Découverte d’une forme de glace salée qui pourrait exister à la surface de lunes de notre système solaire
Deux formes d’eau salée gelée récemment découvertes pourraient aider les scientifiques à résoudre un mystère concernant les lunes couvertes de glace du système solaire.
Image d’entête : une version retraitée de la superbe image de la lune de Jupiter, Europe, obtenue par la sonde Galileo. (NASA)
Lorsqu’ils ont été soumis à des pressions plus élevées et à des températures plus basses que celles que l’on peut trouver dans la nature sur Terre, les atomes de chlorure de sodium hydraté, plus communément appelé glace d’eau salée, se sont arrangés en structures inédites qui comportent une proportion beaucoup plus élevée de molécules d’eau que de sel.
Cela pourrait expliquer l’étrange signature chimique d’une substance à la surface d’Europe, lune de Jupiter, qui semble plus aqueuse que prévu par les scientifiques.
Selon le spécialiste de la Terre et de l’espace Baptiste Journaux, de l’Université de Washington :
Il est rare aujourd’hui d’avoir des découvertes fondamentales en science. Le sel et l’eau sont très bien connus dans les conditions terrestres. Mais au-delà de cela, nous sommes totalement dans le noir. Et maintenant, nous avons ces objets planétaires qui ont probablement des composés qui nous sont très familiers, mais dans des conditions très inhabituelles. Nous devons refaire toute la science minéralogique fondamentale que les gens faisaient dans les années 1800, mais à haute pression et basse température. C’est une période passionnante.
Le sel et l’eau, également connus sous le nom de chlorure de sodium et d’oxyde de dihydrogène, sont tous deux abondants sur notre planète. Lorsqu’elles sont combinées, les molécules de sel se dissolvent dans celles de l’eau pour créer une solution. La présence du sel abaisse le point de congélation de la solution par rapport à l’eau non salée, mais comme la température continue de baisser dans les conditions atmosphériques typiques de la Terre, elle finira par geler.
À ce moment-là, les molécules s’organisent en une structure en réseau rigide appelée hydrate. Sur Terre (en dehors du laboratoire), cette structure n’a qu’une seule configuration : une molécule de sel pour deux molécules d’eau. Sur des lunes comme Europe et Ganymède, qui tournent autour de Jupiter, et sur Encelade, la lune de Saturne, les scientifiques ont également trouvé des traces de sel et d’eau, mais dans des conditions assez différentes de celles de la Terre.
Représentation de l’océan qui se cache sous la surface d’Europe, s’infiltrant à travers certaines de ses fissures en surface. (NASA)
Exposées au quasi-vide de l’espace, loin du Soleil, les surfaces de ces mondes lointains peuvent devenir extrêmement froides. Sous leurs couches de glace se trouvent des océans qui, dans certains cas, pourraient être plus de 100 fois plus épais que les eaux les plus profondes de la Terre, ce qui donne lieu à des pressions et des températures assez extrêmes.
La lune Encelade photographiée par la sonde Cassini. (NASA/ JPL/ Caltech/ Space Science Institute)
Baptiste Journaux et ses collègues ont entrepris d’étudier l’impact du sel sur la production de glace. Ils ont comprimé une minuscule goutte d’eau salée dans une cellule à enclume de diamant dans des conditions extrêmement froides, générant des pressions jusqu’à 25 000 fois la pression atmosphérique terrestre tout en abaissant les températures à -123 °C. Ils ne s’attendaient pas à ce qui s’est passé ensuite.
Selon Baptiste Journaux :
Nous avons essayé de mesurer comment l’ajout de sel changerait la quantité de glace que nous pourrions obtenir, puisque le sel agit comme un antigel. Étonnamment, lorsque nous avons mis la pression, ce que nous avons vu, c’est que ces cristaux auxquels nous ne nous attendions pas ont commencé à se développer. Ce fut une découverte tout à fait fortuite.
Dans les conditions de leur expérience, les chercheurs ont vu apparaître deux nouveaux arrangements de molécules de sel et d’eau. L’une comportait deux molécules de sel pour 17 molécules d’eau, l’autre 13 molécules d’eau pour une molécule de sel. Ces deux arrangements sont très différents de ceux que l’on observe naturellement sur Terre, à savoir une molécule de sel et deux d’eau, et correspondent aux signatures chimiques aqueuses observées sur les lunes de glace. Elle possède la structure que les planétologues attendaient.
Schéma présentant les deux nouveaux hydrates. La structure précédemment connue est à gauche. (Baptiste Journaux/ Université de Washington)
Selon les chercheurs, le principal facteur est la pression, qui comprime les molécules et les oblige à trouver de nouveaux moyens de coexister. Mais même lorsque la pression a été relâchée, l’un des hydrates fraîchement identifiés, celui qui contient 17 molécules d’eau, est resté stable jusqu’à des températures de -50 °C. Cela suggère qu’on pourrait également le trouver ici sur Terre, peut-être sous la glace de l’Antarctique.
De futures recherches devront être entreprises pour déterminer si cette découverte peut résoudre le mystère de la lune glacée.
Selon les chercheurs :
Les spectres infrarouges de l’hydrate restent à déterminer dans des études futures, mais sa structure hyperhydratée pourrait résoudre le mystère de longue date de la phase hydrate non identifiée à la surface d’Europe et de Ganymède.
L’étude publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences : On the identification of hyperhydrated sodium chloride hydrates, stable at icy moon conditions et présentée par l’Université de Washington via Eurekalert : Newly discovered form of salty ice could exist on surface of extraterrestrial moons.