Un vide géant entraîne-t-il l’expansion inégale de l’univers ?
L‘un des plus grands mystères cosmologiques réside dans une divergence quant à la vitesse de l’expansion de l’univers. Une nouvelle étude apporte une solution intrigante en appliquant une théorie modifiée de la gravité et un « supervoide » (supervide) dans lequel se trouve notre galaxie.
Image d’entête : un segment simulé de la structure à grande échelle de l’univers. Celui-ci est constitué de vastes filaments de galaxies et de vides s’étendant sur des distances incroyablement grandes (milliards d’années-lumière). (NASA, ESA, et E. Hallman (Université du Colorado à Boulder))
De notre point de vue, ici sur Terre, il semble que les galaxies s’éloignent toutes rapidement de nous, et ce grâce à l’expansion de l’univers. La loi de Hubble-Lemaître décrit comment les plus lointaines galaxies s’éloignent de la Terre beaucoup plus rapidement que celles qui sont plus proches de nous.
Au cours des dernières décennies, des astrophysiciens ont tenté de résoudre l’équation qui décrit ce phénomène, en utilisant une valeur appelée constante de Hubble. Celle-ci indique la vitesse en kilomètres par seconde et par mégaparsec (km/s/Mpc). Ainsi, une galaxie située à 2 Mpc de la Terre s’éloigne deux fois plus vite qu’une galaxie située à 1 Mpc.
Certains astronomes mesurent la constante de Hubble dans l’univers relativement proche en utilisant des supernovae prévisibles, ce qui leur donne une valeur d’environ 73 km/s/Mpc. D’autres l’ont mesurée dans l’univers lointain en étudiant le rayonnement de fond du Big Bang (fond diffus cosmologique) et lui ont attribué une valeur d’environ 67,5 km/s/Mpc. Le problème est qu’au fur et à mesure que la technologie s’améliore, l’incertitude est constamment réduite dans les deux techniques, mais elles sont en désaccord sans possibilité de chevauchement, même après avoir tenu compte de l’accélération connue de l’expansion. Il en résulte un problème connu sous le nom de « tension de Hubble« .
Mais une nouvelle étude propose une solution à la tension de Hubble. Selon des chercheurs de l’université de Bonn (Rheinische Friedrich-Wilhelms-Universität Bonn/ Allemagne) et de l’université de St Andrews (Écosse), nous devrions peut-être tenir compte de notre place dans le cosmos et remettre en question certaines idées préconçues.
Il y a une dizaine d’années, une équipe d’astronomes a découvert que notre galaxie, la Voie lactée, semble être située dans un vide gigantesque, où il y a beaucoup moins de matière qu’ailleurs dans l’univers. En effet, la matière n’est pas répartie uniformément dans le cosmos : elle tend à être distribuée en amas et en taches vides, comme une éponge colossale. Il se trouve que nous vivons dans une poche d’air de cette éponge. Cela pourrait avoir pour effet secondaire d’attirer la matière à l’intérieur de ce supervide vers la matière plus dense qui entoure la bulle. Ainsi, la matière proche (c’est-à-dire les galaxies) se déplacerait plus rapidement que la matière plus éloignée, ce qui expliquerait la tension de Hubble.
Cette toile bleue représente la distribution de la matière dans l’univers, les points jaunes indiquant les galaxies. Le point vert représente la position de la Voie lactée dans une « bulle » d’espace relativement vide, où d’autres galaxies proches pourraient être attirées vers la matière plus dense au bord de la bulle (via les flèches rouges). (AG Kroupa/ Université de Bonn)
Cependant, ce n’est pas aussi simple que cela : pour que cette explication soit valable, les astronomes doivent également modifier les lois de la gravité. Lorsque l’équipe a appliqué une théorie alternative de la gravité, appelée dynamique newtonienne modifiée (MOND), la tension de Hubble a complètement disparu, l’écart observé s’expliquant entièrement par une distribution irrégulière de la matière.
Il ne s’agit pas d’un simple tour de passe-passe mathématique. La MOND est une théorie légitime qui a fait ses preuves dans plus de 150 galaxies, certains amas d’étoiles et même les planètes de notre propre système solaire. Elle expliquerait également les bizarreries attribuées à la matière noire, cette mystérieuse substance qui n’apparaît jamais dans les expériences conçues pour la détecter. En fait, le supervide lui-même n’a pas vraiment de sens selon le modèle standard, mais il agit dans le cadre de la méthode MOND.
Bien que de plus en plus de preuves viennent étayer la théorie MOND, celle-ci n’est pas encore largement acceptée. D’autres travaux seront nécessaires pour tester l’idée et déterminer si elle peut résoudre certains des plus grands mystères du cosmos.
L’étude publiée dans The Monthly Notices of the Royal Astronomical Society : A simultaneous solution to the Hubble tension and observed bulk flow within 250 h−1 Mpc et présentée sur le site de l’Université de Bonn : A new possible explanation for the Hubble tension.