Les cicadelles pisseuses catapultent des gouttes d’urine à 40 G en utilisant leurs derrières pour économiser de l’énergie
Il est fort probable que vous n’ayez jamais pensé à la façon dont les insectes urinent, mais même si c’était le cas, vous ne les imagineriez pas utiliser des flippers en tant que fesses pour projeter des gouttes de pipi à 40 G, selon des principes physiques encore jamais rencontrés dans la nature.
GIF d’entête : deux mouches pisseuses sur une plante, urinant par gouttelettes. (Georgia Tech)
La bien nommée mouche pisseuse ou cicadelle pisseuse (Homalodisca vitripennis) est l’insecte qui remporte la palme des Golden shower… tant en termes de volume, elle urine chaque jour jusqu’à 300 fois son propre poids, que de vitesse, car elle projette les gouttes plus vite que l’œil humain ne peut le voir. Et il s’avère qu’on ne peut être la première de ce genre sans avoir recours à d’étranges manipulations de la physique.
Des cicadelles pisseuses sur un plant de basilic. (Georgia Tech)
Des scientifiques américains du Georgia Institute of Technology (Georgia Tech) ont étudié ces prolifiques urineuses en utilisant la vidéo à haute vitesse et la microscopie pour découvrir ce qui se passe exactement. L’insecte est doté d’un appendice anal que les chercheurs ont baptisé « butt flicker« . Une fois que l’insecte a secoué la rosée du nénuphar, ce lanceur recule et projette la gouttelette à grande vitesse. L’équipe a mesuré une accélération de plus de 40 G.
Selon Elio Challita, coauteur de l’étude :
Nous avons réalisé que cet insecte avait effectivement développé un ressort et un levier comme une catapulte et qu’il pouvait utiliser ces outils pour projeter des gouttelettes de pipi de manière répétée à de fortes accélérations.
Le ralenti d’une mouche pisseuse en train d’uriner et de repousser la gouttelette avec son stylet anal. (Georgia Tech)
De manière encore plus remarquable, lorsque l’équipe a mesuré la vitesse de ces expulsions anales, elle a constaté qu’elles se déplaçaient 1,4 fois plus vite que le claquement de “fesses” qui les avait déclenchées. Cela suggère que les insectes utilisent un principe physique appelé superpropulsion, qui n’avait été observé auparavant que dans des systèmes synthétiques.
Si vous avez déjà fait rebondir quelqu’un sur un trampoline et l’avez lancé bien plus haut, c’est de la superpropulsion. Dans ce cas, les mouches pisseuses font correspondre la fréquence de leurs battements de fesses à celle des gouttes de pipi pour obtenir le meilleur lancement possible.
Cela semble une façon élaborée de se soulager, mais les chercheurs ont découvert qu’il s’agit de la méthode la plus économe en énergie pour leur mode de vie. Les cicadelles ne se nourrissent que de la sève des plantes à xylème, qui ne contient pratiquement aucun nutriment, ce qui signifie qu’elles doivent boire, et uriner, pratiquement en permanence.
Quel est donc l’intérêt de connaître les habitudes urinaires insectes ? Selon l’équipe, nous pourrions appliquer certaines de ces petites merveilles à notre propre technologie, par exemple en utilisant les vibrations de haut-parleurs pour évacuer l’eau d’une montre.
Selon Miriam Ashley-Ross, directrice de programme à la National Science Foundation (États-Unis) :
Ce à quoi les insectes sont confrontés, c’est un peu comme si nous essayions d’expulser une boule de sirop d’érable de la taille d’un ballon de plage collée à notre main. La méthode efficace que ces minuscules insectes ont développée pour résoudre le problème pourrait conduire à des solutions biologiquement inspirées pour éliminer les solvants dans les applications de microfabrication comme l’électronique ou pour éliminer rapidement l’eau de surfaces structurellement complexes.
L’étude publiée dans Nature Communications : Droplet superpropulsion in an energetically constrained insect et présentée sur le site du Georgia Institute of Technology : Super-fast Insect Urination Powered by the Physics of Superpropulsion.