Le membre (sexuel) de cette chauve-souris est si exceptionnellement grand qu’il lui sert de bras supplémentaire
Dans l’une des découvertes les plus étranges de l’année en matière de comportement animal, des chauves-souris sérotines mâles vivant dans le grenier d’une église aux Pays-Bas ont été filmées en train de se livrer à des séances marathon de sexe sans pénétration, le tout premier cas d’accouplement par contact superficiel chez des mammifères.
Image d’entête : la chauve-souris serotine (Eptesicus serotinus) adopte une approche discrète pour sa parade nuptiale. (Alona Shulenko/ Université de Lausanne)
Les chercheurs de l’université de Lausanne ont rapidement découvert que ce comportement très inhabituel des mammifères était une stratégie bien plus complexe qu’il n’y parait, car le mâle de la chauve-souris sérotine (Eptesicus serotinus) est également doté d’un pénis qui, lorsqu’il est en érection, mesure un cinquième de la longueur de son corps (7 cm) et est 7 fois plus long que le vagin de sa partenaire.
Une sérotine commune (Eptesicus serotinus). (Olivier Glaizot/ Université de Lausanne)
Selon Nicolas Fasel, premier auteur de l’étude (lien plus bas) :
Par hasard, nous avions observé que ces chauves-souris avaient des pénis disproportionnés et nous nous demandions toujours comment cela fonctionnait. Nous avons pensé que c’était peut-être comme chez le chien, où le pénis s’engorge après la pénétration de sorte qu’ils sont bloqués ensemble, ou peut-être qu’ils ne pouvaient tout simplement pas le mettre à l’intérieur, mais ce type de copulation n’a pas été rapporté chez les mammifères jusqu’à présent.
A partir de l’étude : A) Vues ventrales et (B) dorsales du pénis en érection. (C) Photographies microscopiques numériques à l’échelle du tractus génital femelle de l’E. serotinus : (A) lame histologique fixée au formol et (B) lame histologique colorée à l’HE d’un tractus génital femelle. c = col de l’utérus, ov = ovaire, r = rectum, ub = vessie urinaire, ut = corne utérine, v = vagin. La femelle est décédée le 14 mai 2015 et n’était pas enceinte. L’échelle dans le coin inférieur droit correspond aux deux images. [1] Longueur de la tige du pénis en érection (16,4 mm). [2] Largeur du gonflement terminal du pénis en érection (7,5 mm). [3] Diamètre extérieur du col de l’utérus (0,7 mm) et [4] du vagin (1,1 mm). (D) Copulation d’un couple d’Eptesicus serotinus. Le mâle, en haut sur le dessin, utilise son pénis en érection pour passer devant l’uropatagium de la femelle, en bas sur le dessin. Le gonflement terminal du pénis en érection est fermement pressé contre la vulve, sans intromission vaginale. (E) Nombre de copulations confondues par mois. (F) Nombre moyen de chauves-souris capturées sur un site souterrain par nuit. Les nombres d’événements de capture entre 2001 et 2022 se produisant pendant les mois respectifs sont indiqués entre parenthèses. (N. Fasel et col./ Current Biology)
Dans la nature, les espèces qui s’accouplent sont généralement « adaptées » l’une à l’autre pour garantir les meilleures chances de réussite de la reproduction, c’est-à-dire de transmission des gènes à la progéniture, et par conséquent de compléter le principal moteur biologique de la plupart des formes de vie. Le fait que cette minuscule chauve-souris eurasienne arborait non seulement un gros phallus, mais aussi une pointe en forme de cœur marquée, sept fois plus large que l’ouverture vaginale d’une femelle, constituait une énigme de taille pour les scientifiques.
Cependant, cette énigme a été résolue 97 fois lorsque les animaux ont été filmés en train de s’accoupler. Oui, 97 fois. Comme les chercheurs le signalent avec bonheur, un accouplement a duré 12,7 heures, tandis que la copulation moyenne a duré 53 minutes.
Selon Fasel, en plaisantant :
Nous essayons de mettre au point une boîte pornographique (porn box) pour chauves-souris, qui sera comme un aquarium avec des caméras partout.
Bien que les chercheurs n’aient pas assisté à l’éjaculation, ils rapportent que « du liquide séminal en abondance a été trouvé autour de la vulve et du bas-ventre » des chauves-souris femelles.
Cependant, grâce aux images et à la position pratique des caméras placées sur le toit de l’église et dans un centre de protection de la nature ukrainien (qui a filmé quatre des 97 événements), les chercheurs ont pu assister à quelque chose de tout à fait remarquable dans le monde des mammifères. Au lieu d’avoir des rapports sexuels avec pénétration, le mâle a utilisé son appendice mal ajusté comme un troisième bras, poussant la queue de la chauve-souris femelle sur le côté pour s’engager dans un accouplement par contact, ressemblant au « baiser du cloaque » commun dans le monde des oiseaux.
A partir de l’étude : comportement d’accouplement de l’Eptesicus serotinus. (N. Fasel et col./ Current Biology)
Bien qu’il s’agisse d’une scène tout à fait inhabituelle dans le règne animal, il est peu probable que ce mécanisme d’accouplement soit le fruit du hasard. En fait, les scientifiques pensent que ce « bras » pénien a évolué pour maîtriser les membranes de la queue de la femelle, que les chauves-souris pourraient utiliser pour éviter les rapports sexuels.
Toujours selon Fasel :
Les chauves-souris utilisent la membrane de leur queue pour voler et capturer les insectes, et les femelles l’utilisent également pour couvrir leurs parties inférieures et se protéger des mâles, mais ces derniers peuvent alors utiliser ces grands pénis pour surmonter la membrane de la queue et atteindre la vulve.
Cette sorte de « course aux armements » en matière de stratégie de copulation est courante dans la nature.
Les chercheurs espèrent maintenant étudier le comportement d’accouplement des chauves-souris à plus grande échelle, afin de déterminer si cette technique est unique aux E. serotinus ou si elle s’applique à l’ensemble des espèces. Ce qui peut paraître surprenant à la suite de cette étude approfondie, c’est que l’on sait peu de choses sur les comportements sexuels des chauves-souris.
L’étude publiée dans Current Biology : Mating without intromission in a bat et présentée sur le site de l’Université de Lausanne : Découverte d’un nouveau mode d’accouplement: une chauve-souris nous révèle son secret, taille XXL.