La Lune pourrait entrer dans une nouvelle époque géologique liée à l’activité humaine
L‘impact humain sur la Lune devrait être officiellement déclaré, selon un groupe de géologues et d’anthropologues américains, alors que les activités se multiplient en vue de créer des bases permanentes sur la surface lunaire.
Image d’entête : Buzz Aldrin à côté du premier sismomètre sur la Lune, qu’il a installé il y a 40 ans aujourd’hui. En arrière-plan, Eagle, l’atterrisseur lunaire d’Apollo. (NASA)
Dans un commentaire publié dans la revue scientifique Nature (lien plus bas), les auteurs de l’université du Kansas affirment que l’humanité est désormais la force dominante qui façonne l’avenir de la Lune, à la fois par des atterrissages avec équipage et par des activités exploratoires sans équipage.
Plusieurs agences spatiales nationales ont multiplié les missions sur la Lune. En août, l’Inde a rejoint les États-Unis, l’Union soviétique et la Chine en tant que seules nations à avoir réussi à poser un véhicule sur la surface lunaire. La sonde russe Luna 25 s’est écrasée sur le pôle sud de la Lune à peu près au même moment. Le Japon tentera de faire atterrir sa mission « SLIM » dans les mois à venir.
Qu’il s’agisse d’atterrissages sûrs et d’explorations avec des astromobiles (rovers), de collisions, d’échantillonnage du sol à distance ou de ramener des personnes sur le régolithe de la Lune, l’impact de l’humanité sur la plus proche voisine de notre planète est indéniable.
A partir de l’étude : une sélection d’objets et d’impacts laissés par les humains sur la Lune. (Holcomb et col./ Nature Geosciences/ Université du Kansas)
Selon le Dr Justin Holcomb, chercheur postdoctoral au Kansas Geological Survey (Université du Kansas) :
Notre objectif est de dissiper le mythe de la statique lunaire et de souligner l’importance de notre impact, non seulement dans le passé, mais aussi aujourd’hui et à l’avenir. L’idée est à peu près la même que celle du débat sur l’Anthropocène sur Terre, à savoir l’exploration de l’impact de l’humain sur notre planète. Le consensus est que sur Terre, l’Anthropocène a commencé à un moment donné dans le passé, que ce soit il y a des centaines de milliers d’années ou dans les années 1950, de même, sur la Lune, nous soutenons que l’Anthropocène lunaire a déjà commencé.
Holcomb espère qu’en apposant le label Anthropocène à la Lune post-humaine, les organismes et les gouvernements qui travaillent à sa surface comprendront mieux l’importance d’en gérer l’impact.
Cela concerne non seulement les objets laissés sur la Lune par les astronautes, mais aussi les perturbations causées par l’utilisation de machines à la surface. Au lieu que la Lune soit façonnée par des processus cosmiques tels que les impacts de météorites ou ses propres changements géologiques, c’est l’activité des habitants de la Terre qui laisse aujourd’hui, littéralement, une marque dans le régolithe. Certaines de ces histoires culturelles méritent d’être préservées, tout comme les archéologues préservent les traces de l’activité humaine sur Terre.
Selon Holcomb :
Les processus culturels commencent à dépasser le contexte naturel des processus géologiques sur la lune. L’impact des rovers, des atterrisseurs et des mouvements humains perturbe considérablement le régolithe. Dans le contexte de la nouvelle course à l’espace, le paysage lunaire sera totalement différent dans 50 ans. De nombreux pays seront présents, ce qui entraînera de nombreux défis.
En tant qu’archéologues, nous percevons les empreintes de pas sur la Lune comme un prolongement du voyage de l’humanité hors d’Afrique, une étape charnière dans l’existence de notre espèce. Ces empreintes sont intimement liées au récit global de l’évolution. C’est dans ce cadre que nous cherchons à capter l’intérêt non seulement des planétologues, mais aussi des archéologues et des anthropologues qui n’ont pas l’habitude de s’engager dans des discussions sur les sciences planétaires.
Le commentaire publié dans Nature Geosciences : The case for a lunar anthropocene et présentée sur le site de l’Université du Kansas : Scholars say it’s time to declare a new epoch on the moon, the ‘Lunar Anthropocene’.