La piqûre d’insecte la plus douloureuse au monde cible les nerfs d’une manière unique
Des chercheurs australiens ont découvert que certaines des plus douloureuses piqûres/ morsures de fourmis sont causées par des neurotoxines qui ciblent les nerfs. Mais contrairement à celles que l’on trouve dans le venin des serpents et des scorpions, les toxines des fourmis affectent l’organisme d’une manière inédite. Ces découvertes permettent de mieux comprendre le fonctionnement de la douleur et la manière dont elle peut être traitée.
Image d’entête : fourmi balle de fusil (Paraponera clavata). (Sam Robinson/ Institute for Molecular Bioscience, Université du Queensland)
Bien que la majorité des espèces de fourmis produisent du venin et que nombre d’entre elles produisent une piqûre douloureuse, peu de recherches ont été menées pour explorer les mécanismes à l’origine de cette douleur. Cela est principalement dû à la taille des insectes, qui rend difficile la collecte et l’analyse de leur venin. Des chercheurs de l’université du Queensland, en Australie, ont étudié la fourmi verte australienne (Rhytidoponera metallica) et la fourmi balle de fusil (Paraponera clavata) d’Amérique du Sud, dont les piqûres provoquent toutes deux une douleur intense et durable.
Fourmi verte australienne (Rhytidoponera metallica).(Sam Robinson/ Institute for Molecular Bioscience, Université du Queensland)
La fourmi verte, ou fourmi à tête verte, est présente dans toute l’Australie, y compris dans les zones urbaines et suburbaines. Elles aiment nicher sous la plupart des herbes et passent généralement inaperçues jusqu’à ce qu’une personne soit piquée, ce qui provoque une vive sensation de brûlure en quelques secondes. Les fourmis à balles de fusil vivent dans les forêts humides des basses terres d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud. Elles doivent leur nom à la douleur ressentie par les personnes qui se font piquer par l’une d’entre elles, qui se compare à la douleur d’un coup de feu. Une piqûre de fourmi peut également provoquer de graves contractions musculaires et une sensation de brûlure. Le Dr Justin Schmidt, entomologiste américain aujourd’hui décédé, qui a créé un indice de douleur pour les insectes piqueurs, a classé la piqûre de la fourmi balle de fusil comme la plus douloureuse des piqûres d’insectes au monde.
Selon Sam Robinson, auteur principal de l’étude :
Les piqûres de fourmis à balles de fusil peuvent être douloureuses pendant 12 heures. Il s’agit d’une douleur profonde que l’on ressent dans les os, accompagnée de transpiration et de chair de poule, contrairement à l’impact d’une piqûre d’abeille qui dure 10 minutes. Nous n’avons pas de fourmis à balles en Australie, mais notre fourmi verte, ou fourmi à tête verte, peut également causer une douleur durable et de nombreux Australiens en ont fait l’expérience.
Des études menées dans les années 1990 ont permis d’identifier une ponératoxine, un peptide toxique paralysant, dans le venin de la fourmi à balle de fusil, qui affecte les canaux sodiques dans les fibres musculaires squelettiques des grenouilles et des rats. La sensation de douleur est due à l’action des canaux sodiques dans les membranes de nos neurones sensoriels (cellules nerveuses). En d’autres termes, les canaux sodiques permettent aux informations provenant des récepteurs de la douleur dans le système nerveux périphérique d’être transmises au système nerveux central, enregistrant ainsi la douleur.
Dans l’étude actuelle, les chercheurs ont voulu identifier les agents responsables de la douleur dans les neurotoxines de la fourmi verte et de la fourmi à balle de fusil en examinant ce qui se passait au niveau cellulaire et moléculaire. Ils ont testé et analysé le venin sur les neurones sensoriels de souris et ils ont constaté que les toxines ciblaient spécifiquement les canaux sodiques des neurones.
Selon Robinson :
Nous avons montré que ces venins de fourmis ciblent nos cellules nerveuses qui envoient des signaux de douleur. Normalement, les canaux sodiques de ces neurones sensoriels ne s’ouvrent que brièvement en réponse à un stimulus. Nous avons découvert que les toxines de fourmis se lient aux canaux sodiques et les amènent à s’ouvrir plus facilement et à rester ouverts et actifs, ce qui se traduit par un signal de douleur de plus longue durée.
Les chercheurs ont constaté que les toxines peptidiques des fourmis étaient structurellement différentes des autres toxines affectant les canaux sodiques et que leur mécanisme d’action était propre à l’insecte.
Toujours selon Robinson :
Ces neurotoxines qui ciblent les canaux sodiques sont propres aux fourmis, personne n’a trouvé quelque chose qui ressemble ou agit de la même manière, et nous disposons maintenant d’un nouvel ensemble d’outils pour travailler.
Les fourmis utilisent des neurotoxines pour repousser leurs prédateurs depuis l’époque des dinosaures. Selon les chercheurs, cette nouvelle découverte est importante pour comprendre le fonctionnement de la douleur et pour développer de nouveaux moyens de la traiter.
Selon Robinson :
Nous voulons comprendre la douleur au niveau moléculaire et les toxines sont des outils fantastiques pour y parvenir.
L’étude publiée dans Nature Communications : Ant venoms contain vertebrate-selective pain-causing sodium channel toxins et présentée sur le site de l’Université du Queensland : Research reveals ants inflict pain with neurotoxins et de l’Institute for Molecular Bioscience de cette même université : Ants inflict pain with neurotoxins.