Des scientifiques définissent un peu plus les odeurs corporelles préférées des moustiques
Les moustiques utilisent l’odeur corporelle et le dioxyde de carbone pour rechercher leurs cibles humaines endormies, et une expérience de terrain sophistiquée menée en Zambie montre que ces insectes capricieux préfèrent certaines odeurs corporelles à d’autres.
Image d’entête : la tête d’une femelle moustique Aedes Aegypti. (Alex Wild)
Pour tester l’importance du dioxyde de carbone et de l’odeur corporelle dans la préférence des moustiques, une équipe de chercheurs américains et zambiens a construit une « cage de vol » de 20 mètres carrés. Ils ont ensuite relâché 200 moustiques affamés dans l’arène au cours des nuits suivantes et ils ont suivi leur activité à l’aide de caméras infrarouges.
L’arène de la cage de vol avec des tentes individuelles reliées entre elles. (Julien Adam/ Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health)
Tente reliée à l’arène de vol des moustiques. (Julie Adam)
Selon le coauteur de l’étude Conor McMeniman, professeur adjoint à l’École de santé publique Johns Hopkins Bloomberg et à l’Institut de recherche sur le paludisme Johns Hopkins (université Johns-Hopkins, Etats-Unis) :
Ces moustiques chassent généralement les humains dans les heures précédant et suivant minuit. Ils suivent les pistes olfactives et les courants convectifs émanant des humains et, en général, ils entrent dans les maisons et piquent entre 22 heures et 2 heures du matin. Nous voulions évaluer les préférences olfactives des moustiques pendant la période d’activité maximale, lorsqu’ils sont dehors et actifs, et évaluer également l’odeur des humains endormis pendant cette même fenêtre temporelle.
Des « aires d’atterrissage » chauffées et régulièrement espacées ont été placées sur le périmètre de l’arène de vol.
Lors de la première expérience, ces aires d’atterrissage ont été appâtées, certaines avec du CO2 ou des odeurs corporelles, d’autres sans. Les moustiques n’ont pas été attirés par les aires d’atterrissage chauffées, à moins qu’elles ne soient également appâtées avec du dioxyde de carbone. L’odeur corporelle humaine était un appât plus attrayant que le dioxyde de carbone seul.
La plate-forme d’atterrissage avec des conduits pour évacuer les odeurs de la tente et une caméra pour surveiller les atterrissages des moustiques. (Julien Adam)
Dans la deuxième expérience, six personnes ont dormi dans des tentes individuelles installées autour de l’arène pendant six nuits consécutives. Les tentes étaient reliées à l’arène par des conduits en aluminium grillagés et des ventilateurs à faible vitesse qui envoyaient l’odeur corporelle de chaque personne de la tente à l’arène de vol et à la piste d’atterrissage.
En plus d’enregistrer les préférences des moustiques, les chercheurs ont prélevé chaque nuit des échantillons d’air dans les tentes afin de caractériser et de comparer 40 composants chimiques différents de l’odeur corporelle de chaque personne.
Ils ont constaté que les moustiques étaient systématiquement attirés par certaines odeurs corporelles plutôt que par d’autres. Les moustiques étaient plus attirés par les personnes dont les odeurs corporelles contenaient davantage d’acides carboxyliques (probablement produits par les microbes de la peau), que par celles dont les niveaux d’acides carboxyliques étaient plus faibles et les niveaux d’eucalyptol plus élevés (potentiellement liés au régime alimentaire de la personne).
L’eucalyptol, un composé chimique naturel probablement dérivé d’aliments d’origine végétale et d’arômes présents dans le régime alimentaire d’une personne, était très abondant dans l’odeur corporelle du sujet humain le moins apprécié de la cohorte de six personnes.
Les chercheurs ont été surpris par l’efficacité avec laquelle les moustiques pouvaient localiser et choisir entre les potentiels repas humains dans l’immense arène.
Selon Stephanie Rankin-Turner, chimiste analytique et coauteure de l’étude :
Lorsque l’on voit un objet sorti d’un minuscule laboratoire où les odeurs sont présentes et que les moustiques le trouvent encore dans ce grand espace ouvert dans un champ en Zambie, on se rend vraiment compte de la puissance de ces moustiques en tant que chercheurs d’hôtes.
La recherche portait sur le moustique africain du paludisme, un vecteur prolifique du paludisme dans toute l’Afrique subsaharienne, et visait à mieux comprendre les facteurs qui déterminent l’attrait de l’homme pour le vecteur de la maladie.
Le résumé graphique de l’étude. (Diego Giraldo et col./ Current Biology)
De précédentes recherches ont montré que les moustiques utilisent une série d’indices sensoriels pour identifier leurs cibles, notamment la chaleur émise par le corps, les odeurs, le dioxyde de carbone et l’humidité, ainsi que des indices visuels. Ces indices ont des portées spatiales différentes : la chaleur peut atteindre 50 cm, les indices visuels entre 5 et 15 m, tandis que le dioxyde de carbone et l’odeur corporelle peuvent s’étendre jusqu’à 60 m.
L’étude publiée dans Current Biology : Human scent guides mosquito thermotaxis and host selection under naturalistic conditions et présentée sur le site de la Johns Hopkins Bloomberg School of Public Health de l’Université Johns Hopkins : The Chemistry of Mosquito Attraction.