Les corneilles sont également capables d’utiliser l’inférence statistique
Tout le monde sait désormais que les corbeaux et autres corneilles sont dotés de remarquables capacités cognitives. L’internet regorge de vidéos de corbeaux imitant des voix ou résolvant des énigmes complexes. Aujourd’hui, une nouvelle étude révèle qu’ils sont également capables d’utiliser l’inférence statistique, c’est-à-dire d’utiliser des informations limitées sur une situation pour en tirer des conclusions et prendre ensuite une décision.
Image d’entête : une corneille noire. (Wikimedia)
Des chercheurs de l’université de Tübingen, en Allemagne, ont entraîné deux corneilles noires (Corvus corone) à toucher/ picorer des images sur un écran tactile et à obtenir des friandises. Ils ont ensuite complexifié le processus en introduisant le concept de probabilité, ce qui signifie que chaque coup de bec ne donne pas lieu à une récompense. Les corneilles ont appris à associer des images spécifiques à différentes chances d’obtenir une récompense.
Les deux corneilles ont été entraînées à associer neuf images différentes à des probabilités de récompense allant de 10 à 90 %. Après 10 jours d’entraînement et plus de 5 000 essais, les chercheurs ont constaté que, lorsqu’ils étaient confrontés à plusieurs images, les corneilles continuaient à choisir l’image associée à la probabilité de récompense la plus élevée. Cela révèle leur capacité à utiliser l’inférence statistique.
Selon Melissa Johnston, l’une des auteures de l’étude, publiée cette semaine (lien plus bas) :
Les corbeaux devaient apprendre des quantités plutôt abstraites (c’est-à-dire pas des nombres entiers), les associer à des symboles abstraits, puis appliquer cette combinaison d’informations de manière à maximiser la récompense.
La capacité à utiliser les probabilités comme outil de réflexion a longtemps été considérée comme un trait humain adulte. Cependant, des études ont montré que de très jeunes enfants possédaient déjà cette capacité dans une certaine mesure. De même, l’inférence statistique a été observée chez les grands singes, les macaques à longue queue, les girafes et les kéas, une espèce de perroquet que l’on trouve communément en Nouvelle-Zélande (lien ci-dessous).
L’ajout des corneilles à la liste n’est probablement pas une grande surprise pour beaucoup, compte tenu de leur intelligence. Leur cerveau est volumineux pour leur taille et leur cerveau antérieur est bien visible, ce qui est associé au raisonnement analytique et statistique chez les humains. Les chercheurs ont découvert que les corneilles s’adonnaient à des activités telles que les jeux et l’utilisation d’outils.
Dans leur étude, les chercheurs ont constaté que les corneilles pouvaient faire des déductions statistiques en choisissant de manière répétée les images qui présentaient les possibilités de récompense les plus élevées. Les deux corneilles ont choisi la récompense la plus élevée dans 76 % des cas. Ils étaient également plus susceptibles de choisir l’image avec la récompense la plus élevée lorsque ce choix comportait une probabilité de récompense de plus de 50 %.
Résumé de l’étude : les corneilles choisissent systématiquement la probabilité de récompense la plus élevée. (M. Johnston et col./ Current Biology)
Les chercheurs ont testé les corneilles un mois après l’expérience initiale et ils ont constaté qu’elles se souvenaient étonnamment bien des probabilités de récompense, choisissant à chaque fois le nombre le plus élevé.
Dans l’ensemble, l’étude ne montre pas seulement qu’un plus grand nombre d’animaux que ce que l’on connaissait auparavant peuvent utiliser l’inférence statistique, mais elle contribue également à modifier la perception qu’a le public des corneilles et corbeaux, qui symbolisent historiquement la mort. Ce sont en fait des animaux remarquables et il y a probablement encore beaucoup à apprendre d’eux, grâce à ce type de recherche.
L’étude publiée dans Current Biology : Crows flexibly apply statistical inferences based on previous experience.