Des scientifiques publient une nouvelle carte précise de toute la matière de l’univers
Selon la théorie du Big Bang, tout est apparu en même temps lors d’une gigantesque explosion il y a environ 13,8 milliards d’années. En une fraction de seconde, l’univers est passé d’une densité et d’une chaleur infinies à une expansion rapide, l’explosion libérant de l’énergie et les éléments de base qui deviendront plus tard des étoiles, des galaxies et, finalement, des planètes.
Image d’entête : le télescope Blanco et des traînées d’étoiles. (Reidar Hahn, Fermilab)
Voilà l’essentiel de l’histoire de l’origine de l’univers, mais les détails sont obscurs et entourés de mystère. Mais que se passerait-il si vous disposiez d’une machine à remonter le temps jusqu’au moment exact où le Big Bang s’est produit ? Pour certains scientifiques, il ne s’agit pas d’une simple hypothétique expérience.
Plus de 150 chercheurs issus de dizaines d’universités et d’instituts de recherche de renom à travers le monde ont combiné les données de deux grands télescopes, le Dark Energy Survey et le South Pole Telescope, pour dresser la carte la plus précise à ce jour de la répartition de toute la matière connue dans l’univers. En ayant une meilleure idée de cette répartition, les scientifiques pourront mieux comprendre les forces qui ont façonné son évolution. Un jour, ces recherches pourraient être utilisées pour modéliser l’expansion de l’univers en sens inverse, jusqu’à son point d’origine.
Bien que la plupart des résultats soient conformes à la meilleure théorie actuelle de l’univers, il existe des signes de “faiblesse” dans le modèle standard existant de l’univers. L’univers actuel semble avoir un peu moins de fluctuations que ce que prévoit notre modèle, et il est moins « touffu » (regroupé dans certaines zones) que prévu. Si d’autres études confirment ces résultats, cela pourrait signifier qu’il manque quelque chose dans ces modèles.
Cartes du ciel compilées à partir des données du Dark Energy Survey (à gauche) et du South Pole Telescope (à droite). (Yuuki Omori/ Université de Chicago)
Le Dark Energy Survey (DES) est une collaboration internationale visant à cartographier des centaines de millions de galaxies, à détecter des milliers de supernovae et à trouver des modèles de structure cosmique qui révéleront la nature de la mystérieuse énergie sombre qui accélère l’expansion de l’univers. L’enquête/ relevé a fait ses premiers pas en 2012, après une décennie de planification, et elle a terminé ses observations en 2019 à l’aide d’une nouvelle caméra de 570 mégapixels installée sur le télescope Víctor M. Blanco de 4 mètres de l’Observatoire interaméricain Cerro Tololo, dans les Andes chiliennes. Auparavant, cette enquête a permis de dresser une extraordinaire carte en 3D de plus de 300 millions de galaxies et de cataloguer des milliers de supernovae, les plus puissantes explosions de l’univers, qui se produisent lorsqu’une étoile massive meurt.
Le South Pole Telescope (SPT) est un observatoire submillimétrique situé en Antarctique qui mesure le fond diffus cosmologique (CMB), le faible flux de lumière qui imprègne l’univers et qui constitue une preuve directe du Big Bang. Le SPT est situé à la station du pôle Sud d’Amundsen-Scott en Antarctique, à une altitude de 2 800 mètres (9 300 pieds). Cet emplacement élevé et sec, loin des villes, offre un ciel clair, en plus de la nuit d’hiver antarctique qui dure des mois. Ce relevé participe également à la mesure de l’expansion de l’univers.
En combinant deux méthodes très différentes pour étudier le ciel, les scientifiques ont tenté d’améliorer autant que possible la précision de leurs résultats.
Selon Chihway Chang, astrophysicien à l’université de Chicago et l’un des principaux auteurs des études :
Cela fonctionne comme une vérification croisée, de sorte que la mesure devient beaucoup plus robuste que si vous n’utilisiez que l’une ou l’autre.
En l’occurrence, l’analyse était centrée sur un phénomène connu sous le nom de « lentille gravitationnelle« , selon lequel la lumière passant à proximité d’objets à forte gravité, comme les galaxies, est légèrement courbée. Cette méthode leur a permis de capter à la fois la matière ordinaire et la matière noire, qui exercent toutes deux une gravité. En analysant les deux séries de données, les scientifiques ont pu déduire où toute la matière de l’univers s’est retrouvée, fournissant ainsi une mesure plus précise que les précédentes analyses.
Exemple de lentille gravitationnelle : une grosse planète (ou un corps massif) par sa gravitation peut aussi déformer la courbure de la lumière émise par un objet distant.
Dans l’ensemble, les relevés correspondent presque exactement à ce que prévoient nos meilleurs modèles de l’univers, à l’exception de quelques anomalies qui mettent en évidence certaines failles dans les théories des scientifiques.
Selon Eric Baxter, coauteur de l’analyse et astrophysicien à l’université d’Hawaï :
Il semble qu’il y ait un peu moins de fluctuations dans l’univers actuel, que ce que nous aurions prédit en supposant notre modèle cosmologique standard ancré dans l’univers primitif.
Toutefois, les chercheurs ajoutent que la signification statistique de leurs résultats n’est pas exactement « inattaquable », ce qui signifie qu’il peut y avoir des défauts dans leurs méthodes plutôt que dans le modèle standard lui-même. Mais si d’autres groupes de recherche parviennent indépendamment à des résultats similaires, cela pourrait justifier un retour à la légendaire planche à dessin afin de reconsidérer la façon dont nous envisageons l’évolution de l’univers.
Toujours selon Chang :
Je pense que cet exercice a montré à la fois les défis et les avantages de ce type d’analyses. Il y a beaucoup de nouvelles choses que vous pouvez faire lorsque vous combinez ces différents angles d’observation de l’univers.
Les trois études sont publiées dans la revue Physical Review D. et disponibles sur le serveur de prépublications arXiv :
… et présentées sur le site de l’Université de Chicago : Scientists release newly accurate map of all the matter in the universe.