En fondant, l’inlandsis groenlandais se rapproche désormais d’un point de non-retour
Les scientifiques s’inquiètent de plus en plus des points de basculement du climat, où certains seuils sont atteints et entraînent un réchauffement plus important. C’est un peu comme si un train lancé à toute allure se dirigeait vers une falaise : nous approchons du point où il est trop tard pour freiner…
Image d’entête : l’inlandsis groenlandais méridional. (NASA GSFC)
Une nouvelle étude identifie deux de ces points de basculement en relation avec l’inlandsis du Groenland, une étendue gelée de 1,7 million de kilomètres carrés qui est la deuxième plus grande masse de glace au monde après l’inlandsis antarctique.
Selon les derniers modèles, l’émission de 1 000 gigatonnes de carbone dans l’atmosphère fera fondre complètement la partie sud de la calotte glaciaire. Si l’on monte à 2 500 gigatonnes, la quasi-totalité de la calotte glaciaire sera définitivement anéantie.
A partir de l’étude : lorsque les niveaux de CO2 augmentent, la glace diminue. illustration de l’épaisseur de l’inlandsis groenlandais. (Höning et col./ Geophysical Research Letters)
Depuis que les activités humaines ont commencé à avoir un impact notable sur les émissions de carbone, nous avons déjà rejeté 500 gigatonnes de carbone dans l’atmosphère, ce qui signifie que nous sommes déjà à mi-chemin de la perte d’une grande partie de l’inlandsis du Groenland.
Issue d’une précédente étude, carte satellite de la vélocité (vitesse) de la glace de 1985 à 2015. (Joshua Stevens/ Landsat/ US. Geological Survey/ ITS_LIVE/ NASA/ JPL-Caltech)
Selon le climatologue Dennis Höning, de l’Institut de recherche sur les incidences du climat de Potsdam, en Allemagne :
Le premier point de basculement n’est pas très éloigné des conditions climatiques actuelles, et nous risquons donc de le franchir. Une fois que nous aurons commencé à glisser, nous tomberons de cette falaise et nous ne pourrons plus remonter.
La simulation complexe utilisée par l’équipe de recherche a pris en compte tous les processus climatiques clés et les facteurs qui influencent la fonte des glaces, notamment la température de l’air, la température de l’eau, l’activité des courants océaniques et les niveaux de précipitations. Il s’agit de modèles complexes à mettre en œuvre, car les variables changent en permanence. À mesure que la calotte glaciaire fond, elle s’enfonce, ce qui l’expose à un air plus chaud à des altitudes plus basses, ce qui a un impact supplémentaire sur le taux de fonte.
L’étude suggère que même si l’on s’en tient à l’augmentation de température de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels prévue par l’accord de Paris sur le climat, cela ne suffira pas à empêcher l’inlandsis du Groenland de dépasser le point où il ne pourra pas se rétablir complètement.
Selon les chercheurs, l’élévation du niveau de la mer sur le long terme serait de 1,8 mètre avec 1 000 gigatonnes de carbone injectées dans l’atmosphère et de 6,9 mètres avec 2 500 gigatonnes de carbone. Malheureusement, nous ne montrons aucun signe de ralentissement.
Les cours d’eau et les rivières qui se forment au sommet de la calotte glaciaire du Groenland sont les principaux agents qui transportent les eaux de fonte de la calotte glaciaire vers l’océan. (NASA’s Goddard Space Flight Center/ Maria-José Viñas)
Selon Höning :
La majeure partie de la fonte des calottes glaciaires ne se produira pas au cours de la prochaine décennie, mais il ne faudra pas attendre longtemps avant que nous ne puissions plus lutter contre ce phénomène.
Entre 2003 et 2016, l’inlandsis du Groenland a déjà perdu environ 255 gigatonnes de glace par an. En fait, une étude publiée en 2022 suggère que la fonte des glaces au Groenland est plus rapide que prévu. Cette fonte entraîne une élévation du niveau de la mer et toute une série d’autres problèmes. Par exemple, moins il y a de glace, moins la lumière du soleil est réfléchie dans l’espace, ce qui accélère encore la hausse des températures. Cette étude est la dernière en date d’une longue série de rappels alarmants de la nécessité de prendre rapidement des mesures drastiques pour freiner l’emballement du changement climatique et du réchauffement de la planète. Sinon, nous ne perdrons pas que la calotte glaciaire du Groenland.
Toujours selon Höning :
Nous ne pouvons pas continuer à émettre du carbone au même rythme pendant longtemps sans risquer de franchir les points de basculement.
L’étude publiée dans la revue Geophysical Research Letters : Multistability and Transient Response of the Greenland Ice Sheet to Anthropogenic CO2 Emissions et présentée sur le site l’Advancing Earth and Space Science : The Greenland Ice Sheet is close to a melting point of no return.