Une expérience quantique présente la plus longue séparation entre deux qubits intriqués
Albert Einstein n’était pas entièrement convaincu par la mécanique quantique, estimant que notre conception de celle-ci était incomplète. Il a notamment contesté l’intrication quantique, c’est-à-dire l’idée qu’une particule puisse être affectée par une autre particule qui ne se trouve pas à proximité. Depuis, des expériences ont montré que l’intrication quantique est effectivement possible et que deux particules intriquées peuvent être connectées à distance. Une nouvelle expérience vient de le confirmer, d’une manière inédite.
Dans cette nouvelle expérience, des scientifiques ont utilisé un tube de 30 mètres de long refroidi à un niveau proche du zéro absolu pour effectuer un test de Bell ou des expériences sur les inégalités de Bell : une mesure aléatoire sur deux particules qubit (bit quantique) intriquées en même temps. Ce test propose une inégalité mathématique qui, si elle est brisée, montre que la théorie de la mécanique quantique tient la route.
Non seulement cette expérience permet d’effectuer le test de Bell à des distances plus grandes que celles qui avaient été tentées auparavant, mais elle l’effectue également à l’aide de circuits supraconducteurs, qui devraient jouer un rôle important dans le développement des ordinateurs quantiques.
En raison de la structure de l’expérience, qui comporte des centaines de circuits électroniques de la taille d’un micromètre, une version modifiée pourrait être utilisée de plusieurs manières.
Image d’entête : coupe partielle de la connexion quantique de 30 mètres de long entre deux circuits supraconducteurs. Le tube à vide (au centre) contient un guide d’ondes à micro-ondes qui est refroidi à environ -273°C et qui relie les deux circuits quantiques. (ETH Zurich/ Daniel Winkler)
L’intérieur du tube de 30 mètres. (ETH Zurich/ Daniel Winkler)
Selon le physicien Simon Storz, de l’ETH Zurich (Suisse) :
Avec notre approche, nous pouvons prouver beaucoup plus efficacement qu’avec d’autres dispositifs expérimentaux que l’inégalité de Bell est violée. Cela rend cette méthode particulièrement intéressante pour les applications pratiques. Celles-ci pourraient inclure, par exemple, des communications cryptées sécurisées.
Malgré les défis posés par la construction et la mise au point de cette machine, les chercheurs sont convaincus qu’elle pourrait être adaptée pour fonctionner également à plus grande échelle, repoussant ainsi les limites de ce que nous savons de la mécanique quantique.
Seon le physicien Andreas Wallraff, également de l’ETH Zurich :
Notre machine contient 1,3 tonne de cuivre et 14 000 vis, ainsi qu’une grande quantité de connaissances en physique et de savoir-faire en ingénierie.
Pour éliminer toutes les failles potentielles d’un test de Bell, les mesures doivent être effectuées en moins de temps qu’il n’en faut à la lumière pour voyager d’un bout à l’autre, ce qui prouve qu’aucune information n’a été échangée entre eux. Avec cette configuration, la lumière a mis 110 nanosecondes pour parcourir le tube, et les mesures ont été prises en quelques nanosecondes de moins. Les chercheurs ont utilisé des photons micro-ondes pour créer l’intrication, et plus d’un million de mesures ont été évaluées pour montrer la violation de l’inégalité de Bell.
A partir de l’étude : l’expérience sur les inégalités de Bell implique des qubits intriqués. Deux parties A et B choisissent des bits d’entrée aléatoires (a, b) aux emplacements spatio-temporels indiqués par des étoiles et effectuent des mesures sur une paire de systèmes quantiques intriqués (dans ce travail, des qubits de circuits supraconducteurs) produisant des bits de sortie (x, y) aux emplacements spatio-temporels indiqués par des croix. Les zones ombrées indiquent les cônes de lumière vers l’avant provenant de l’emplacement spatio-temporel des événements de génération de bits d’entrée aléatoires. L’encart au milieu indique l’angle de décalage θ entre les bases de mesure des deux qubits. (Storz et col./ Nature)
Il s’agit de la plus longue séparation entre deux qubits supraconducteurs intriqués à ce jour, ce qui montre que cette technologie (des qubits) est prometteuse. La technologie démontrée ici pourrait éventuellement trouver sa place dans des ordinateurs quantiques à grande échelle.
Selon les chercheurs, dans leur étude (lien plus bas) :
Notre travail démontre que la non-localité est une nouvelle ressource viable dans la technologie de l’information quantique réalisée avec des circuits supraconducteurs, avec des applications potentielles dans la communication quantique, l’informatique quantique et la physique fondamentale.
L’étude publiée dans Nature : Loophole-free Bell inequality violation with superconducting circuits et présentée sur le site de l’ETH Zurich : Entangled quantum circuits.