Près de 200 ans plus tard, l’ADN des cheveux de Beethoven révèle sa mauvaise santé et une surprise sur son ascendance
Par chance, le monde germanophone du début du XIXe siècle adhérait encore à la coutume de conserver les mèches de cheveux des défunts, une chance pour un étudiant en archéologie du nom de Tristan Begg et ses collaborateurs…
Un lundi orageux de mars 1827, le compositeur allemand Ludwig von Beethoven s’éteint après une longue maladie. Alité depuis le Noël précédent, il est atteint de jaunisse, ses membres et son abdomen sont enflés, chaque respiration est un véritable effort.
Image d’entête : portrait de Beethoven peint en 1820 par Karl Joseph Stieler. (Beethoven-Haus Bonn)
En faisant le tri dans ses affaires personnelles, ses associés découvrent un document que Beethoven avait rédigé un quart de siècle plus tôt : un testament dans lequel il demandait à ses frères de rendre publics les détails de son état de santé.
Aujourd’hui, ce n’est un secret pour personne que l’un des plus grands musiciens que le monde ait jamais connu était atteint de surdité fonctionnelle au milieu de la quarantaine. Beethoven souhaitait que le monde comprenne cette ironie tragique, non seulement d’un point de vue personnel, mais aussi d’un point de vue médical.
Près de deux siècles après la mort de Beethoven, une équipe de chercheurs a entrepris de respecter son testament par des moyens qu’il n’aurait jamais imaginés, en analysant génétiquement l’ADN d’échantillons authentifiés de ses cheveux.
La mèche de Stumpff, à partir de laquelle le génome entier de Beethoven a été séquencé, avec un message de l’ancien propriétaire Patrick Stirling. (Kevin Brown)
Selon le biochimiste Johannes Krause, de l’Institut Max Planck d’anthropologie évolutive, en Allemagne :
Notre objectif premier était de faire la lumière sur les problèmes de santé de Beethoven, dont la célèbre perte progressive de l’audition, qui a débuté entre le milieu et la fin de la vingtaine et l’a rendu fonctionnellement sourd en 1818.
La cause première de cette perte auditive n’a jamais été connue, pas même par son médecin personnel, le Dr Johann Adam Schmidt. Ce qui a commencé par des acouphènes à l’âge de 20 ans s’est lentement transformé en une tolérance réduite aux bruits forts, puis en une perte d’audition dans les aigus, ce qui a mis un terme à sa carrière d’artiste.
Pour un musicien, rien n’est plus paradoxal. Dans une lettre adressée à ses frères, Beethoven admet qu’il est « désespérément atteint », au point d’envisager le suicide.
Le compositeur n’a pas seulement été confronté à une perte d’audition à l’âge adulte. Depuis l’âge de 22 ans au moins, il aurait souffert de graves douleurs abdominales et d’épisodes chroniques de diarrhée. Six ans avant sa mort, les premiers signes d’une maladie du foie sont apparus, une maladie que l’on pense être, au moins en partie, responsable de son décès à l’âge relativement jeune de 56 ans.
En 2007, une enquête médico-légale portant sur une mèche de cheveux supposée être celle de Beethoven a suggéré qu’un empoisonnement au plomb aurait pu accélérer sa mort, voire être à l’origine des symptômes qui l’ont emporté. Compte tenu de la culture qui consistait à boire dans des récipients en plomb et des traitements médicaux de l’époque qui impliquaient l’utilisation du plomb, cette conclusion n’est guère surprenante.
La dernière étude en date bat en brèche cette théorie, en révélant que les cheveux ne provenaient pas de Beethoven, mais d’une femme inconnue.
La mèche de Hiller, dont l’étude a révélé qu’elle ne provenait pas de Beethoven mais d’une femme, avec l’inscription de l’ancien propriétaire Paul Hiller. (Ira F. Brilliant Center for Beethoven Studies, Université d’État de San Jose/ William Mer)
Plus important encore, plusieurs mèches confirmées comme étant beaucoup plus susceptibles de provenir de la tête du compositeur démontrent que sa mort fut probablement le résultat d’une infection par l’hépatite B, exacerbée par sa consommation d’alcool et ses nombreux facteurs de risque de maladie du foie.
Quant aux autres affections dont il souffrait, selon Krause :
Nous n’avons pas pu trouver de cause définitive à la surdité ou aux problèmes gastro-intestinaux de Beethoven.
D’une certaine manière, la vie et la mort du célèbre compositeur classique suscitent encore plus de questions. Où a-t-il contracté l’hépatite ? Comment une mèche de cheveux de femme a-t-elle pu passer pour celle de Beethoven pendant des siècles ? Et qu’est-ce qui se cache derrière ses douleurs intestinales et sa perte d’audition ?
Étant donné que l’équipe s’est inspirée du désir de Beethoven de faire connaître au monde sa perte d’audition, c’est une fin malheureuse. Cependant, une autre surprise était cachée dans ses gènes.
Une étude plus poussée comparant le chromosome Y des échantillons de cheveux à ceux de parents modernes descendant de la lignée paternelle de Beethoven a mis en évidence une discordance. Il semble qu’il y ait eu une petite mésaventure extraconjugale dans les générations qui ont précédé la naissance du compositeur.
A partir de l’étude : triangulation géogénétique, montrant les emplacements probables des ancêtres autosomiques de Beethoven. (Tristan James Alexander Begg et col./ Current Biology)
Selon Tristan Begg, un anthropologue biologique qui travaille actuellement à l’université de Cambridge, au Royaume-Uni :
Cette découverte suggère un événement de paternité extraparental dans sa lignée paternelle entre la conception de Hendrik van Beethoven à Kampenhout, en Belgique, vers 1572, et la conception de Ludwig van Beethoven sept générations plus tard, en 1770, à Bonn, en Allemagne.
Tout cela pourrait être un peu plus que ce à quoi s’attendait le jeune Beethoven, compte tenu de la demande fatidique qu’il a couchée sur le papier. Il n’aurait jamais imaginé les secrets qui ont été préservés lorsque ses amis et associés lui ont coupé les cheveux au lendemain de ce sombre lundi soir orageux de 1827.
L’étude publiée dans Current Biology : Genomic analyses of hair from Ludwig van Beethoven et présentée sur le site de l’Université de Cambridge : Beethoven’s DNA.
Je suis un homme compositeur
Fou de Ludwig
J’ai 63ans
Je deviens sourd comme lui
Je souffre