Des scientifiques en désaccord sur la plus ancienne sculpture de pénis au monde
Des scientifiques sont divisés sur l’existence d’une nouvelle « plus ancienne représentation anthropomorphe sexuée connue », sous la forme d’un pendentif en graphite sculpté de 4,3 cm que les archéologues de l’université de Bordeaux pensent être un pénis.
Image d’entête, à partir de l’étude : trois vues de l’ancien objet trouvé en Mongolie, présentant une rainure centrale et une rainure supérieure perpendiculaire. (S.Rigaud et col./ Scientific Reports)
S’il s’agit bien d’un pénis, il n’est pas très beau. Ou alors, quelqu’un du paléolithique avait vraiment besoin de voir un médecin. Cependant, tous les objets ressemblant à des pénis ne sont pas fabriqués en pensant aux organes génitaux. Tous les chercheurs ne sont donc pas convaincus.
Ce n’est même pas comme si l’objet criait « organe sexuel ». Curtis Runnels, archéologue à l’université de Boston, qui n’a pas participé à l’étude récente, a déclaré dans Science que l’ornement semblait « plutôt informe », et à première vue, il est difficile de ne pas être d’accord.
Mais qu’il ressemble ou non à une boule, pour l’archéologue Solange Rigaud, de l’université de Bordeaux, et ses collègues, tout est dans les détails.
L’ornement rainuré, baptisé T21, a été découvert sur un site archéologique en Mongolie en 2016. Les experts ne l’ont dépoussiéré que récemment pour l’examiner de plus près. Ils estiment que l’objet a entre 39 500 et 42 200 ans, ce qui situe sa création au Paléolithique supérieur.
Sur le corps de l’ornement, qui mesure 4 centimètres de long, se trouvent deux rainures réalisées à l’aide d’un outil en pierre pointu. La plus profonde entaille entoure la partie centrale de l’ornement, tandis que l’autre est courte et profonde, partant du haut de l’ornement vers le bas. Les chercheurs pensent que la première incision a été conçue pour représenter le gland d’un pénis, tandis que la seconde a été sculptée pour ressembler à un orifice urétral.
A partir de l’étude : l’équipe de chercheurs a pris des photos au microscope et a réalisé une minutieuse reconstitution en 3D de la prétendue sculpture de pénis. (S. Rigaud et col./ Scientific Reports)
Les mêmes caractéristiques peuvent être observées sur un galet en pierre de 20 centimètres de long trouvé en Allemagne, datant d’il y a 28 000 ans et considéré comme l’une des plus anciennes représentations de la sexualité masculine découvertes à ce jour. Il pourrait également avoir été utilisé comme outil, éventuellement pour tailler des silex. L’artefact de Mongolie n’est pas aussi clairement reconnaissable, mais si les chercheurs ont raison et qu’il est conçu pour ressembler à un pénis, il pourrait s’agir de la plus ancienne utilisation symbolique d’organes génitaux humains trouvée jusqu’à maintenant.
La face arrière de l’ornement est aplatie et tellement brillante et lisse que les chercheurs pensent qu’elle était probablement portée fréquemment sur la poitrine d’une personne, maintenue en place par un cordon enroulé autour de la rainure centrale.
Selon les chercheurs :
Dans l’ensemble, le modèle d’utilisation et d’usure est cohérent avec la suspension du pendentif en contact avec un matériau mou pendant une période prolongée.
La raison pour laquelle un chasseur ou un cueilleur aurait porté ce pendentif n’est pas claire. De loin, les chercheurs affirment qu’il est difficile de distinguer la forme du pénis, ce qui signifie qu’il n’a probablement pas été utilisé comme signal. Il aurait plutôt été porté pour des raisons personnelles ou spirituelles. À Rome, on pensait que les motifs de pénis favorisaient la fertilité ou éloignaient les mauvais esprits.
L’utilisation d’ornements personnels en Eurasie, comme les pendentifs en coquillage, remonte à environ 45 000 ans, mais la représentation de figures humaines est plus tardive dans les archives archéologiques de cette région.
D’anciennes statues Vénus, trouvée en Autriche (lien ci-dessous) et en Allemagne, par exemple, représentent la figure féminine de la tête aux pieds d’une manière qui était probablement aussi symbolique, mais elles n’ont qu’environ 30 000 à 40 000 ans.
Par rapport à une œuvre d’art représentant un corps entier, la détection d’un pénis isolé peut s’avérer délicate, en particulier lorsqu’un artefact de type phallique peut avoir plus d’un usage.
Un curieux outil en bois décrit plus tôt cette année (lien ci-dessous), par exemple, pourrait être un godemiché vieux de 2 000 ans ou un fuseau utilisé pour filer de la fibre. Peut-être était-ce les deux à la fois.
Il est toujours possible que le pendentif découvert en Mongolie ait été façonné à des fins purement pratiques, mais les chercheurs maintiennent que, sur la base de leur analyse, « l’interprétation la plus convaincante du pendentif T21 est une représentation phallique simplifiée ».
L’étude publiée dans Nature Scientific Reports : Symbolic innovation at the onset of the Upper Paleolithic in Eurasia shown by the personal ornaments from Tolbor-21 (Mongolia) et l’interview de Curtis Runnels sur cette analyse dans Science : 42,000-year-old Mongolian pendant may be earliest known phallic art.