Superhydrophobe : des scientifiques fabriquent la surface la plus glissante au monde
Des scientifiques ont mis au point ce qu’ils appellent la surface la plus hydrophobe qui soit. En lui donnant un revêtement liquide qui défie les conceptions habituelles, l’eau roulera sur la surface à des angles 500 fois moins élevés que les autres matériaux superhydrophobes.
Image d’entête : représentation d’une surface de type liquide qui constitue un nouveau type de surface répulsive qui offre de nombreux avantages techniques par rapport aux approches traditionnelles. (Ekaterina Osmekhina/ Université Aalto)
La capacité à repousser l’eau est importante pour de nombreux matériaux, en particulier dans les secteurs de l’automobile, de la marine et de l’aérospatiale. De nombreuses surfaces superhydrophobes fonctionnent en emprisonnant une couche d’air ou de liquide, ce qui fait que l’eau qui s’y dépose se transforme en gouttelettes et s’écoule plus facilement. Mais une nouvelle technologie permet de créer ce que l’on appelle des surfaces de type liquide (LLS pour liquid-like surfaces), qui comportent des couches de molécules très mobiles qui agissent comme des liquides, mais qui sont attachées à des substrats pour ne pas s’en échapper. Le résultat final ressemble à une surface lubrifiée sur laquelle l’eau glisse directement.
Dans cette nouvelle étude, des scientifiques de l’université d’Aalto en Finlande ont mis au point une nouvelle LLS à partir de molécules appelées monocouches auto-assemblées (SAM pour self-assembled monolayers) qui recouvrent un substrat de silicium. En réglant des conditions telles que la température et la teneur en eau du réacteur pendant la production, l’équipe a pu contrôler la quantité de silicium recouverte par les SAM.
Lorsque les SAM couvraient une grande partie de la surface, celle-ci devenait superhydrophobe, l’eau formant des gouttelettes et roulant sur la surface. Ce phénomène était prévisible, mais à la surprise des chercheurs, une faible couche de SAM rendait également la surface glissante. Et ce, sans que l’eau ne perle, ce qui a longtemps été considéré comme nécessaire à la superhydrophobie.
Selon Sakari Lepikko, de l’Université Aalto en Finlande et auteur principal de l’étude (lien plus bas) :
Il était contre-intuitif que même une faible couche de SAM produise une surface exceptionnellement glissante. Nous avons découvert que l’eau circule librement entre les molécules du SAM lorsque sa couverture est faible, et qu’elle glisse sur la surface. Et lorsque la couverture du SAM est élevée, l’eau reste sur le dessus et glisse tout aussi facilement. Ce n’est qu’entre ces deux états que l’eau adhère aux SAM et colle à la surface.
L’équipe affirme que certaines versions de leurs surfaces SAM sont les matériaux les plus hydrophobes jamais observés, les surfaces superhydrophobes présentent généralement des angles de glissement (l’angle auquel l’eau s’écoule) aussi bas que 5°. Mais l’équipe d’Aalto rapporte que les siennes peuvent atteindre un étonnant 0,01°, ce qui signifie que l’eau s’écoulera pratiquement de toute surface qui n’est pas parfaitement plane.
La mesure la plus courante de l’hydrophobie est ce que l’on appelle l’angle de contact, qui correspond à la courbe que forment les gouttes d’eau sur la surface. Mais il est difficile d’appliquer cette mesure ici, car les surfaces SAM permettent à l’eau de s’étaler en un film tout en roulant facilement.
Aussi fascinant que soit le revêtement SAM, les chercheurs reconnaissent qu’il est encore assez fin et qu’il se disperse facilement. Mais ils ont l’intention de continuer à travailler pour l’améliorer, afin qu’il puisse éventuellement être utilisé dans une série d’applications industrielles.
Toujours selon Lepikko :
Le transfert de chaleur dans les tuyaux, le dégivrage et l’antibuée sont des utilisations potentielles. Il sera également utile en microfluidique, où de minuscules gouttelettes doivent être déplacées en douceur, et pour créer des surfaces autonettoyantes. Notre mécanisme contre-intuitif est un nouveau moyen d’accroître la mobilité des gouttelettes partout où cela est nécessaire.
L’étude publiée dans Nature Chemistry : Droplet slipperiness despite surface heterogeneity at molecular scale et présentée sur le site de l’Université Aalto : Researchers create the most water-repellent surface ever.