La découverte de granite sous un ancien volcan lunaire confirme l’existence passée d’une activité volcanique sur la face cachée de la Lune
Un énorme bloc de granit ancien a été découvert sous la surface de la Lune, témoignant d’un type de volcanisme inédit.
Image d’entête : la Lune telle que photographiée par la sonde Galileo le 7 décembre 1992, alors qu’elle se dirigeait vers Jupiter. (NASA/ JPL/ USGS)
L’analyse suggère qu’il s’agit d’une masse géante de magma solidifié, ou batholite, profondément enfouie et déposée il y a quelque 3,5 milliards d’années. Ce type de volcanisme est assez fréquent sur Terre, mais les spécialistes des planètes sont ravis de l’observer sur la Lune.
Selon le planétologue Matthew Siegler de l’Université méthodiste du Sud et de l’Institut des sciences planétaires (Etats-Unis) :
Toute grande masse de granite que nous trouvons sur Terre alimentait un grand nombre de volcans, tout comme un vaste système alimente aujourd’hui les volcans des Cascades dans le nord-ouest du Pacifique. Les batholites sont beaucoup plus grands que les volcans qu’ils alimentent à la surface. Par exemple, les montagnes de la Sierra Nevada sont des batholithes, issus d’une chaîne volcanique qui existait il y a longtemps dans l’ouest des États-Unis.
Le granit est abondant sur Terre, mais extrêmement rare ailleurs dans le système solaire, car sa formation requiert des conditions spécifiques.
Ces conditions comprennent une grande quantité d’eau liquide et une tectonique des plaques, qui contribue à la fonte et au recyclage des matériaux dans la croûte de la planète. La production de granit nécessite une refonte en plusieurs étapes de la roche basaltique, ou un fractionnement des cristaux dans le basalte liquide.
La Lune n’a ni eau liquide, ni tectonique des plaques. Pourtant, sous une région volcanique connue sous le nom de Compton-Belkovich, près du pôle nord de la face cachée de la Lune, les instruments à micro-ondes des orbiteurs chinois Chang’e 1 et Chang’e 2 ont détecté quelque chose d’étrange. Ils ont détecté une chaleur anormale, environ 20 fois supérieure à la moyenne des hauts plateaux lunaires.
A partir de l’étude : région de la face cachée de la Lune (indiquée en rouge) où des émissions de chaleur anormales ont été détectées. (Siegler et col./ Nature)
Les chercheurs ont pu analyser les données publiquement disponibles de l’administration spatiale nationale chinoise, et les résultats les ont surpris.
Selon Siegler :
Ce que nous avons découvert, c’est que l’un de ces volcans présumés, connu sous le nom de Compton-Belkovich, était absolument incandescent aux longueurs d’onde des micro-ondes. Cela signifie qu’il est chaud, pas nécessairement à la surface, comme on le verrait dans l’infrarouge, mais sous la surface. La seule façon d’expliquer ce phénomène est de trouver une source de chaleur supplémentaire dans les profondeurs de la croûte lunaire. Ainsi, Compton-Belkovich, que l’on croyait être un volcan, cache également une importante source de chaleur en dessous.
Compton-Belkovich est remarquable parce que cette région contient une grande quantité de thorium, un produit de désintégration radioactive. L’analyse effectuée par Siegler et ses collègues indique que les éléments radioactifs présents dans une matrice granitique sont probablement à l’origine de la chaleur sous-jacente. Cette matrice granitique est également beaucoup plus grande que ce à quoi ils s’attendaient, environ 50 kilomètres de diamètre.
Selon les chercheurs, il s’agit là d’une preuve de l’existence d’un système évolué de circulation du magma beaucoup plus grand que ce que l’on attendrait pour la Lune. Un système de cette taille nécessite l’une des trois choses suivantes : un grand panache mantellique alimentant le magma depuis l’intérieur de la Lune, une poche anormalement humide à l’intérieur de la Lune à cet endroit ou une zone d’éléments pouvant fournir suffisamment de matériel radiogénique pour produire assez de chaleur afin d’assurer une refonte cohérente.
Ces trois hypothèses impliquent des incohérences de composition à grande échelle à l’intérieur de la lune, qu’il convient d’expliquer.
Selon Siegler :
Si vous n’avez pas d’eau, il faut des situations extrêmes pour fabriquer du granite. Voici donc un système sans eau, sans tectonique des plaques, mais avec du granite. Y avait-il de l’eau sur la Lune, au moins à cet endroit ? Ou était-il simplement particulièrement chaud ?
L’étude publiée dans Nature : Remote detection of a lunar granitic batholith at Compton–Belkovich et présentée sur le site de la Southern Methodist University : Large sub-surface granite formation signals ancient volcanic activity on Moon’s dark side et du Planetary Science Institute : Evidence of New Volcanic Process on Moon Discovered.