Des électrons de la queue magnétique de la Terre pourraient former de l’eau sur la Lune
La Lune est altérée par des électrons très énergétiques situés dans une queue de plasma autour de la Terre et, plus intéressant encore, il semble qu’ils aient engendré de l’eau à la surface de la Lune.
Image d’entête : carte de la teneur en eau à la surface de la lune. (S. Li et col./ Nature Astronomy)
Ces nouvelles découvertes, faites par une équipe de chercheurs dirigée par Shuai Li, scientifique à l’école des sciences et technologies de la terre et de l’océan de l’université d’Hawaï à Mānoa, pourraient également expliquer comment l’eau s’accumule dans des poches sur la Lune qui ne sont jamais exposées à la lumière du soleil, appelées « régions ombragées en permanence » (PSR pour permanently shaded regions).
Il est essentiel de connaître la distribution et la concentration de l’eau sur la Lune non seulement pour comprendre l’évolution du satellite naturel de la Terre, mais aussi pour planifier de futures missions prolongées avec équipage sur la Lune. L’eau pourrait être récoltée par ces explorateurs de l’espace non seulement pour assurer leur subsistance, mais aussi pour produire du carburant qui pourrait être utilisé pour organiser des missions à partir de la surface lunaire. Ces missions pourraient utiliser la lune comme tremplin pour l’exploration de zones plus profondes du système solaire, y compris Mars.
La théorie de Li et de son équipe relie l’eau sur la lune à la bulle magnétique qui entoure la Terre, appelée magnétosphère. Celle-ci protège notre planète des particules chargées à haute énergie émises par le soleil dans le vent solaire.
Rendu du turbulent champ magnétique de la Terre. (SWARM/ ESA)
Lorsque le vent solaire heurte la magnétosphère, il déforme ce bouclier magnétique, créant une longue queue magnétique sur le côté de la Terre opposé au soleil, c’est-à-dire le côté nuit de la planète. Cette queue est appelée à juste titre « magnétoqueue” ou “magnetotail« . Les électrons et les ions à haute énergie provenant du vent solaire (et de la Terre elle-même) forment une nappe de plasma à l’intérieur de la queue magnétique.
Structure de la magnétosphère terrestre. (NASA/ Wikimedia)
Ainsi, lorsque la Lune est en orbite autour de la Terre, elle traverse la magnétoqueue. Par conséquent, tout comme la magnétosphère protège la Terre, la queue magnétique protège la lune des particules chargées tout en permettant à la lumière d’atteindre la surface lunaire.
Selon Shuai Li :
Cela constitue un laboratoire naturel pour étudier les processus de formation de l’eau à la surface de la Lune. Lorsque la Lune se trouve à l’extérieur de la queue magnétique, la surface lunaire est bombardée par le vent solaire. À l’intérieur de la queue magnétique, il n’y a pratiquement pas de protons du vent solaire, et la formation d’eau devrait être quasiment nulle.
Avec son équipe, il a utilisé les données recueillies entre 2008 et 2009 par l’instrument Moon Mineralogy Mapper (MMM) à bord de la sonde Chandrayaan-1 afin d’évaluer l’évolution de la formation d’eau à mesure que la Lune traverse la queue magnétique.
Toujours selon Li :
À ma grande surprise, les observations par télédétection ont montré que la formation d’eau dans la queue magnétique de la Terre est presque identique à la période où la Lune se trouvait à l’extérieur de la queue magnétique. Cela indique que, dans la queue magnétique, il pourrait y avoir d’autres processus de formation ou de nouvelles sources d’eau qui ne sont pas directement associés à l’implantation des protons du vent solaire.
Li a constaté que le rayonnement causé par les électrons de haute énergie dans la queue magnétique présente des effets similaires à ceux causés par les ions du vent solaire. Il avait commencé à réfléchir à l’interaction entre la queue magnétique et la Lune en examinant les processus d’altération de la surface lunaire qui se produisent lorsqu’elle traverse la queue magnétique de la Terre. Il a ainsi découvert que l’oxygène présent dans la queue magnétique fait rouiller le fer dans les régions polaires de la Lune.
Selon Li :
Dans l’ensemble, cette découverte et celles que j’ai faites précédemment sur les pôles lunaires rouillés indiquent que notre mère la Terre est étroitement liée à sa lune sous de nombreux aspects méconnus.
L’équipe a l’intention de poursuivre cette découverte en étudiant l’environnement plasmatique autour de la lune et la teneur en eau des pôles lunaires à différents moments du passage de la Lune dans la queue magnétique.
Ces travaux seront menés dans le cadre du programme Artemis qui, dès 2026, enverra également la mission Artemis III sur la lune. Cette mission doit permettre à l’humanité de retourner sur la lune pour la première fois depuis 50 ans et d’envoyer la première femme et la première personne de couleur sur la surface lunaire.
L’étude publiée dans Nature Astronomy : Formation of lunar surface water associated with high-energy electrons in Earth’s magnetotail et présentée sur le ite de l’Université d’Hawaii : Earth’s electrons may be forming water on the Moon.