génétiques au sein de cette cellule qui peuvent consommer du méthane en parallèle et vous ajoutez également des éléments génétiques qui donnent à la cellule une plus grande capacité. Cela crée essentiellement une condition pour la consommation de méthane sous stéroïdes.
L’étude publiée dans Nature : Borgs are giant genetic elements with potential to expand metabolic capacity et présentée sur le site du Lawrence Berkeley National Laboratory : Methane-Eating ‘Borgs’ Have Been Assimilating Earth’s Microbes.